Les déflationnistes me gonflent !

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Par Simone Wapler Modifié le 29 novembre 2022 à 10h10

* Déflation par ci, déflation par là, depuis que Christine Lagarde a sorti le loup du placard, on entend beaucoup parler des grands dangers de la déflation.

Eh bien, il serait temps que ça arrive car nous n'avons pas peur du grand méchant loup de la déflation. Mieux : nous sommes tout prêts à en profiter et à le caresser dans le sens du poil. Tous ? Non, pas ceux qui se sont stupidement endettés.

Dans un long éditorial du Figaro, La France pourrait-elle tomber en déflation ?, nous avons droit au catastrophisme habituel alors même que l'article commence par fustiger l'inflation qui "n'a pas bonne réputation. Au mieux on la considère comme de la mauvaise graisse, quelque chose de superfétatoire. Et au pire, une calamité qui appauvrit les consommateurs et ruine les épargnants. [...] Mais qu'elle vienne à disparaître et on la regrette immédiatement."

* Qui est "on" ?

Vous, moi ? Pas vraiment ; plutôt ceux qui ont de la mauvaise dette à porter et au premier chef les Etats et l'industrie financière. "On" ce n'est donc pas nous du tout.

Ce qui n'empêche pas certains économistes de nous soutenir que l'inflation est un bon signe car elle prouverait la vigueur de la demande de consommateurs se bousculant au portillon de fournisseurs débordés et, par là, le dynamisme de l'économie. Donc l'inverse serait mauvais signe. Le problème vient de la myopie induite par un amour aveuglant des moyennes statistiques. C'est tout mettre sur un même plan. Prenons un exemple très simple : l'industrie informatique a-t-elle été ruinée par la déflation ? Evidemment non.

Voici l'évolution des prix de certains produits

Il faudrait qu'on m'explique en quoi la baisse des prix du logement, de l'eau, de l'énergie ou des soins serait une catastrophe. En tous cas une catastrophe pour ceux qui les consomment ce qui fait -- vous me l'accorderez -- une imposante majorité.

Réfléchissez bien : que vous soyez propriétaire ou locataire, voyez-vous un inconvénient à ce que l'immobilier baisse ? Non et même si vous êtes vendeur, vous replacerez une grosse partie de votre argent en immobilier qui aura baissé.

Quant à la baisse des prix de l'informatique, elle n'a pas empêché d'avoir créé de nombreux emplois bien payés dans ce secteur plutôt prospère.

* Vive la déflation du Big Mac !

Voici un autre exemple de déflation. J'affectionne l'indice Big Mac, même si le hamburger ne m'enthousiasme pas les papilles. Le Big Mac correspond à une ration alimentaire que tout le monde connaît. Un Big Mac incorpore des matières premières (céréales, viandes, légumes et énergie), des coûts de transport, de la main d'œuvre et des services, de l'immobilier. L'évolution de son prix est chiffrée par The Economist, un organisme indépendant de tout pouvoir politique.

Jusqu'à présent, l'indice Big Mac augmentait plus vite que l'indice des prix à la consommation de l'INSEE. Mais depuis six mois, l'indice Big Mac a reculé en France. Vous payez le hamburger étalon 2,5% moins cher. Là encore, les conséquences ne semblent pas dramatiques, sauf évidemment pour les rentrées de TVA de l'Etat.

La "bonne petite inflation" est une escroquerie, un impôt uniforme et invisible qui pénalise les épargnants. Mais elle avantage les vendeurs de bonheur à crédit au premier rang desquels figurent les politiciens et l'Etat qui prélève impôts et taxes sur des prix gonflés par cette "bonne petite inflation".

* Désormais 20% seulement des gens appartiennent à la "classe moyenne"

L'inflation finit par peser sur le train de vie de la classe moyenne. Aux Etats-Unis, un article récent de Charles Hugh Smith (abondamment commenté par Bill Bonner) évaluait à seulement 20% le nombre de gens qui accédait à un train de vie de classe moyenne tel que défini par 10 + 2 critères -- à savoir, pour rappel :

• Une assurance santé correcte
• La possession d'une maison ou une part significative de son patrimoine (25% à 50%) en immobilier
• Des revenus et des dépenses permettant d'économiser au moins 6%
• Un fonds de retraite significatif
• La capacité à rembourser toutes ses dettes et à financer toutes ses dépenses à moyen terme au cas où celui du foyer qui gagne le plus viendrait à se trouver au chômage
• Un véhicule fiable pour chaque salarié du foyer
• Le foyer ne dépend pas d'allocations gouvernementales pour maintenir son train de vie
• Les actifs non financiers et non immobiliers tels que les bijoux de famille, l'argenterie, le mobilier peuvent être passés à la génération suivante
• La faculté de financer à sa descendance l'éducation, des activités extra-scolaires
• Des loisirs pouvant être dédiés à son maintien en bonne condition physique, mentale, spirituelle

Et pour les plus privilégiés :

• L'accumulation de nouvelles compétences
• La possession d'actifs productifs (immobilier de rendement, portefeuille obligataire)

Ce train de vie moyen ne dépend donc pas d'accumulation de dette ; le tassement des salaires et la hausse des prix sous l'effet d'une sournoise inflation font que de moins en moins de personnes remplissent ces critères ; pour compenser leur baisse de revenus les Américains se sont endettés, trop endettés.

En France, l'assurance santé et une partie de la retraite dépendent de l'Etat. Ces dépenses ne sont pas payées à leur coût réel mais par le déficit et son accumulation, la dette. Ou bien il va falloir apprendre à payer le vrai prix de ces dépenses ou bien il va falloir répudier la dette. Le résultat sera le même : le niveau de vie général va s'effondrer chez la majorité des gens qui n'aura rien vu venir. La fausse monnaie, les taux bas, une "bonne petite inflation" ou l'euro faible n'y changeront rien.

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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