La semaine vue par Louis XVI : Vilaines cachotteries sur le budget de l’Etat

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Par Eric Verhaeghe Publié le 11 mars 2013 à 5h13

Te souviens-tu, mon cher François, qu’il y a moins d’un an tu annonçais que la France sous ton règne tiendrait tous ses engagements européens - ceux que t’imposent cette horrible alliance dominée par la Prusse ? Sans ciller tu jurais que tu réduirais les déficits publics comme convenu et sans démordre. Huit mois auront suffi à changer les discours. Et voici quelques-unes des jolies cachotteries que tu fais sur le budget de l’Etat, pour dissimuler une situation bien pire que ne la reconnaissent tes courtisans.

Car ton gouvernement annonce que le déficit public ne dépassera pas les 3,5 %, voire les 3,7 % du Produit Intérieur Brut (PIB), après avoir atteint les 4,5 % en 2012. Il te faut donc trouver environ 20 milliards d’euros pour 2013, et réduire le déficit d’une somme équivalant à un milliard sept cents millions chaque mois. Dois-je te rappeler que tu avais promis à tes alliés européens de rejoindre les 3 % de déficit? Soit un déficit prévisionnel de 60 milliards, que tu es bien loin de tenir.

Cette arithmétique est élémentaire : le produit intérieur brut est de 2.000 milliards d’euros, environ. La croissance de la France est quasi-nulle. Nous savons donc que cette somme de 2.000 milliards n’évoluera guère au cours de l’année. Tu dois réduire ton déficit de 4,5 % de cette somme (87 milliards et une fraction pour être exact) à 3,5 %, soit 20 milliards de moins. En violation de tes engagements européens, tu devrais donc prévoir un déficit de 70 milliards environ en 2013. Ces calculs sont des jeux d’enfant !

Par amitié, je veux bien qu’ils soient tempérés par les chiffres de l’augmentation des prix, qui avoisine les 1 %. Ce n’est pas rien 1 %, c’est vrai. Admettons donc que nous raisonnons avec cette importante marge d’erreur. Il n’en reste pas moins que...

Je viens de lire la situation mensuelle du budget de l’Etat que ton intendant général aux Finances publie chaque mois, et je remarque que tu caches beaucoup de chiffres bien sombres à tes concitoyens...

Car avec la petite arithmétique que j’ai faite ci-dessus, il est évident et logique que, au mois de janvier 2013, les administrations eussent dû dépenser beaucoup moins qu’en janvier 2012. Comment imaginer que tu pourras réduire tes déficits dans des proportions aussi importantes que tu l’annonces si la main n’est pas mise à la pâte dès le début de l’année ?

Et pourtant, le compte n’y est pas ! Les services de l’Etat avaient, en janvier 2012, dépensé 32,850 milliards d’euros, pour une dépense annuelle qui s’est élevée à 374 milliards d’euros. Soit 8,8 % de la dépense annuelle assurée dès le mois de janvier. En janvier 2013, ton administration a dépensé 32,140 milliards d’euros, soit 700 millions de moins que l’an dernier. Ce chiffre est bien loin du compte que tu dois à tes alliés européens : ceux-ci exigent de toi une économie mensuelle d’un milliard sept cents millions. Il te manque donc, au rythme où tu vas, un milliard par mois d’économie pour satisfaire l’objectif très peu ambitieux de 3,5 % de déficit. Pour être encore plus clair, au rythme actuel, le déficit public de la France atteindra les 4 % fin 2013, soit 10 bons milliards de plus qu’annoncé.

Ton gouvernement a tonitrué un effort supplémentaire, dans les services de l’Etat, de 6 milliards d’euros. Tu vois que tu es là encore bien loin du compte, même avec ces annonces que tu viens de faire: tu n’atteindras toujours pas les 3,5 % que tu recherches. C’est à peine si tu flirteras avec les 3,8 %... À recettes fiscales constantes s’entend.

Mais par honnêteté vis-à-vis de mes sujets, je dois aller plus loin dans les constats. Car tes affidés aiment à se répandre sur la mauvaise gestion du Magyar et de son gouvernement, et lui attribuent toutes les tares qu’ils doivent surmonter. Si j’en juge par les chiffres fournis par le surintendant des Finances, cette sophistique ne devrait pas durer très longtemps : la gestion de ton gouvernement est d’ores et déjà désastreuse pour les comptes publics, et tu devrais sérieusement t’en inquiéter.

Je t’en donne quelques exemples.

En 2010, sous le règne du Magyar, les services de l’Etat avaient dépensé 425 milliards d’euros. En 2011, cette somme fut réduite de 60 milliards : les dépenses de l’Etat baissèrent à 365 milliards d’euros. En 2012, les dépenses ont augmenté de 10 milliards pour atteindre 374 milliards. Sans une augmentation des impôts de 11 milliards, tu aggravais donc fortement ton déficit.

Voici un premier avertissement dont tu devrais tenir compte, François : tes sept premiers mois au pouvoir se sont soldés par une augmentation des dépenses égale à 0,5 % du PIB.

Un autre avertissement, maintenant, mon cher François : le déficit 2013 est déjà plus élevé que le déficit 2012. Souviens-toi ! Au mois de janvier 2011, le déficit des dépenses pour le premier mois de l’année s’élevait à 13,5 milliards d’euros. En janvier 2012, le déficit de l’Etat était de 12,5 milliards : l’Etat avait économisé un milliard par mois. En janvier 2013, le déficit est reparti à la hausse : il s’élève à 12,8 milliards d’euros.

Attention François, la situation t’échappe. Le déficit augmente pour des raisons très simples : tu ne réduis plus les dépenses, et tes recettes n’augmentent pas. La situation économique est mauvaise et les impôts que tu as ordonnés ne rendent pas.

Si tu regardes avec un peu de sincérité ta façon de gérer les affaires publiques, tu n’auras d’ailleurs pas de mal à constater que, depuis ton arrivée au pouvoir, la situation budgétaire a de mauvais fondements, comme disent les économistes. Il ne se passe pas un mois où tu as du mal à réduire le déficit. Ainsi, en septembre, octobre et novembre 2012, le déficit mensuel de l’Etat a dépassé nettement celui de 2011. Heureusement que le mois de décembre t’a apporté une moisson d’impôts salvateurs pour rétablir la situation.

Mais ne sois pas dupe de ce retournement ultime. J’imagine qu’il est dû au gel des dépenses que le surintendant des Finances a imposé à toutes les administrations. Celles-ci ont reporté en 2013 les dépenses qu’elles n’ont pu engager en décembre 2012 pour sauver les apparences. Ces expédients ne te mèneront pas bien loin.

Car, mon cher François, l’Etat à lui seul n’est pas maître des déficits publics ! Tu dois aussi compter sur la mauvaise gestion de la sécurité sociale pour anticiper tes chiffres de l’année. Et comme tu le sais tous les comptes sociaux sont aux abois. Sans des décisions impopulaires, tu as peu de chances de les ramener à l’équilibre.

Je ne voudrais pas radoter, et te répéter avec ennui les fâcheries que je t’adresse chaque semaine. Mais il me semble que dans ta méthode de gouvernement, tu dois choisir entre deux maux. Celui de dire la vérité même la plus blessante dès aujourd’hui : que tes promesses ne seront pas tenues à moins d’un effort bien plus rigoureux que celui demandé en 2012. Ou bien celui d’enfoncer, telle une autruche, la tête dans le sable en attendant un retour à meilleure fortune.

Tu es bien le seul à pouvoir choisir, mais n’oublie pas les vertus de la franchises, le respect qu’inspire la détermination, et le mépris que suscite la tromperie.

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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