La démographie actuelle et celle à venir vont-elles bouleverser l’histoire du monde ?

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Par Daniel Moinier Modifié le 2 février 2021 à 7h25
Demographie Monde Histoire Boulversement
@shutter - © Economie Matin
60%Les blancs d'origine essentiellement chrétiens ne représentent plus que 60% de la population.

Il existe une telle différence démographique entre tous les pays du monde que l'ordre mondial sera complètement bouleversé et plus vite que nous pourrions le supposer. Si nous regardons derrière nous, nous pouvons constater que simplement depuis la dernière guerre mondiale, de nombreux pays presque inexistants au point de vue économique, ont fait rapidement leur apparition. Si nous regardons encore plus en arrière, c'est pire encore, la France tenait une place prépondérante en Europe et même dans le monde.

Cette rétrospective m'amène à parler de la puissance d'un pays. Si un pays est gouverné démocratiquement, sa puissance économique et militaire est très liée à sa population. Prenez le cas de la Chine qui est devenue la deuxième puissance économique du monde avec la première population mondiale. Elle est même en passe de passer première économiquement mais aussi militairement, ce qui peut devenir une grave menace pour l'équilibre du monde !

Un démographe du Collège de France et polytechnicien, m'a beaucoup inspiré pour écrire cet article : Alfred Sauvy (1898-1990) considéré comme le père de la démographie opérationnelle française et même certainement du monde, créateur de l'INSEE et de l'INED (Institut National d'Etudes Démographiques). Il voulait que les gouvernants aient à leur disposition de vrais chiffres pour mener au mieux et le plus juste possible leurs orientations et les textes de lois en découlant . Le but : avoir une démographie qui serve à prévoir. Car si la démocratie c'est le pouvoir donné au peuple, la démographie c'est écrire ou décrire les peuples.

Petite leçon de démographie : Le simple renouvellement démographique c'est 2,1 enfants par femme. Pour certains pays, c'est 6,3, soit le triple que nécessaire bien sûr à mortalité constante, alors que dans ces pays la mortalité diminue plus vite, la progression sera encore plus importante. C'est-à-dire qu'il y aura trois fois plus de parents et beaucoup d'enfants même si la fécondation diminue un peu. Il serait nécessaire que cette dernière diminue par trois pour que le nombre d'enfants soit constant. La population continuera néanmoins d'augmenter au fur à mesure du vieillissement des parents. Cet exemple représente surtout une part des pays africains.

Si à l'inverse nous prenons certains pays européens et même d'Asie avec leur faible taux de fécondité par exemple 1,4 au lieu de 2,1 que va-t-il se passer ? Les générations ne seront remplacées qu'aux deux tiers, ce qui diminuera le taux de plus de moitié en deux générations. C'est aggravé par le fait que ces générations « creuses » doivent supporter un nombre disproportionné de personnes âgées nées à l'époque où les générations étaient importantes et même très importantes !

Cette évolution semble irréversible, il y aura moins de parents une génération plus tard, qui feront encore moins d'enfants. Il faudrait que la fécondité remonte par un coup de baguette magique pour revenir à l'état antérieur. Il serait nécessaire que cette fécondité dure vingt ans et même 65 ans pour reconstituer complètement la population active !

La basse fécondité diminue parallèlement la population active, ce qui a de graves conséquences économiques et par suite militaires, mais aussi de capacité à nourrir les plus âgés et également d'assimiler les immigrants qu'il faudra faire venir pour « boucher le trou ». C'est le cas notamment de l'Allemagne et bien d'autres pays.

Ce qui est encore plus grave quel que soit le système de retraite, car les plus âgés sont mathématiquement plus nombreux à mortalité constante. C'est encore plus marquant en France puisque la durée de vie augmente inexorablement de près de sept heures de plus chaque jour (sauf intermède du Covid). Ce sont toujours les plus jeunes qui nourriront les plus âgés.

Des antécédents historiques

L'histoire démographique de notre ère a mis en évidence de profonds bouleversements. Cela a commencé par l'absorption de la Grèce antique par l'Empire romain et son déclin démographique autour des années 300 après J-C. Manquant de combattants, l'armée romaine a été obligée de « recruter » des barbares avec leurs familles et même leurs offrir des terres. Ce qui a implantés les francs en Gaulle et bien d'autres également. Puis ce fût l'arrivée des huns d'Attila avec les Wisigoths (germaniques d'Occident), ces derniers s'implantant plutôt en Espagne, alors que les vandales occupèrent le Maghreb. L'effondrement de la population est resté une énigme supposée venir d'un empoisonnement par le plomb contenu dans la vaisselle. Cet effondrement a été compensé par le développement du christianisme.

