Immigration : qui de la France ou l’Allemagne est gagnante

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Par Daniel Moinier Publié le 16 mars 2015 à 5h00
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9 millionsLa France devrait gagner 9 millions d'habitants d'ici 2025.

Depuis les attentats en France du 8 janvier 2015, le thème de l’immigration a été abordé dans de nombreux débats, conférences, à l’Assemblée, au Sénat et bien sûr par tous les médias. Par contre, il est très irritant d’entendre : notre voisin Allemand en laisse rentrer beaucoup plus que nous et il a pourtant moins de problèmes, moins de chômage.

France-Allemagne : une politique de l'immigration différente

Pourquoi la politique allemande de l’immigration n’est pas envisagée et même récriée comme celle de la France ? La première raison qui est de loin la plus importante, c’est leur faible niveau de natalité. Un des plus faibles d’Europe. Pourquoi l’Allemagne laisse t-elle "filer" un tel taux d’immigration ? Alors que nous avons depuis longtemps, un niveau de chômage très élevé, pourquoi laissons nous rentrer autant d’étrangers sur notre sol. C’est une réflexion que nous attendons à tout bout de champ. Combien de débats n’y a-t-il pas eu à ce sujet, tant dans les médias qu’avec nos hommes politiques, y compris par le commun des mortels. Dernièrement encore un politique affirmait que notre immigration était très raisonnée par rapport à celle de l’Allemagne qui est presque le double de la nôtre. D’autres partis, tel le front national voudrait la réduire à zéro. Un débat très médiatique l’an dernier entre Alain Finkielkraut et Daniel Cohn-Bendit a pu nous révéler l’énorme différence qui existe entre nos deux pays, tant culturelle, idéologique, que démographique. Ce dernier s’exprimait ainsi sur ce sujet :

"L’enjeu pour nous est de savoir comment adapter ou non nos lois. Il m’a fallu très longtemps pour comprendre une différence fondamentale entre la France et l’Allemagne sur ce sujet". Alain Finkelkraut quant à lui, rétorque que, "Si la France décide de freiner les flux migratoires pour se donner les moyens de résoudre la crise de l'intégration et que le Parlement de Bruxelles s'y oppose, cette instance ne sera pas perçue comme la maison du peuple européen, mais comme une pièce du Château, au sens kafkaïen du terme."

Natalité, seniors, mentalités : des différences essentielles

Pourquoi une telle différence de vue entre nos pays, nos dirigeants, nos concitoyens ? Notre voisin ne se trouve pas du tout et depuis longtemps dans la même situation. Au sujet de l’immigration chacun des deux a une histoire très différente. Même si l’origine était un peu identique depuis des décennies, les causes ne sont plus les mêmes.? S’il existe aujourd'hui une population d'immigrés, c'est parce que dans les années 1950, l’Allemagne n’avait pas une force de travail suffisante pour développer son économie. Et c'est le ministre allemand de droite, et non pas l'Eglise ni les bien-pensants des syndicats, qui a appelé les travailleurs turcs, serbes, yougoslaves en Allemagne. Tout comme il y a eu en France une immigration polonaise catholique, italienne, espagnole, portugaise, puis en provenance du Maghreb, surtout de l’Algérie depuis la fin de la "Guerre" décidée par de Gaulle en 1962.

Les différences essentielles proviennent des taux de natalité, du nombre de seniors et aussi des différences de mentalités. En Allemagne, il est toujours mal vu pour une mère de travailler. Seules un tiers des femmes ayant un enfant de moins de 3 ans ont une activité professionnelle, et seules 9% des Allemandes ayant un enfant d’un an. Dans 53% des foyers comptant père et mère, seul le père travaille, et 29% des parents d’un enfant de moins de 3 ans travaillent tous les deux. L’activité professionnelle des mères augmente lentement avec l’âge de leurs enfants : 62% des mères d’enfants âgés de 3 à 5 ans travaillent car c’est l’âge du jardin d’enfants, réputé pour encourager les compétences sociales des plus petits.

Et pourtant depuis quelques temps, les parents allemands sont plutôt chouchoutés : droit à une place en crèche inscrit dans la loi, salaire parental équivalent à 60% des derniers revenus versé pendant un an. La politique familiale contient quelques 156 mesures qui représentent près de 200 milliards d’euros par an. Et pourtant, rien n’y fait : les Allemandes continuent de bouder la maternité. Elles sont 22%, entre 40 et 44 ans, à ne pas avoir d’enfant, soit 2 points de plus qu’en 2008, selon des statistiques officielles publiées en fin de semaine dernière. Sur une échelle plus large, avec 673 000 naissances l’an passé, les Allemandes ont mis au monde deux fois moins d’enfants qu’en 1964.

L’inversion des poids démographiques semble donc inéluctable et elle s’accompagnera d’une divergence de l’âge moyen de la population. L’Allemagne étant nettement plus âgée que la France (graphique 4). En 2060, la part des plus de 65 ans atteindra presque le tiers de la population en Allemagne contre un peu moins de 27 % en France.

