Notations : Groupama en a pris pour son grade

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Par Charles Sannat Publié le 8 octobre 2012 à 10h53

C’est sans conteste la nouvelle la plus importante du week-end : l’assureur Groupama va mal, très mal. Tellement mal qu’il a d’ailleurs annoncé dans un communiqué, vendredi soir dernier, qu’il ne paiera pas la prochaine échéance sur ses obligations.

Avant de rentrer dans les détails, je voulais juste vous rassurer. C’est important que vous soyez rassurés. Donc rassurez-vous, vous pouvez être rassurés, tout va très bien. La crise financière est finie ! Depuis le temps qu’on vous le dit, vous devriez le savoir et ne pas avoir d’inquiétudes. D’ailleurs, en France, notre système bancaire est très solide. Encore une fois tout va très, très bien, donc soyez rassurés.

C’est vrai que Dexia a encore besoin d’un peu de sous, mais rien d’insurmontable. Il est indéniable que le Crédit Immobilier de France n’est pas dans une forme extraordinaire puisque l’État est obligé de voler à son secours, mais il n’y a rien de grave, c’est tout petit. Puisque l’on vous dit et répète que tout va bien. Dormez tranquilles mes petits.

Enfin pas tous. Car ceux parmi vous qui détiennent de l’épargne chez notre copine Cerise, vous pouvez commencer à numéroter vos abattis. Enfin, pas les vôtres, mais ceux de vos contrats d’assurance vie au hasard. Car, n’en déplaise à la communication officielle du Groupe Groupama, ne pas payer une échéance d’intérêts sur ses obligations, cela porte le nom de défaut… c’est-à-dire de faillite.

Conséquence logique, quelques heures après l’annonce par Groupama du non-paiement de son coupon sur des emprunts obligataires, l’agence Fitch indique qu’elle abaisse la note de l’assureur vert à BB+. Il s’agit d’une dégradation de deux crans des notes de solidité financière de l’assureur français Groupama SA de "BBB" à "BB+" et de dette à long terme de "BBB-" à "BB", les deux étant assorties d’une perspective négative, donc susceptible d’être abaissée à nouveau dans un avenir proche.



Les notes de solidité financière des filiales Groupama Gan Vie et Gan Assurances sont également rétrogradées de deux crans à "BB+" par Fitch. Cela va avoir des conséquences directes sur l’accès au financement et aux liquidités du Groupe Groupama au sens large. La filiale assurance vie est également dégradée. Mais vous pouvez continuer à souscrire un contrat en fonds euros sans aucun problème puisque nous avons la chance en France d’avoir le système financier le plus solide de l’Univers.

Le communiqué de Groupama est absolument extraordinaire. "Cette décision n’est pas liée à un problème de liquidité mais plutôt à un problème de principe", a assuré Thierry Martel, le directeur général de Groupama, à l’AFP. "Après avoir demandé des efforts à nos partenaires mutualistes et aux salariés du groupe, il nous paraissait assez légitime de mettre à contribution nos partenaires financiers", a-t-il indiqué. Chez l’assureur mutualiste, on estime qu’il s’agit d’un non-événement.

"Nous nous trouvons dans la situation où une entreprise ne verse pas, exceptionnellement, de dividende à ses actionnaires. Nous considérons que nous sommes dans une année particulière où nos actionnaires, nos salariés et nos investisseurs doivent consentir à des efforts exceptionnels en vue de restaurer notre marge de solvabilité", décrit le communiqué. Il est hallucinant de lire de telles bêtises dans un communiqué normalement rédigé par des gens compétents.

Groupama a émis une ligne d’obligations dites perpétuelles d’un milliard d’euros (ce qui commence à faire un peu d’argent). Nous rappelons qu’une obligation est en réalité un prêt consenti à Groupama. En échange de ce prêt, vous recevez un taux d’intérêt c’est-à-dire une rémunération qui vous est versée à des échéances fixées à l’avance, généralement trimestrielles. Groupama a annoncé qu’elle ne paierait pas les intérêts aux prêteurs. On ne peut pas écrire, ni dire qu’il s’agit d’un "non-événement" !



Ne pas rembourser les sommes dues à ses créanciers est toujours un événement ! La tentative désespérée de communication est renforcée par une comparaison peu crédible entre le versement de dividendes et le paiement des intérêts sur une dette. Faire le parallèle entre ces deux éléments est un non-sens économique.

Être actionnaire donne le droit de participer aux bénéfices de l’entreprise sous forme de perception de dividendes. Les dividendes sont optionnels. Les bénéfices ne sont pas forcément distribués aux actionnaires. Une part est d’ailleurs toujours conservée afin de financer les investissements nécessaires ou les projets en cours. On peut garder les bénéfices pour constituer des réserves, bref, c’est la vie normale d’une entreprise et c’est logique. D’ailleurs, ce sont les actionnaires qui, réunis en assemblée générale des actionnaires, décident ensemble de la répartition des bénéfices.