Au moyen âge et surtout dans sa deuxième partie et particulièrement sous Louis XIV, la France était le pays dominant d'Europe par son agriculture, favorisée par son climat tempéré et un ordre public meilleur qu'ailleurs. Napoléon a aussi bénéficié de cette démographie même si elle était déjà moins florissante, ayant dû incorporer des contingents étrangers pour continuer son invasion européenne.

Pendant cette période, pour des raisons démographiques, la France a perdu les deux tiers de son premier empire colonial de l'Amérique du Nord. Cet empire n'était pas assez peuplé par manque de colons français qui étaient trop bien en France. Ce n'était pas le cas des anglais, irlandais… moins favorisés par la nature. Cet Empire s'est réduit comme peau de chagrin en moins d'un siècle, Napoléon s'étant résolu à vendre ce qui en restait : La Louisiane.

En 1870, c'est la guerre avec la Prusse. La France s'est trouvée en infériorité numérique face à l'armée prussienne et l'a perdue, y compris les trois départements de l'Est.

En 1914, malgré l'entente cordiale avec l'Angleterre c'était encore pire, nous manquions de bras. Ce qui nous a valu une guerre très longue dont le pays ne s'est pas remis, en « végétant » économiquement pendant vingt ans avec la terrible crise de la fin des années vingt.

Pendant cette période la fécondation française a continué de se détériorer, par contre à l'inverse l'Amérique et l'URSS ont pris un poids démographique important et par ricochet un pouvoir sur l'Europe.

Notre force démographique, nous a permis d'être colonisateur, Napoléon dans ses tournées coloniales a trouvé l'Egypte avec ses 2,5 millions d'habitants. En 1830, la France envahit l'Algérie qui ne comptait qu'environs 3 millions d'habitants. C'est pareil pour l'Afrique noire qui avait une population très disparate.

A l'époque, la France avec ses 29 millions d'habitants avait un pouvoir démographique encore très influant.

Malgré sa reprise démographique d'après-guerre et aujourd'hui avec ses 67 millions d'habitants, la France n'a plus les moyens de coloniser qui que ce soit. L'Egypte est passée à 100 millions d'habitants, l'Algérie à 45, l'Afrique francophone à plus de 200 millions.

Ce sont les plus importants pays d'Europe encore féconds qui se sont « vidés » pour « garnir » l'Amérique du Nord, l'Amérique latine, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et partiellement l'Afrique, qui a eu parallèlement des départs « forcés » pour l'Amérique.

Toute cette première partie vous a permis de découvrir que la puissance d'une nation est en grande partie démographique, mais que son déclin ne se remarque que des décennies plus tard lorsque les générations creusent arrivent à l'âge actif.

Pour les pays qui avaient dernièrement encore une très forte fécondité (sept à huit enfants), la baisse à 4/5 enfants n'a pas d'incidence puisque la mortalité a largement compensée cette baisse et permet toujours une augmentation rapide de la population.

En revanche la baisse de fécondité dans les autres parties du monde est catastrophique. Elle touche surtout l'Asie « chinoise » et l'Europe plutôt orientale et balkanique.

Pour l'instant et depuis plusieurs décennies, cela n'a pas perturbé les élus et surtout les candidats aux élections, c'est loin d'être leur première préoccupation. S'y attaquer c'est un projet anti-électoral que le peuple n'a pas envie d'entendre, personne n'a jamais voulu l'expliquer, car il débouchera sur des décisions qui ne vont pas du tout plaire aux syndicats et à la plupart des concitoyens très mal informés.

Que va-t-il se passer lorsqu'il n'y aura plus assez de jeunes adultes pour entretenir les retraités ? Ce sera vraiment trop tard lorsque les générations moins nombreuses atteindront l'âge adulte !

Prenons l'exemple d'un pays avec une fécondité à 1,4 enfant par femme au lieu de de 2,1, ce qui est le cas (et même en dessous) de nombreux pays européens principalement du Sud : Malte 1,23, Espagne 1,25, Italie 1,29, Chypre 1,3, Grèce 1,35, (La moyenne européenne est à 1,55 !). Les générations ne seront remplacées qu'aux deux tiers et de ce fait diminueront de plus de moitié (2/3 X 2/3) en deux générations. Le problème est encore plus grave car ces générations creuses doivent supporter un nombre disproportionné de plus âgés, nés à l'époque où la fécondité était importante.