Du point de vue démographique, la France et l’Allemagne sont donc dans des situations radicalement différentes. Alors que la France a pu conserver un taux de fécondité satisfaisant, pratiquement suffisant pour garantir la stabilité à long terme de la population, même s’il manque tout de même 0,2 point pour être à l’équilibre, la dénatalité allemande va entraîner une baisse rapide et importante de la population et un vieillissement nettement plus prononcé qu’en France (graphiques 3 et 4).

D’après les projections démographiques retenues par la Commission européenne, l’Allemagne devrait perdre plus de 15 millions d’habitants d’ici 2060 et la France en gagner un peu moins de 9. Vers 2045 les deux pays devraient avoir des populations identiques (un peu moins de 73 millions d’habitants) et en 2060 la France compterait environ 7 millions d’habitants de plus que l’Allemagne (73 millions contre 66).

Les chiffres ci-dessus sont donnés uniquement en ne tenant compte que de fécondité des femmes Allemandes. Mais si vous prenez les différences d’immigration entre la France et l’Allemagne le résultat est tout autre. Puisque qu’en France, il rentre environ 260.000 immigrés par an, en Allemagne c’est 465.000. Soit 205.000 de plus chaque année.

Un premier tableau donne une vue de l’immigration très axée sur l’Europe

Sur ces deux graphiques vous voyez que l’Allemagne attire de plus en plus de migrants. Bien plus que la France ou le Royaume-Uni. C’est l’un des enseignements du rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur les perspectives des migrations internationales. Cet attrait, qui ne se dément pas depuis quatre ans, fait de l’Allemagne le deuxième pays d’accueil des immigrés derrière les Etats-Unis. La France, où l’OCDE ne dispose que des chiffres de 2012, a certes connu, elle aussi, une hausse de l’immigration. Mais, avec 258.900 entrées, elle reste loin derrière sa voisine germanique, qui pour la même année avait enregistré près de 400.000 entrées. Ce dernier chiffre devrait même progresser à plus de 465.000 en 2013, selon les estimations de l’OCDE. L’an passé, le Royaume-Uni aurait enregistré 291.000 entrées.

Au sein de l’Union européenne, l’Allemagne apparaît bien comme une destination de choix. Les trois quarts de ces nouveaux arrivants viennent des autres pays de l’Union européenne, principalement d’Europe centrale et orientale, mais également de l’Europe du Sud. Ce phénomène migratoire dû à la crise sévissant dans cette zone de l’Europe explique sans doute pourquoi l’Italie, le Portugal et l’Espagne ont subi, eux, un recul de leur immigration. La France, elle, a légèrement progressé en 2012, suivant une tendance observée depuis plusieurs années. Fruit de la grande crise et des difficultés de la zone euro, l’OCDE relève que les migrations de travail ont diminué de façon continue depuis le ralentissement économique, reculant de 12 % en 2012. Cette baisse a été particulièrement notable dans l’Espace économique européen, où les migrations de travail ont reflué de presque 40 % entre 2007 et 2012.

Le grand oubli : Les durées comparées de travail et d’activité de ces deux pays au regard de leur démographie

En dehors de l’immigration, une autre donnée n’a jamais été prise en compte, c’est les durées de travail et d’activité. Notre voisine d’Outre Rhin a eu une politique toute autre que la nôtre. Elle n’a jamais "pondue" des lois sur la diminution des temps de travail et d’activité, tels les 35 heures et les 60 ans. Au contraire, elle avait même institué les 67 ans. Depuis l’arrivée d’Angela Merkel tous les horaires "entreprise" ont été augmenté par consensus sans majoration de salaire. Rien que sur le temps d’activité, sur la durée de vie, l’Allemagne nous bat de près de cinq années. Les Allemands démarrent plus tôt en activité et travaillent beaucoup plus tard, soit un gain économique annuel de près de 350 Mds. De quoi obtenir de meilleurs résultats que nous, y compris pour les marges des entreprises où nous sommes classés le dernier d’Europe : 28,5 en France, 41,5 en Allemagne. L’Allemagne pour compenser sa faible natalité a donc choisi depuis longtemps d’augmenter son temps d’activité et développer un recours massif à l’immigration européenne en premier avec des ressortissants des pays de l’Est plus proches de sa culture, puis des Turcs renommés plus "intégrables et travailleurs". Même si depuis quelques temps, elle se trouve confrontée à des manifestations de plus en plus hostiles et populistes portés par des organisations ou mouvements d’extrême droite ou néonazis. D’autres s’y sont joints, tel le jeune parti anti-euro : Alternative für Deutscland (Afd), ainsi que le Goupe Pegida qui organise des "Manifestations du lundi" dans de très nombreuses villes en criant "Nous sommes le peuple" slogan récupéré de l’époque de la RDA.

Et pourtant la situation économique de l’Allemagne est bien meilleure que la nôtre avec un taux de chômage à moins de 5% alors que nous sommes à plus de 10%, un taux de croissance de 1,4%, France ; 0,4%, déficit ; Zéro, France 85,6 Mds. Pourquoi de telles peurs dans une période plus favorable que la nôtre ? Alors que le 1er Smic allemand vient d’être institué au 1er janvier dernier, permettant de relever le niveau des bas salaires.

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

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