Pourquoi les « fameux AAA » disparaitront demain

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Par Daniel Karyotis Modifié le 21 novembre 2012 à 5h52

Le rating est devenu brutalement depuis quelques mois un sujet médiatico-politique ! Quelle surprise, quel étonnement et quels regrets pour votre serviteur qui a écrit un livre sur ce sujet en 1995... A 16 ans d’intervalle, j’ai donc raté un succès de librairie alors que rien n’est plus aride qu’une tribune ou un livre sur le rating ou la notation financière si l’on veut échapper à la sémantique anglo-saxonne...

Alors pourquoi une telle effervescence et une telle agitation sur ce fameux rating ? Bien sûr, il n aura pas échappé à votre sagacité que le rating a été brutalement «googleïsé» par la dégradation brutale mais normale des Etats-Unis par Standard and Poor’s en aout 2011. Normale... car ne plus attribuer la note maximale à un pays dont l’endettement s’est accéléré depuis 2008 pour atteindre près de 15 000 milliards de dollars (soit 100% de leur PIB..), dont le chômage a dépassé pour la première fois la barre symbolique des 10% de chômeurs et dont le clivage politique entre républicains et démocrates est insupportable en ces temps troubles et agités... n’est pas choquant et semble même assez logique. Cependant, que Standard and Poor’s, agence de notation américaine, franchisse le pas et dégrade son pays d’origine était une décision murement réfléchie qui ouvrait inévitablement la porte à d’autres dégradations.

Car ipso facto, le problème du maintien des notations des pays européens était ainsi posé. Est-ce anormal alors que sur les 12 pays notés AAA par les 3 agences de notations (je rappelle au passage à ce jour que les Etats-Unis sont toujours AAA pour Moody’s et Fitch...), 10 sont européens et seulement 2 « non européens » (les heureux élus étant Singapour et le Canada..) ? Est-ce illogique alors que le dogme qu’un Etat européen ne pouvait faire faillite est tombé avec la Grèce ? Est-ce surprenant alors que le monde occidental est confronté à une succession de crise économique et financière d’une ampleur jamais connue depuis 1945 ? Et simplement, alors que le centre de gravité du monde économique s’est déplacé vers l’Asie principalement, est-il inacceptable pour nous européens que notre influence soit plus faible et qu’il nous faille composer avec des puissances émergentes ? Car une dégradation des pays européens demain ne ferait que traduire cette évolution inexorable !

Gardons raison et ne faisons pas du rating un instrument politique. Les Etats-Unis ont été dégradés il y a un an, le Japon aussi (sans que personne ne s’en émeuve par ailleurs...), la France aujourd'hui, et demain tous les pays européens le seront aussi : j’en suis convaincu... Et comme disent les anglo saxons..so what !! La Chine est AA- comme le Qatar par exemple alors que ces deux pays contribuent au renflouement de nombreux Etats : le Brésil est aussi BBB...

Ma conviction est que bientôt les « fameux AAA » seront une espèce disparue et notons que la dernière banque européenne notée AAA, Rabobank, a perdu ce précieux sésame il y a quelques mois dans l’indifférence générale... Evitons par conséquent les psychodrames sur une dégradation de la France symptôme avancé de son déclin irreversible annoncé par nos oracles habituels. Et si les marchés ont parfois tort, ils ont aussi quelques fois raison... Regardez les conditions de refinancement de pays notés par exemple AA et vous constaterez qu’ils peuvent obtenir des niveaux de taux équivalents et même inférieurs à des pays notés AAA... Et les Etats-Unis n’ont aucune difficulté à lever des ressources financières à des conditions de taux attractives depuis leur dégradation du mois d’aout 2011.

De facto, le seul changement majeur, est que les pays comme les entreprises, au-delà de leurs notations, paieront plus cher leurs ressources car dorénavant, une prime de risque plus élevée est intégrée par les investisseurs. Et nos économistes et mathématiciens vont être contraints de revoir leurs modèles économiques qui intègrent dans leurs équations «le taux sans risque». Naguère, ils prenaient comme référence les Etats mais demain ?

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Daniel Karyotis est le président de la banque Palatine depuis 2007. Homme d'affaires, il a également publié deux ouvrages, la notation financière (1995) et la France qui entreprend (2011).

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