Ces évolutions sont irréversibles au Sud de l'Europe où la fécondité est basse, il faudrait un retournement improbable pour revenir à la situation antérieure et qu'elle dure au minimum plus de 20 ans et même 65 ans pour reconstituer complètement cette population !

Cette baisse de fécondité et la baisse de population a trois principales conséquences : une économie et une puissance militaire en forte diminution et une grande difficulté à nourrir les retraités. Le problème des plus âgés est encore plus grave car ils sont de plus en plus nombreux grâce à l'augmentation constante de la durée de vie des retraités. Le système de retraite tel qu'il est n'est plus supportable et le sera encore de moins en moins au fil du temps.

L'Allemagne depuis de nombreuses années a accueilli de nombreux travailleurs venant de Russie, d'Italie, des Balkans et de l'Europe de l'Est notamment polonais ce qui lui a permis de se maintenir à la moyenne européenne avec ses 1,55.

La France avec un taux de fécondité à 1,88 s'en sort mieux que les autres (Heureusement qu'il y a eu des apports extérieurs qui font encore plus d'enfants) surtout par rapport à son voisin Allemand avec un taux de 1,55. C'est pour cela qu'Angela Merkel a laissé rentrer 1,1 million d'immigrés en 2015.

Pour donner suite à ce constat, la transition démographique inventée par les américains est un modèle complètement dépassé. Celui-ci se présentait selon le schéma que la mortalité décroitrait rapidement avec la modernisation, alors que la fécondité ne baisserait que très progressivement. Par contre les démographes français parlaient d'un régime démographique moderne avec la baisse continue de la fécondité. Ils avaient en partie raison.

Malgré un taux de fécondité le plus important d'Europe, la France se trouve dans une situation critique plus que les autres, car les gouvernements successifs ne se sont pas polarisés sur ce problème, ils ont même fait l'inverse (60 ans et 35 heures) de ce que les autres pays ont mis en place : L'augmentation de la durée du travail et surtout d'activité.

La France, elle, ne s'est pas du tout penchée sur ce problème et l'a même « camouflé » depuis 1975, avec des déficits successifs, « compensés » par des emprunts et l'augmentation de toute la fiscalité. Sur ce sujet nos gouvernants ont été très prolixes pour conserver suffisamment d'électeurs, être élus et surtout réélus, l'image sociale est devenue prépondérante dans les discours mais aussi dans les actes. Pour que la France reste encore bien classée en Europe (et même du monde) vis-à-vis du taux de pauvres, le nombre d'aides a littéralement explosé ! Ce taux a mis complètement à bas nos entreprises franco-françaises, les administrations qui manquent depuis longtemps de moyens, le revenu de nos paysans bien trop faibles malgré les aides et j'en passe.

Autre important problème crucial et démocratique, la démographie qui change par suite de l'immigration.

Prenons le cas des Etats-Unis. La population blanche d'origine européenne ne se renouvelle pas. Sa proportion est grignotée de plus en plus par la population noire (et multiraciale), par les asiatiques et les latinos, ces derniers sont d'une catégorie culturelle, non raciale composée de blancs et de métis-amérindiens. Les blancs d'origine essentiellement chrétiens ne représentent plus que 60% de la population. Ce sont surtout les Hispano et noirs qui sont les autres ethnies les plus importantes.

En Europe, le phénomène démographique est un peu le même, sauf que l'invasion depuis les années 1960, provient principalement d'Afrique. Auparavant, nous avons vu arriver des Polonais entre les deux guerres, après 1945, dans l'ordre ; les vietnamiens, les Italiens, les Espagnols, les Portugais et des habitants des Balkans.

La fécondité arabe malgré une baisse reste encore élevée, mais comme il a déjà été décrit ci-dessus, cela n'empêchera pas la hausse rapide de cette population pendant des décennies supplémentaires. Cette augmentation rapide a mis une forte pression sur les campagnes électorales où se trouvait la majorité de cette population.

La démographie mène à la politique et à l'économie, les élus qui ne s'en préoccuperont pas dans leur ensemble tout prochainement et à l'avenir, seront rejetés par les mauvais résultats engendrés malgré eux.

www.danielmoinier.com

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

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