L’Assemblée Nationale vient d’adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale en première lecture. Voici les points principaux à retenir du débat en commission et dans l’hémicycle.
En commission, le débat commence le 17 octobre. La présidente de la commission des affaires sociales, Brigitte Bourguignon, annonce 300 amendements à discuter sur 57 articles. Le rapporteur de la loi est Olivier Véran, député En Marche, ancien député socialiste, médecin.
La CSG au coeur des débats
Sans surprise, la Commission s’échauffe rapidement sur l’article 7, qui prévoit la suppression des cotisations salariales et sa compensation par une hausse de la CSG. La droite et la France Insoumise dénoncent une mesure injuste. On notera que le député Jean-Pierre Door, républicain, attaque sur l’insincérité du projet de loi: le délai entre l’augmentation de la CSG et la baisse des cotisations salariales permettra de faire artificiellement baisser le déficit en 2018. On notera que le « Constructif » Vercamer propose de remplacer la hausse de la CSG par la mise en place d’une TVA sociale.
La question des agriculteurs mal tranchée
Le député Jean-Pierre Door a également plaidé en faveur d’une mesure d’exception pour les agriculteurs. Ceux-ci bénéficient depuis le quinquennat Hollande d’une forte baisse de leurs cotisations maladie. Le dispositif Macron devrait revenir sur cette mesure. Le rapporteur Véran s’est opposé à l’amendement des Républicains qui proposait de maintenir l’exception acquise. Ses arguments n’ont pas semblé très clairs.
Le combat de la MODEM Elimas
On ajoutera que la députée MODEM du Val d’Oise Nathalie Elimas a présenté plusieurs amendements destinés à relever le seuil à partir duquel l’exonération de la hausse de la CSG ne s’applique plus. Elle s’est heurtée au mur de résistance dressé par le rapporteur général.
La baisse du CICE sur la sellette
Dans la foulée, les députés ont abordé l’article 8, qui traite de la transformation du CICE en baisse pérenne de charges. Le débat a donné lieu à une vigoureuse charge de la France Insoumise et des communistes contre une mesure jugée être une trappe à bas salaires. Jean-Pierre Door, pour sa part, a mis en exergue l’alourdissement de la fiscalité des entreprises que déclenchait cette mesure, puisque la baisse des cotisations élargira l’assiette de l’impôt sur les sociétés.
Débats sur la suppression du RSI
La suppression du RSI a fait l’objet de vifs débats. À droite comme à gauche, des voix se sont élevées pour procéder par une loi organique. Le député Door a souligné les risques constitutionnels de cette façon de procéder.
Surtout, on notera que le rapporteur général a fait adopter un amendement « symbolique » instaurant, pour les travailleurs indépendants, l’obligation d’adhérer au régime général. Voilà un dispositif qui fera couler beaucoup d’encre.
Plusieurs autres amendements ont fait l’objet d’une longue discussion. Ils visaient à améliorer le texte. On notera que le gouvernement a supprimé pendant deux ans les majorations de retard.
Augmentation du paquet de cigarettes
Le même soir, les députés mettent en débat l’augmentation du prix du tabac. Deux amendements visent à y faire obstacle, sans succès.
Véran charge les complémentaires santé
Les députés abordent ensuite la question du financement de l’assurance maladie. Le député Quatrennens (France Insoumise) dénonce la privatisation de la sécurité sociale par l’intervention des complémentaires santé. Le rapporteur Olivier Véran (voir ci-contre) lui emboîte le pas.
Débat sur la politique familiale
Le lendemain 18 octobre, la question de la politique familiale a donné lieu à des échanges serrés, notamment sur la diminution de la PAJE, destinées aux familles percevant moins de 1.300 euros. Le gouvernement s’est par ailleurs opposé à un amendement qui proposait de rétablir le versement de la prime de naissance avant la naissance….
L’obligation vaccinale adoptée
Mais l’une des mesures qui a appelé les plus longs débats n’est autre que l’obligation vaccinale. Plusieurs députés ont bataillé sur cette mesure qui soulève de fortes inquiétudes sanitaires. La majorité parlementaire les a toutes balayées d’un revers de la main.
Télé-médecine et expérimentations en débat
Les débats de la journée et ceux du lendemain se sont longuement portés sur l’organisation des expérimentations dans le domaine de l’assurance-maladie. Dans la pratique, le gouvernement entend favoriser l’émergence de la télé-médecine, et de nombreux députés ont exprimé les réticences des professionnels médicaux vis-à-vis de cette disruption (comme ils ont exprimé leur méfiance vis-à-vis des parcours de soins pour les diabétiques ou vis-à-vis de la radiothérapie externe).
Dans l’hémicycle
Le débat dans l’hémicycle a commencé le 24 octobre. Il s’est achevé hier. La ministre a ouvert la discussion, suivie du concert habituel d’interventions et de motions de rejet préalable. On soulignera essentiellement les interventions des Républicains sur l’inconstitutionnalité du texte.
La séance ne donne par ailleurs lieu à aucune discussion d’amendement.
La hausse de la CSG à nouveau discutée
Les débats sont animés, mais ils se focalisent rapidement sur la hausse de la CSG , où 24 prises de parole sont annoncées. Après de longs débats, la hausse de la CSG est adoptée à 21h30. Pour l’essentiel, les députés répètent les arguments entendus en commission.
