Si vous avez cliqué sur le titre de cet article, c'est que vous détenez déjà au fond de vous même la réponse à la question. L'énième reculade de ce week-end sur la taxation de l'épargne (une excellente chose au demeurant) ne fait qu'alourdir une barque qui a déjà coulé.
Quand des millions de Français sont descendus dans la rue pour manifester leur opposition au mariage homosexuel, au début de l'année, le gouvernement n'a pas cédé d'un pouce. On peut le déplorer, mais au moins, l'exécutif, en affichant sa fermeté, a réussi à décourager les manifestants : il n'y a pas eu de quatrième manif pour tous. Résister à la pression de la rue, et à toutes les pressions, après l'affaire des pigeons qui avait fait reculer le gouvernement à l'automne dernier, semblait être devenu le nouveau credo du tandem Hollande-Ayrault.
Et pourtant, depuis la rentrée, c'est tout le contraire qui s'affiche sous nos yeux. Il ne se passe pas une journée -non pas une semaine, mais une journée- sans qu'une annonce faite par un ministre soit contredite dans la foulée par (rayez les mentions inutiles) : un autre ministre - le Premier ministre - le président de la République - le premier secrétaire du PS - le président du groupe PS à l'Assemblée - un éléphant du PS - le rapporteur général du budget à l'Assemblée - un député frondeur de la majorité.
Le gouvernement Ayrault n'existe plus
Dans l'affaire de l'uniformisation de la taxation de l'épargne, qui plus est rétroactive, à laquelle le gouvernement a renoncé sous la (les) pression(s) pendant le week-end, Christian Eckert, rapporteur général du Budget, déclare ce matin que cet énième couac est le résultat d'un manque de préparation et de communication entre la majorité parlementaire et le gouvernement... Tout est dit.
Quand Harlem Desir, dans l'affaire Léonarda, contredit le président de la République, demandant le retour de la famille (sans le père) quand François Hollande a proposé le retour de l'adolescente (sans ses parents, frères et soeurs), quand des ministres se chamaillent tous les jours par médias interposés, sur tous les sujets ;
Quand Jean-Marc Ayrault, le Premier ministre, est définitivement aux abonnés absents, preuve qu'il a renoncé à tenir ses ministres et la majorité dont il doit constitutionnellement être le chef ;
Quand le chef du parti de la majorité justement s'oppose au Président qu'il devrait pourtant être le dernier à soutenir contre vents et marées ;
Quand députés et sénateurs n'en font plus qu'à leur tête - le Sénat pourtant majoritairement à gauche a rejeté la semaine dernière la réforme des retraites élaborée par un gouvernement de gauche et votée par une Assemblée Nationale de gauche,
Quand une région entière se soulève contre un impôt inique, l'écotaxe, faisant de l'éloignement géographique une tare et de trente années d'aménagement du territoire une erreur ;
Quand, enfin, le président de la République a crevé le plafond de l'impopularité de tous les présidents de la Ve République, ce qui, seul, ne signifie rien, mais cumulé à tout le reste signifie tout ;
Alors... il faut en tirer les conséquences.
Valls Premier ministre, le gouvernement impossible à constituer
Il n'est pas trop tard pour changer de gouvernement. C'est juste totalement impossible. La majorité présidentielle n'est plus que l'ombre d'elle-même, si tant est qu'elle n'ait jamais existé autrement que par défaut, cristallisant les opposants à Nicolas Sarkozy autour du plus mou des candidats. Recomposer une équipe ex-nihilo, après avoir limogé la précédente, en ne sauvant que Manuel Valls, le chouchou des français, pour le placer à Matignon ? Le héros des sondages est aussi le plus détesté au sein de son propre camp, et encore plus chez les "alliés" du PS. Trouver 40 ministres compatibles entre eux et avec le premier Ministre plébiscité par les Français est tout simplement infaisable.
En revanche, en déclenchant des élections législatives anticipées, François Hollande reprendrait de la hauteur, rappelant à ceux qui l'oublient un peu trop vite qu'il détient seul certains pouvoirs liés à la fonction qu'il occupe, même si c'est par défaut. Mais surtout, il refilerait la barre d'un navire en perdition au milieu des icebergs, dont la coque est déjà largement percée, à des adversaires dont on craint, à les voir s'entredéchirer, qu'ils seront incapables de mieux le piloter. Décision politique, oui. Mais qui croit encore que l'intérêt supérieur de la Nation guide les décisions de ceux qui nous gouvernent ?
François Hollande réélu en 2017 face à Marine Le Pen ?
Personne ne doute d'une victoire de la droite en cas de législatives anticipées. Mais à quel prix ? Après quel étalage de guerre des chefs, de divisions multiples ? Avec un centre qui n'en finit plus de se reformer, un Front national qui enverrait une quinzaine de députés à l'Assemblée, un Sénat à gauche qui ferait bloc... Et quel Premier ministre ? On voit déjà les coudes qui s'agitent...
Dissoudre l'Assemblée Nationale, en l'état actuel des choses, est pour François Hollande non pas la moins mauvaise des solutions politiques à une situation de blocage inextricable, mais la seule. Propice à sa réélection en 2017, face à une Marine Le Pen capable dans ces conditions non seulement de se qualifier pour le second tour, mais de dépasser le seuil des 40 % : son crédit d'opinions favorables chez les Français, d'après les sondages.
Ou bien François Hollande décide de démissionner. Finalement, Benoit XVI a bien fait jurisprudence en la matière. Mais on vous l'a dit plus haut : Qui croit encore que l'intérêt supérieur de la Nation guide les décisions de ceux qui nous gouvernent ?