Dématérialisation des processus bancaires, quand transformation numérique rime avec transition énergétique

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Par Olivier Mary Modifié le 31 janvier 2020 à 8h29
Entreprises Notes Frais Numerique
17%Le marché du cloud devrait grimper de 17% en 2020.

Définitions
La dématérialisation est un processus complet qui est pensé dès le départ comme numérique et non papier. La vocation de la dématérialisation est donc de tendre vers le « zéro papier », impliquant des signatures électroniques, mais aussi un workflow de traitement informatisé. Une organisation qui met en place ce type de démarche s’oriente vers une dimension digitale.
La transition énergétique désigne l’ensemble des transformations du système de production, de distribution et de consommation d’énergie effectuées, dans le but de le rendre plus écologique. Elle vise à transformer un système énergétique pour diminuer son impact environnemental.

Vers une transformation numérique à « marche forcée » du secteur financier

Dans un contexte concurrentiel tendu avec l’arrivée sur le marché de nouveaux acteurs tels que les Fintechs, néobanques et GAFA1, les banques ont entamé depuis les années 2000 une profonde mutation afin de repenser leurs activités sous le prisme des nouvelles technologies. Ainsi, les parcours client 100% digitalisés avec ouverture de compte en moins de 10 minutes, les offres de services accessibles via smartphone ou les parcours de crédits immobiliers intégrant la signature électronique, sont désormais largement répandus dans le milieu. C’est toute la partie front office du process bancaire qui a évolué afin de répondre aux besoins d’un client de plus en plus, voire exclusivement, connecté dans ses habitudes de consommation.
Alors que la première phase de transformation avait pour principal objectif la satisfaction client et la volonté de se différencier sur un marché saturé et mature, la seconde fait essentiellement écho à une problématique d’efficacité opérationnelle.
En effet, ces dernières années ont vu s’accroitre la volonté du régulateur de surveiller le rôle des banques dans différents domaines dits sensibles tels que la lutte contre le terrorisme, le blanchiment d’argent ou la fraude et l’évasion fiscale. La démultiplication des contrôles et traitements réglementaires imposés, programmes FATCA2 et TRACFIN3 pour ne citer qu’eux, ont eu pour conséquence directe une importante hausse de l’activité en middle et back office. La crainte des sanctions financières couplée à une incapacité structurelle à intégrer cette charge supplémentaire, ont conduit les banques à repenser globalement leurs fonctionnements internes. De nombreux chantiers « EDI » (Echange de Données Informatisés4) se sont mis en place avec pour objectif d’absorber plus de demandes et de raccourcir les délais de réponse, transformant radicalement les processus métier existant. Effet immédiat : aux gains de productivité escomptés s’ajouta une diminution drastique du volume de papier consommé, utilisé jusqu’alors comme vecteur principal d’information à chaque étape du traitement bancaire.

La dématérialisation, un réel atout en faveur du développement durable ?

Partie intégrante de toute stratégie digitale, la dématérialisation permet l’implémentation ainsi que l’exploitation sécurisée et industrialisée des données sensibles dans les différents applicatifs métiers constituant le Système d’Information de la banque. Comme évoqué rapidement ci-dessus, une des conséquences de la dématérialisation est la limitation des usages du papier grâce la numérisation des informations échangées en interne et en externe. Dans un contexte de responsabilisation des entreprises sur leurs rôles et engagements en faveur de la transition énergétique, ce cercle vertueux apparait comme une excellente nouvelle pour des banques en recherche permanente de productivité mais aussi de réhabilitation de leur image aux yeux des consommateurs.
Le rôle du papier dans cette quête environnementale ne doit pas être sous-estimé. S’attaquer à la réduction des flux papiers c’est bien entendu réduire l’utilisation de la matière première qu’est le bois, mais aussi s’attaquer à toute la chaîne de valeur du papier dans l’entreprise et tout ce qui en découle : son transport, l’impression, l’archivage, la distribution, les copies, …
Il semble inutile de rappeler que banques et assurances, de par leur cœur de métier, font partie des entreprises les plus consommatrices de papier. Nombreuses pages de contrat imprimées en triple exemplaire, relevés de comptes transmis par la Poste, courriers clients, documents internes, etc. Les exemples ne manquent pas pour quantifier l’apport positif de la dématérialisation. A titre indicatif, un employé de bureau utilise en moyenne 1 kg de papier par semaine. Considérant que la production et la consommation d’une tonne de papier implique 17 arbres, 3 mètres cubes de déchets, 26 500 litres d’eau, 3 barils de pétrole et 4100 kilowatts5, le calcul est rapidement effectué.
Prenons le cas d’une grande banque s’étant lancée dans un projet de dématérialisation de son back office. Ses principaux objectifs, réalisés, furent de diminuer ses temps de traitement (dossiers de prêts par exemple) et d’obtenir une visibilité exhaustive de son activité pour mieux la piloter. De manière indirecte et au vu des 125 millions de pages traitées par an par cette grande banque, l’optimisation des flux de documents (revue des processus, indexation, réduction de la manipulation de papier induite) a permis de réduire globalement le volume de papier ainsi que l’espace de stockage associé. Sur la base d’une hypothèse basse, à savoir la suppression d’une photocopie ou d’une impression par dossier, il est possible d’estimer à 337,5 tonnes de CO² l’économie réalisée par an (Calcul : 125 000 000 pages x 30% x 9 grammes = 337 500 000 grammes de C0², Source : Livre vert Syntec Informatique). Alors certes, tous les indicateurs semblent « verts » quand nous évoquons la mise en œuvre de politiques de transformation numérique, le gain semblant évident. Pour autant, ne nous leurrons pas. La conception et la réalisation des socles techniques nécessaires à la dématérialisation restent extrêmement énergivores. La conception des technologies de l’information a une grande part de responsabilité dans les phénomènes de réchauffement climatique, augmentation des gaz à effet de serre et acidification des océans. En effet, les systèmes d'information sont en partie constitués de matériaux rares, souvent nocifs pour l'environnement et la santé, complexes et coûteux à recycler. Compte tenu de la faible durée de vie de ces équipements, 2 années en moyenne, l’essentiel de leurs impacts environnementaux se concentrent pendant les phases d’extraction des ressources (en particulier les métaux) et de fabrication : 45% des émissions de gaz à effet de serre (GES), l’essentiel de l’épuisement des ressources et une grosse proportion de la pollution chimique.
Dès lors, la question se pose : Comment optimiser le potentiel vert des nouvelles technologies pour faire converger transformation numérique et transition énergétique sur le long terme ?

