Compte-tenu de la conjoncture particulièrement médiocre ( demande intérieure et crise du pouvoir d'achat, investissements et incertitudes globales, exportations en berne ), la dette publique continue de croître pour plusieurs séries de motifs notamment ce que l'on nomme les amortisseurs sociaux. Ainsi, il faut garder à l'esprit que la forte poussée du chômage de 2013 alourdira tout d'abord la dette de l'Unedic cautionnée par l'Etat pour près de 20 milliards d'euros ( dans la partie hors-bilan de la dette publique ) puis pèsera sur les comptes de l'indemnisation pour plus d'un an ( durée moyenne de présence au chômage dit chômage frictionnel ) avant de déclencher le mécanisme de radiation des bénéficiaires qui deviennent alors très majoritairement allocataires du RSA et viennent, à leur corps défendant, alourdir les dépenses sociales de la Nation.
Comme la démontré la Cour des comptes, ce sont les dépenses sociales et les budgets des collectivités locales qui augmentent le plus fortement et non celui de l'Etat hors cas spécifique de ce que l'on nomme la fiscalité affectée, autrement dit les taxes parafiscales qui s'élèvent à 112 milliards.
Dans ce contexte d'une activité atone, il peut être intellectuellement tentant de se réfugier derrière un paravent aussi coloré que dangereux : celui du défaut sur une partie de la dette publique. Avec une graduation évidente entre le défaut pur et simple ( le refus d'honorer un segment de la dette ) et le défaut version plus allégé consistant à différer le paiement ( rééchelonnement à moyen terme ). Cette double piste du défaut nous semble irréaliste à l'échelle d'un pays et singulièrement de la France. Ceci compte-tenu de nos besoins d'emprunts qui seraient alors affectés d'une prime de risque du fait de notre classement dans les pays frappés d'incertitudes de remboursement. Concrètement, cela pourrait signifier le doublement de nos taux actuels d'emprunts.
Si ce défaut parait coloré du rouge de l'incertain et du danger des rétorsions des créanciers, il nous semble que face aux exigences de soutien à l'activité économique, une initiative de plusieurs pays de l'Union aurait pu être tentée simultanément.
Elle aurait consisté à geler le paiement des intérêts pour un an ou deux de la dette souveraine et ainsi bénéficier de possibilités très crédibles de relance sur le mode keynésien en veillant à ne pas créer un appel d'air pour les produits importés.
Ce gel n'est nullement un défaut de paiement si les créanciers l'acceptent : c'est un acte de lucidité car l'exemple grec et espagnol démontrent que le remboursement à toute force des dettes engendre l'austérité et, in fine, un fort tassement des recettes fiscales.
La France n'a-t-elle pas récemment fait l'expérience amère de moindres rentrées fiscales ?
Pour passer le cap de ce que nous pensons être une crise de Juglar, il faut donner de l'air à l'économie. Tout ceci n'est pas un rêve, c'est un rapport de forces avec nos créanciers.
Tout ceci n'est pas une invention, cela s'appelle une convention d'anatocisme.
Cette capitalisation des intérêts est définie ainsi : " Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ".
Ces quelques lignes sont tout simplement issues de l'article 1154 du Code civil, ouvrage peu suspect d'amateurisme.
Entre la rigueur budgétaire brutale qui va nous faire basculer ( suite aux faibles prévisions de croissance ) dans l'austérité et nos obligations de débiteur loyal et sain, il y a peut-être un "corridor" ( voir économiste suédois Leijonhufvud ) nommé anatocisme qui n'est pas un défaut de paiement unilatéral mais le fruit d'une négociation entre le débiteur et ses créanciers.
Sachant que nous en sommes à 1.920 milliards de dette publique et plus de 3.150 milliards de hors-bilan ( exemple : soutiens à Dexia, provisions pour les légitimes pensions des fonctionnaires, cautionnements divers dont ceux à l'Unedic, etc ), le défaut est une hache à un coup là où l'anatocisme pourrait, à l'échelle de plusieurs pays de l'Union, être un scalpel approprié qui permettrait de différer la charge des intérêts le temps que la conjoncture économique présente des signes tangibles d'amélioration.