Davos 2017 : il faut réformer le capitalisme

Par Bertrand de Kermel Publié le 20 janvier 2017 à 5h00
Davos Forum Mondial Reforme Capitalisme
@shutter - © Economie Matin
8Selon Oxfam, huit personnes sur terre détiennent autant que la moitié la plus pauvre de la population mondiale.

En ouvrant la session 2017 du Forum de Davos, son Président, Monsieur Klaus Schwab a publié la liste des cinq défis les plus urgents à relever.

Réagir face à la quatrième révolution industrielle, établir un système de gouvernance mondiale dynamique incluant toutes les parties prenantes, restaurer la croissance mondiale, réformer le capitalisme et restaurer la cohérence entre le monde des affaires et le reste de la société, et enfin, répondre à la crise d’identité de plus en plus prégnante, due à l’érosion des normes et le reste de la société.

Le contexte est explosif. Le journal La Tribune titrait Lundi : « Décalage frappant entre le moral des entreprises et la défiance des citoyens à Davos ». Le même jour, l’ONG Oxfam, qui dénonce chaque année à DAVOS l’accroissement des inégalités sur la planète, nous apprenait que huit personnes détiennent autant que la moitié la plus pauvre de l’humanité. Au sujet du capitalisme, rappelons enfin que le même Klaus Schwab avait déclaré en janvier 2014 que « la gestion des conséquences de la mondialisation est un échec collectif ». Il avait même ajouté : « au fond, le message des militants anti-mondialisation de la fin du siècle dernier était juste »!

Toutes les parties prenantes (Politiques, Société civile, Corps intermédiaires, Entreprises) doivent se saisir de ces défis. S’ils ne sont pas relevés, ils nous conduiront mécaniquement à de très graves désordres, si ce n’est à une guerre mondiale. Prenons le défi N° 4, « Réformer le capitalisme et restaurer la cohérence entre le monde des affaires et le reste de la société », qui est en fait un prérequis pour résoudre les autres défis.

Dès son élection, le futur Président de la France pourrait inviter ses collègues chefs d’Etat de l’Union Européenne à une conférence informelle, pour discuter de ce sujet sur la base de deux points :
- Où voulons-nous aller ?
- Comment atteindre ce but ?

Où voulons-nous aller ?

C’est assez simple. Klaus Schwab nous indique la direction. Toujours à l’ouverture du Forum de Davos, il a en effet déclaré à la presse que depuis toujours il reste attaché à une forme de capitalisme de type «rhénan», « d’économie sociale de marché à l’allemande » (NDLR des années 50-60), où tous les « stake holders » (les parties prenantes, dont les salariés) sont pris en compte, et pas seulement les « stock holders » (les actionnaires). « J’ai fait adopter une déclaration dans ce sens dès 1973 », aime t-il à rappeler.

Cette idée est intéressante car l’économie sociale de marché constitue le cœur de l’article 3 du traité sur l’Union Européenne. Cet article est régulièrement bafoué au profit d’une forme d’économie dont les principaux défauts sont (toujours selon Klaus Schwab) : «la corruption, le court-termisme des acteurs et des mécanismes fondés sur la méritocratie qui, en tant que tels génèrent des gagnants et des perdants. Or, les premiers tendent à se désintéresser totalement des seconds ».

D’où la nécessité de réformer ce capitalisme en revenant aux fondamentaux du projet européen, donc en appliquant à la lettre et dans son esprit l’article 3 du Traité européen. (Il sera intéressant de rendre publics les arguments de ceux des chefs d’Etats qui ne voudront pas en entendre parler).

Comment atteindre ce but ?

C’est également simple, mais il faudra du courage et du charisme Les solutions techniques sont connues et publiques. Elles concernent toutes les formes de dumpings (monétaires, sociaux, fiscaux et environnementaux), le strict respect des normes sociales et environnementales internationales, la participation aux bénéfices des salariés, la préservation des biens communs (océans, eau etc), la transition énergétique et écologique, la réciprocité des échanges, et une évolution drastique des accords de libre échange actuels, notamment pour mettre sur un pied d’égalité les clauses sur le commerce, l’environnement et le domaine social. Le vice fondamental de ces accords est d’être bâtis sur la base de ce fameux capitalisme qui est à réformer, lequel érige le commerce et l’investissement en projet et l’Homme en un simple moyen au service de ce projet.

On notera aussi avec intérêt l’idée émise par le Parlement Européen dans sa résolution du 25 novembre 2010, proposant un règlement européen interdisant l'importation dans l'Union de biens produits par le biais de formes modernes d'esclavage, du travail forcé, notamment du travail forcé de groupes particulièrement vulnérables, en violation des normes fondamentales des droits de l'homme. Aucune suite à Bruxelles.

Pourtant, cette solution est légale, puisque les droits de l’Homme tels que définis en 1948 à l’ONU ont une valeur juridique supérieure aux accords sur le commerce. Dans sa résolution du 25 octobre 2016, le Parlement européen a également proposé la création d'un label d'identification volontaire au niveau de l'Union, attestant qu'aucune violation des droits de l’Homme n'a été commise lors des différentes étapes de la chaîne de fabrication des produits concernés. Est-ce tout ? Non bien sûr. Mais commençons par cela.

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Ancien directeur général d'un syndicat patronal du secteur agroalimentaire, Bertrand de Kermel est aujourd'hui Président du comité Pauvreté et politique, dont l'objet statutaire est de formuler toutes propositions pour une "politique juste et efficace, mise délibérément au service de l'Homme, à commencer par le plus démuni ". Il est l'auteur de deux livres sur la mondialisation (2000 et 2012)

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