Les programmes de dématérialisation doivent s’inscrire directement dans la politique RSE des entreprises

Les banques se sont emparées du sujet « développement durable » et ont saisi l’opportunité que leur offre la loi PACTE6 pour communiquer sur la mise en œuvre de leurs actions en faveur de l’environnement. Ouverture aux clients d’investissements et financements vert, obtention de labels tel que l’ISR7 ou Greenfin, refus de placements financiers dans les énergies fossiles ou encore adoption des « Principes de l’Equateur 8», le secteur financier semble s’orienter vers une vision « ecology centric » de ses activités.
Mais pourquoi ne pas jouer le jeu jusqu’au bout ? L’idée d’associer gains opérationnels et environnementaux apparait comme extrêmement séduisante, et pas totalement irréalisable. Les nombreux chantiers bancaires de dématérialisation des processus devront intégrer la notion de « ecology by design ». En amont et tout au long de la conception, les responsables projets mesureront et anticiperont les impacts énergétiques, au même titre que le risque ou l’efficacité opérationnelle. Une première étape consiste donc à intégrer une partie RSE à la stratégie numérique de l’entreprise. Achats de matériaux recyclables, optimisation du stockage des données ou rationalisation des parcs informatiques, les pistes sont nombreuses et des études documentées existent à ce sujet comme celle Du Green IT au Green by IT publiée en 2017 par CIGREF. Dans l’objectif d’accompagner les entreprises dans leurs démarches, des logiciels de management carbone permettent de suivre et de réduire les émissions de gaz à effet de serre générées par les activités d’une organisation. Il devient ainsi possible de piloter une démarche de bout en bout - à la différence du bilan carbone qui permet uniquement la photographie d’une situation à un moment T - et de faciliter l’identification des potentiels de réduction, de créer des simulations ou encore d’anticiper l’évolution des émissions.
Une fois le projet de programmes de dématérialisation « propres » arrivé à maturité, une seconde phase plus approfondie tendra vers une approche novatrice de l’utilisation des nouvelles technologies. Il ne s’agira plus uniquement de limiter leurs impacts environnementaux, mais de les mettre au service de la transition énergétique. Comme l’évoquent les experts, c’est tout le défi d’un passage du Green IT au Green by IT servant « une démarche d’amélioration continue qui vise à réduire l’empreinte économique, écologique et sociale d’un produit ou d’un service, grâce aux TIC ». 9
Ainsi, transformation numérique et transition énergétique sont loin d’être incompatibles. Le prérequis reste toutefois de penser ces deux chantiers simultanément et de les intégrer en priorités de l’entreprise au sein d’un politique RSE plus vaste. Quitte à ce que le législateur aille plus loin et fasse évoluer l’obligation de « moyen » inscrite dans la loi PACTE vers une obligation de « résultat », le risque de sanctions financières étant souvent moteur dans les prises de décision du secteur financier.

1 Google, Amazon, Facebook et Apple

2 « Foreign Account Tax Compliance Act » oblige les acteurs bancaires à recenser et déclarer auprès de l’administration leurs clients qualifiés de « US person et tiers concernés ».

3 « Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers », organisme imposant aux établissements financiers de déclarer toutes opérations suspicieuses et de fournir, sur demande des autorités, l’ensemble des relevés d’opération du client pouvant couvrir plusieurs années.

4 Selon l’INSEE, l'échange de données informatisé (EDI) est une technique qui remplace les échanges physiques de documents par des échanges, selon un format numérique standardisé, entre ordinateurs connectés par liaisons spécialisées ou par un réseau (privatif) à valeur ajoutée (RVA).Les données sont structurées selon des normes techniques internationales de référence.

5 Source : www.printgreener.com

6 Loi phare du gouvernement, le Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, a été adoptée le 11 avril 2019 à l’Assemblée Nationale

7 ISR = Investissement Socialement Responsable

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 consultant pour le Groupe Square

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