Dans le cas de Groupama, il s’agit de ne pas payer les intérêts de sa dette. Les créanciers ne sont pas consultés et n’ont pas voté pour ne pas être payés ! Une obligation est un contrat de prêt ! Il n’y a donc aucune comparaison possible entre dividendes et paiement des coupons obligataires. Enfin, il faut remettre les choses en perspective.

Groupama refuse d’honorer un montant de 63 millions d’euros soi-disant pour renforcer ses fonds propres. Soyons logique. La Direction de Groupama savait très bien que sa décision unilatérale allait entraîner une dégradation de sa note et donc son éjection des marchés financiers et, du coup, l’impossibilité pour le Groupe de trouver de la liquidité.



Ce sont les dégradations successives qui ont mené le Crédit Immobilier de France dans l’impasse. Quel est donc l’intérêt pour une entreprise comme Groupama de renforcer ses fonds propres de 63 millions d’euros, c’est-à-dire rien du tout, et de prendre le risque d’une impossibilité totale de financement. C’est très peu crédible. Vraiment très très peu crédible. On peut donc imaginer que la situation de l’assureur français est beaucoup plus grave que ce que l’on pense.

Enfin, une telle décision, loin de rassurer les épargnants, ne peut que contribuer à un retrait massif de capitaux, que les fonds propres du Groupe ne suffiront pas à honorer. Si les clients sociétaires paniquent, cela en sera même fini de Groupama en moins de quinze jours.

Groupama a le droit de ne pas payer C’est un peu technique, et nous ne rentrerons pas dans les détails. Il faut simplement retenir qu’il existe plusieurs types d’obligations. A chaque type d’obligation qui reste dans tous les cas un contrat de prêt, il existe des clauses différentes, avec des droits, devoirs et possibilités différentes. En l’occurrence, Groupama a fait usage d’une possibilité légale et contractuelle de ne pas payer son coupon sur ses titres hybrides.

C’est dans ce sens que les dirigeants nous expliquent doctement que c’est normal et que tout va bien. Si c’est vrai juridiquement, cela montre bien l’incapacité financière du Groupe à faire face à ses engagements. Logiquement, cette décision fait entrer les investisseurs dans une période d’incertitude car d’autres coupons sont à verser dans les prochains jours ou les prochains mois. Groupama fera-t-il à nouveau usage de son "option" de ne pas payer ? La société d’investissement et de recherche Aurel BCG estime ainsi "qu’en ne payant pas le coupon du 22 octobre sur le TSS 6,298 %, Groupama s’offre la possibilité de ne pas payer le coupon sur le TSP 4,375 % en juillet 2013", car ce paiement sera lui aussi optionnel compte tenu des conditions qui figurent sur le document d’émission.

En revanche, "nous estimons à la lecture des prospectus que Groupama devra effectuer, le 27 octobre 2012, le paiement du coupon sur le titre subordonné senior octobre 2039 call 2019 puis euribor 3m +536 bp, puisque la société a payé en juillet 2012 le coupon annuel sur le titre 4,375 % call 2015 puis euribor 3m +225 b », écrit Aurel.



Chronique de la mort annoncée d’un assureur français de premier plan. Vous l’aurez compris. Une telle décision est explosive et envoie un signal particulièrement négatif. Les clients vont souhaiter récupérer leurs fonds. Les investisseurs ne vont plus vouloir prêter. Groupama ne pourra pas trouver d’argent au moment même où ses clients vont souhaiter sortir, ce qui nécessite justement des liquidités importantes.

Groupama devrait donc s’enfoncer plus ou moins rapidement en fonction de la suite des évènements jusqu’à ce que mort s’en suive. Mais surtout, surtout, soyez rassurés, il n’y a aucun problème, tout va bien et notre système financier est très solide. Ce qui arrive à Groupama n’existe pas, et ne pourrait jamais arriver à une banque comme le Crédit Agricole dont la stratégie a été brillante ces 10 dernières années.

D’ailleurs, vous auriez tort de vous inquiéter puisque les comptes de Groupama ont été validés par l’Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP) il y a quelques mois. Alors si vous n’avez pas confiance dans les plus hautes instances de régulations… On ne peut plus rien pour vous ! Ha, j'oubliais, Groupama a déjà été sauvé in extremis l'année dernière grâce à l'injection de 300 millions d'euros en urgence par la Caisse des Dépôts et Consignations.

Il faut croire que ce n'était pas assez. Alors vous avez le choix, entre pièces d'or et contrats d'assurance vie fonds en euros. Par les temps qui courent... mieux vaut faire le bon choix. La crise financière n'est pas finie. Mais vous le saviez déjà. Encore une fois, préparez-vous il est encore temps.

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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