L'industrie nucléaire organise un "salon international" du 14 au 16 octobre au Bourget pour tenter vainement d'enrayer son effondrement spectaculaire amorcé depuis 2001.
Les hasards du calendrier font que, quelques jours à peine avant la tenue du World Nuclear Exhibition, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) a publié son document annuel (L'AIE met environ deux ans pour recueillir pays par pays les données les plus précises, ce qui fait que l'édition 2014 donne les chiffres de 2012 et l'édition 2003 ceux de 2001.) Key World Energy Statistics 2014. La consultation de ce document est absolument édifiante, et plus encore sa comparaison avec l'édition 2003 que l'Observatoire du nucléaire met en ligne pour la bonne information de toutes et tous.
A la page 24 (la présentation étant la même d'une année sur l'autre, il suffit de comparer les pages portant le même numéro), on constate que le nucléaire produisait 17,1 % de l'électricité mondiale en 2001, et n'en produisait plus que 10,9 % en 2012.
Aujourd'hui, cette part est très probablement passée en dessous des 10 % car le Japon fonctionne avec 0 % de nucléaire depuis un an, quatre réacteurs ont été définitivement fermés aux USA (Crystal River 3, San Onofre 1 et 2, Kewaunee 1), deux réacteurs belges aux cuves fissurées ont été arrêtés probablement pour toujours, etc.
Les promoteurs de l'atome tentent de sauver la face en attribuant cette véritable chute libre à l'augmentation rapide de la production issue des autres sources énergies (fossiles, renouvelables). Or :
- la vérité est que la production nucléaire a bel et bien baissé entre 2001 (2653 Twh) et 2012 (2461 Twh), comme on peut le constater en page 16 des documents Key World Energy Statistics.
- pendant que la production nucléaire déclinait, la production électrique issue des autres énergies a effectivement progressé, en particulier celle des énergies renouvelables, ce qui démontre que le nucléaire n'est absolument pas attractif pour les énergéticiens.
Si l'industrie nucléaire peut encore annoncer de temps en temps la signature de marchés, il s'agit en réalité seulement de la gestion de l'existant : les 390 réacteurs encore en service sur Terre sont pour la plupart âgés et nécessitent des réparations, le changement de pièces (générateurs de vapeur, couvercles de cuve, etc). Ces activités représentent en fait la "queue de la comète", les derniers soubresauts d'une industrie nucléaire condamnée à décroître inexorablement.
On notera d'ailleurs la situation dramatique dans laquelle se trouve Areva, le prétendu "géant du nucléaire", sabordé tant par la conjoncture sombre de l'industrie nucléaire mondiale que par les errements de la période Lauvergeon (en particulier l'affaire Uramin). D'ailleurs, autrefois à 82 euros, l'action Areva à la bourse de Paris est aujourd'hui descendue à 10 euros…
Il est enfin nécessaire de rappeler que le projet d'EDF de construire deux réacteurs EPR en Grande-Bretagne reste très virtuel tant le montage financier de cette opération reste contestable : il va d'ailleurs être attaqué devant la justice européenne par l'Autriche, probablement rejointe par d'autres pays et des entreprises du secteur de l'énergie : il est injustifiable de rendre "rentable", à grand renfort de subventions publiques, une activité lourdement déficitaire en plus d'être excessivement dangereuse.
Dans tous les cas, l'accord Londres-EDF montre que de nouveaux réacteurs nucléaires ne peuvent pas être construits sans de gigantesques subventions publiques. Cela achève de démontrer que l'industrie nucléaire n'a aucun avenir, si ce n'est pour s'occuper tant bien que mal de ses déchets radioactifs et de démanteler les centaines de réacteurs qui vont fermer dans les 20 ans à venir.
Il faut encore espérer que la chance permettra d'éviter une ou plusieurs catastrophes comme celle de Fukushima, qui n'en finit plus de s'aggraver et va continuer pendant des décennies tout comme celle de Tchernobyl. Le World Nuclear Exhibition est donc clairement le chant du cygne d'une industrie finissante.