De l’importance du guidage par temps incertains

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Par Hervé Goulletquer Modifié le 2 mai 2019 à 10h48
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@shutter - © Economie Matin

Les messages concernant la croissance restent un peu brouillés. Et si après un T1 meilleur qu’attendu, T2 décevait légèrement ? Du côté de la Fed, disons qu’il n’y a pas de surprise sur le fond, qu’une décision technique a été prise et qu’une fois encore la communication du Président Powell a été perfectible.

Américains et Chinois vont réussir à mettre un terme à leur querelle sur les sujets commerciaux et économiques

On sait que les incertitudes politiques ont obscurci les perspectives que les investisseurs pouvaient dresser en matière d’environnement de marché. Ne doit-on pas craindre que celles-ci pèsent à la fois sur la confiance et sur des composantes-clés de la croissance économique (exportations, investissement et plus largement achats de biens durables) ? Le sujet est, semble-t-il, devenu moins prégnant ces derniers temps. Il y a l’anticipation qu’Américains et Chinois vont réussir à mettre un terme à leur querelle sur les sujets commerciaux et économiques. Et puis le dossier du Brexit occupe progressivement une place plus marginale dans les préoccupations des professionnels du marché.

Retour alors de l’attention sur le thème de la croissance, avec le présupposé que la mise en retrait des préoccupations politiques devrait participer à ce que celle-ci reprenne des couleurs. Est-ce bien le cas ? La réponse est plutôt oui ; mais le contraste entre soft et hard data (les enquêtes versus les statistiques économiques) participe du sentiment d’un manque d’assurance sur la réalité du phénomène. Les publications les plus récentes empêchent de mettre le sujet derrière. Du côté des enquêtes, les indices PMI chinois d’avril ont plutôt déçu et l’ISM manufacturier américain, pour le même mois, enregistre une baisse assez marquée. Bien sûr, dans les deux cas, les niveaux observés envoient le message d’une croissance qui se poursuit. Mais peut-être à un rythme en-deçà des attentes. Passons aux données en dur et pointons les bons chiffres du PIB en Zone Euro au cours du premier trimestre. Pour l’ensemble de la région, +0,4%, d’une période à l’autre et en rythme instantané. C’est mieux qu’en T4 2018 et cela va au-delà des anticipations (dans les deux cas, +0,2%).

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Comment réussir à mettre de la cohérence dans ces informations au contenu un peu divergent les unes par rapport aux autres ? La façon la plus simple de répondre est vraisemblablement de dire que si finalement le premier trimestre s’est mieux passé que prévu, le second trimestre pourrait un peu décevoir. Au moins par rapport aux anticipations proposées jusqu’à maintenant. La sortie de la période de « basses eaux » conjoncturelles serait alors moins linéaire qu’espérée. Sans que pour autant la trajectoire, un tant soit peu lissée, ne soit remise en cause. En matière de visibilité pour les marchés de capitaux, ce n’est pas du plus confortable ; même si le diagnostic fondamental n’a pas à être revu.

C’est dans ce contexte qu’aux Etats-Unis la Fed a communiqué sur les attendus de son dernier comité de politique monétaire. Disons qu’il n’y a pas de surprise sur le fond, qu’une décision technique a été prise et qu’une fois encore la communication du Président Powell a été perfectible.

Vers une inflation stable à 2%

L’analyse de la situation économique faite par la banque centrale n’a pas changé : la croissance se poursuit, les conditions sur le marché du travail restent favorables et l’inflation va rester positionnée à un niveau proche de l’objectif (symétrique) de 2% l’an. Tout juste pointe-t-elle, par rapport à ce qui était dit précédemment, que les informations les plus récentes font ressortir une croissance solide et une inflation plus faible qu’attendue. Pour ce qui est de ce deuxième point, on doit comprendre que la faiblesse ne serait pas durable. Un indice lissé des prix à la consommation, comme celui « ajusté » du district de Dallas de la Fed, enverrait donc un message plus fiable que les références usuelles qui intègrent pour le moment des mouvements volatiles sur certaines composantes.

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La Fed a donc décidé d’abaisser de 5 centimes le taux servi sur les réserves excédentaires des banques commerciales auprès de la banque centrale (à 2,35%) alors que la fourchette du taux des fonds fédéraux reste inchangée (2,25% - 2,50%). Pourquoi cela ? Avant tout pour lutter contre les conséquences en termes de taux d’intérêt du phénomène suivant : la réduction de la taille du bilan de la Fed (le processus s’arrêtera en septembre) se traduit par une réduction de l’offre de ces réserves, alors même que la demande reste forte. Ainsi, la baisse décidée devrait permettre au taux effectif des fonds fédéraux de mieux rester au milieu de la fourchette de référence.

Au cours de la conférence de presse, Jerome Powell a qualifié de « transitoire » le phénomène en cours d’inflation plus fiable qu’attendue. Ce qui lui a permis d’affirmer que la Fed « ne voit pas de raisons majeures pour bouger le taux directeur dans un sens ou dans l’autre ». Et le marché de se mettre à réviser assez nettement ses anticipations de baisse des taux d’ici à la fin de l’année : de 67% le 30 avril à 52% ce matin. Et par ricochet, l’indice S&P 500 de la bourse de New York, plutôt stable jusqu’alors de se mettre à reculer. Bien sûr, une banque centrale est dans son rôle de piloter les anticipations du marché. Mais cela doit se faire avec tact. Peut-être que le Président de la Fed en manque encore un peu !

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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