Faut-il réechelonner la dette ?

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Par Jean-Marc Daniel Modifié le 24 mai 2013 à 4h15

« La dette publique est garantie. Toute espèce d'engagement pris par l'Etat avec ses créanciers est inviolable »

Cette formule est l'article 70 de la Charte constitutionnelle de 1814. Après les banqueroutes à répétition du XVIIIe siècle-« hideuse banqueroute » disait Mirabeau devant l'Assemblée constituante en septembre 1789-, le XIXe siècle s'était acheté une conduite et avait mis en place des règles de prudence partant du principe que l'Etat ne peut ni ne doit faire faillite.

C'est d'ailleurs dans son intérêt. Dès les écrits de Turgot et de Condorcet, il est apparu que les banqueroutes totales ou partielles, sous forme d'annulation du capital ou de baisse arbitraire du taux d'intérêt modifient le fonctionnement du marché de la dette publique. En recourant à la banqueroute, on fait du stock de dette et non du flux –le déficit budgétaire- le déterminant des taux d'intérêt.

En effet, un stock élevé de dettes conduit les prêteurs à anticiper une annulation rapide d'une partie de ce stock, un refus imminent de l'Etat d'honorer ses engagements. Dans ces conditions, les prêteurs se font plus exigeants et réclament des taux d'intérêt majorés. En banalisant la banqueroute on fait de la dette publique un élément qui modifie les paramètres de flux tout en étant un stock.

Le XXe siècle avait redonné une certaine latitude dans la logique de l'endettement. S'il est pleinement efficace, il suscite un surcroît de croissance qui se traduit pour l'Etat par des gains en termes de fiscalité. Mais aujourd'hui, après près de 40 ans de déficit, l'endettement est clairement devenu économiquement inefficace eu égard aux taux de croissance constatés ces dernières années.

Si bien qu'un des problèmes de l'Etat va être rapidement d'alléger la charge d'intérêt tout en évitant d'inquiéter les prêteurs sur ses intentions. Pour se défaire de sa dette, s'il écarte la banqueroute, il reste deux moyens :

- L'inflation. Comme les taux d'intérêt sont en général fixes, la hausse des prix réduit le poids relatif des intérêts à verser pour un Etat qui voit ses recettes artificiellement gonflées par l'inflation. Mais cette voie est fermée.

Par notre choix européen d'abord, celui-ci reposant sur la stabilité des prix dans le but d'assurer la pérennité de l'euro. La banque centrale refusant toute forme d'inflation, elle s'oppose à l'endettement public qui ne peut créer que des tentations inflationnistes chez les Etats en difficulté. Le traité de Maastricht prévoit que la BCE ne peut financer directement les déficits publics et le Pacte de Stabilité et de Croissance limite le plafond d'endettement.

Par notre choix national ensuite car le Trésor français emprunte de plus en plus sous forme d'obligations indexées sur l'inflation. Ce faisant, il délivre un message clair : la France refuse d'imposer à ses créanciers une perte, même sous forme d'inflation. Cela lui garantit, selon la logique de Condorcet, des taux bas. Plus les créanciers ont la preuve de la bonne foi française, plus les taux sont bas ;

- L'amortissement par l'excédent budgétaire. Même si historiquement, ce fut rarement pratiqué, c'est la seule porte de sortie crédible ; d'autant que le nouveau traité européen précise la façon de procéder : il s'agit moins de rembourser la dette en tant que telle et de façon immédiate que de baisser son poids par rapport au PIB.

Dans ces conditions, une politique budgétaire ne connaissant que des déficits conjoncturels, c'est-à-dire dans les périodes de récession, mais mettant à profit les périodes de croissance pour dégager des excédents comme ce fut le cas aux Etats-Unis à la fin des années 90 ou en Suède à la même époque est la bonne solution. Pour y parvenir, l'économie annoncée par le président de la République de 60 Mds € suffira.

Annuler de la dette signifierait faire porter une partie de ces 60 Mds € sur les créanciers. Même si cela peut paraître éthiquement normal, ce serait économiquement contre productif.

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Jean-Marc Daniel enseigne l’économie à l’ESCP Europe. Chroniqueur au journal « Le Monde » et sur « BFM Radio », il dirige également la revue « Sociétal ». Il est également l’auteur de : « Le taureau face aux tigres » aux Editions Pearson « Histoire vivante de la pensée économique » aux Editions Pearson

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