On notera toutefois que, le lendemain, le député Meyer Habib pose la question du maintien de la CSG sur les revenus du capital pour les Français non-résidents, en application de la jurisprudence de Ruyter.
La baisse du CICE passionne à nouveau les députés
La baisse du CICE suscite également de nombreuses prises de parole. Celles-ci répètent pour l’essentiel les arguments déjà entendus en commission sur l’inefficacité du dispositif, et sur son coût exorbitant pour lutter contre le chômage. L’article est finalement adopté par 105 voix pour et 19 contre.
Au passage, la France Insoumise, qui refuse la hausse de la CSG, propose une taxe sur le capital…
Un amendement sur les actions gratuites met le feu aux poudres
Après l’adoption de la baisse du CICE, le gouvernement présente un amendement réduisant à 20% les cotisations patronales sur les distributions d’actions gratuites. La mesure suscite la colère de la gauche et, en partie, de la droite, qui estime à environ 500 millions le coût de cette mesure inattendue.
L’amendement est adopté par 82 voix.
Débat nourri sur la suppression du RSI
La suppression du RSI fait l’objet de débats certes intenses, mais qui apportent peu de nouveautés par rapport aux débats en commission. La droite, en particulier, entreprend de mettre en évidence l’impréparation probable du gouvernement sur ce dossier. Le député Hetzel souligne d’ailleurs que la meilleure preuve de cette impréparation tient à la présentation de neuf amendements par le gouvernement en séance publique sur le sujet.
L’article est adopté après une discussion qui s’éternise dans la soirée.
La hausse du prix du tabac dans la foulée
Les députés examinent ensuite la hausse du prix du tabac, qui est adoptée dans la soirée après de longs débats et des engagements sur la protection dont les buralistes bénéficieront.
Tensions sur le lobby pharmaceutique
Le vendredi 27 octobre au matin, les débats reprennent sur les mesures applicables à l’industrie pharmaceutique. La France Insoumise accuse la ministre d’être inféodée à ce lobby. Le débat se porte également sur la rémunération des médecins. Le texte du gouvernement est adopté sans amendement.
L’Assemblée se penche par ailleurs sur les mesures destinées à la répartition pharmaceutique.
Long débat sur la politique familiale
En outre, les politiques familiales donnent lieu à de longs techniques, en particulier sur le complément de libre choix du mode de garde où le gouvernement accède à un amendement de l’opposition.
Mais c’est surtout la réforme de la prestation d’accueil des jeunes enfants qui suscite la polémique. Des amendements identiques de l’opposition sont finalement rejetés par 48 voix contre 32…
La ministre a par ailleurs confirmé le maintien du versement de la prime de naissance après celle-ci et non avant, comme la Commission avait pu l’évoquer. La ministre a rappelé que la mesure coûtait 200 millions.
Relèvement du minimum vieillesse
Dans une atmosphère toujours tendue, le gouvernement fait adopter le relèvement du minimum vieillesse, assorti d’une clause de sauvegarde pour les bénéficiaires de la CMU-C.
La réforme de la pénibilité adoptée
Les députés consacrent peu de temps à l’adoption du compte professionnel de prévention, qui remplace le compte pénibilité mis en place par le précédent gouvernement.
Vifs échanges sur l’obligation vaccinale
Sur l’article 34 (obligation vaccinale), le député Nicolas Dupont-Aignan mène une véritable fronde contre le texte du gouvernement. La ministre est obligée d’utiliser le forceps pour faire passer sa mesure, en suggérant que les adversaires de l’obligation vaccinale sont liés au complotisme.
On notera que l’absence de vaccination est un obstacle à la scolarisation des enfants.
Le gouvernement abolit le tiers-payant généralisé
C’est par un amendement de dernière minute que le gouvernement abroge la généralisation du tiers payant. Les députés de la France Insoumise demandent le renvoi de l’amendement en commission.
Vote définitif samedi matin
C’est en fin de matinée, samedi, que l’Assemblée Nationale adopte le texte en première lecture.
M. le rapporteur général. Avis défavorable. Je me garderai bien, à cette heure tardive, de me lancer dans un débat sur la place de chacun des acteurs dans le financement de la protection sociale. Ce sujet nous est cher, à vous et à moi. Du reste, nous partageons peut-être un certain nombre de constats, notamment celui que l’assurance maladie doit garantir la solidarité entre tous les assurés, sans sélection des risques. Toutefois, les complémentaires ont un rôle à jouer dans le financement de la protection sociale. Sous le quinquennat précédent, l’objectif était d’en généraliser l’accès. Cet objectif n’a pas été atteint, puisque – c’est l’externalité négative des accords nationaux interprofessionnels – s’en retrouvent aujourd’hui paradoxalement exclus certains étudiants, certains retraités et certains chômeurs. Nous pourrons travailler, au cours des prochaines années, à l’amélioration de la protection sociale. De même, nous pourrons nous interroger sur les raisons pour lesquelles les coûts de gestion et de fonctionnement des complémentaires santé sont croissants – et le mot est faible. Mais ce serait un long débat.
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog