Moins d’un an après la décision de l’agence Standard and Poor’s, c’est au tour d’une autre agence américaine de priver la France de son prestigieux AAA et de la faire rétrograder d’un cran, tout en la plaçant sous surveillance négative. Sanction immédiate des marchés ? Pas vraiment… après avoir clôturé hier soir à 3439 pts, le CAC40 ouvre ce matin à 3430 points, on a vu pire comme réaction de marché. Même schéma sur le marché des changes entre l’euro et le dollar, après avoir fait brièvement une incursion au moment de l’annonce sous les 1.2800$, la devise européenne se redresse ce matin et revient sur les niveaux pré annonce.
Les investisseurs font-ils payer à la France cette seconde dégradation à 10 mois d’intervalles de la première ? Pas vraiment… ce matin le rendement du 10 ans français est à 2.08%, il était hier matin à 2.06%... et à plus de 3,30% début janvier, quelques jours avant la dégradation de Standard and Poor’s.
Bref la France emprunte beaucoup moins cher aujourd’hui (près de 40% moins cher sur 10 ans) qu’à l’époque où elle possédait encore la meilleure notation chez les trois agences, j’entends par « époque » le début de l’année...
A ce jour, seule l’agence Fitch a laissé à la France son triple AAA. Ah oui, rappelons que sur ce « créneau » de la notation, 3 agences se partagent le marché.
Pourquoi le marché n’a pas décidé de faire payer à la France cette nouvelle dégradation ? Pourquoi après deux dégradations la France emprunte beaucoup moins cher sur les marchés qu’auparavant ? Résultat des réformes menées sur les derniers mois ? Sanction positive des performances économiques de la France ? Encore une fois, pas vraiment… la France bénéficie toujours (pour l’instant) d’un statut de zone refuge pour les investisseurs en quête de sécurité financière. Face à la récession profonde que traversent les pays du Sud et à l’incertitude économique, ils préfèrent acheter de la dette française ou allemande, ce qui, au passage, augmente la « fragmentation » du marché des taux et l’augmentation des spreads entre les pays les plus solides et les autres. D’où les déclarations estivales de Mario Draghi visant à réduire cette fragmentation par l’instauration du nouveau programme OMT, permettant à l’institution de Francfort d’intervenir sur les marchés de la dette en cas de demande d’aide d’un état européen.
L’erreur du gouvernement est de vouloir attribuer cette dégradation au gouvernement précédent. Au lieu de se fendre d’un communiqué pointant du doigt « l’insuffisance des gouvernements précédents », il devrait au contraire se servir de cet évènement pour souligner que, comme la France emprunte beaucoup moins cher qu’il y a un an, faisant ainsi considérablement baisser le poids de la dette sur les emprunts récents, il allait se servir de ce levier pour accroître le rythme des réformes et ne pas se contenter de ce qui a été fait jusqu’à présent. Rappelons que la charge de la dette est le premier poste budgétaire de la France.
Difficile d’imaginer l’Allemagne accabler la France suite à cette dégradation… mais illusoire de penser qu’à l’approche des échéances électorales de 2013 Outre-Rhin, la classe politique allemande ne brandira pas l’exemple français comme celui à ne pas suivre...
Bref, pas de séisme au lendemain de cette annonce, les marchés se souviennent encore des erreurs flagrantes d’appréciation de ces mêmes agences. En effet en 2001, le courtier en énergie ENRON, mastodonte du secteur, faisait faillite. Quelques jours avant la société bénéficiait encore des meilleures notes de la part des agences. Même scénario lors de la faillite de la banque d’affaire Lehman Brothers au moment de la crise des subprimes.
Certes l’activité des agences ne se limite pas à ces cas médiatiques mais ces exemples permettent de relativiser le poids d’une note.
... Bon trades !