Dans le duo Hidalgo et Julliard qui tente d’imprimer sa marque sur la capitale, chacun apprécie à sa juste manière les façons gauche caviar bobo qui ont cours à l’Hôtel de Ville. Et vas-y que je danse dans un costume de paillettes façon soirée Michou, ou que je parle, dans tous les dîners, de la Culture, avec un « Cul » aussi grand, gros, volumineux, prétentieux, étouffant, que le postérieur que Kim Kardashian. C’est tellement beau la CCCCCUUUUUULLLLLture, et tellement bon, qu’on peut même la servir au petit déjeuner, et sous toutes ses formes: à la coque, mollette, brouillée, et au-delà. On peut même se payer le luxe de l’étaler sur sa tartine comme le fait la radio de service public éponyme.
Julliard a-t-il une vision pour la culture à Paris?
On peut imaginer qu’Anne Hidalgo n’ait pas beaucoup d’idées sur la culture, en dehors de celles qui se véhiculent ordinairement dans les dîners en ville, ou en dehors des petits services qu’on peut rendre aux copains avec le budget de la Ville. On marquera moins d’indulgence vis-à-vis de Bruno Julliard, ancien président de l’UNEF reconverti en premier adjoint et anciennement adjoint à la culture, qui traîne derrière lui une bande de potes dont on dira en toute pudeur qu’ils sont cul et chemise. Libre à chacun d’imaginer si c’est le premier ou la seconde qui prime dans le processus de décision.
Toujours est-il qu’il faut se lever tôt pour trouver la moindre trace d’une parole, dans la bouche de Julliard, qui donne le sentiment d’une quelconque vision de ce que doit être une politique culturelle municipale, qui plus est dans une ville dont la renommée et les traditions sont mondiales. En dehors des leit-motiv de « l’innovation » et de la « création », qui cachent aussi bien la misère intellectuelle qu’un string dissimule l’essentiel du Chippendale, on peine à lire la moindre ambition parisienne dans ce domaine.
Julliard le bureaucrate de la culture
Il faut donc se reporter au budget de la ville de Paris pour comprendre le naufrage culturel de la capitale couvert par les effets de manche de Bruno Julliard sous les sunlights de télévisions complaisantes.
Le budget 2016, par exemple, réserve 4% des dépenses de la Ville à la Culture, soit plus de 300 millions d’euros. C’est un chiffre intéressant, mais il faut immédiatement préciser que près de la moitié de cette somme est consacrée aux dépenses de personnel (125 millions), alors que cette proportion n’est que d’un tiers (ce qui est déjà colossal) dans le budget de l’Etat. Autrement dit, quand le contribuable verse deux euros à la Culture, un seul va directement à des actions culturelles. L’autre sert à payer le salaire des fonctionnaires.
La politique culturelle à Paris se traduit par une augmentation du nombre de fonctionnaires, mais une baisse (0,6% en 2016) des dépenses hors masse salariale. On peut donc bien parler d’une vision bureaucratique de la culture à Paris: plus de fonctionnaires, mais moins d’argent pour les projets…
Julliard et l’inégalité des chances
Face à cette bureaucratisation incontrôlable, qui consiste à sédimenter la culture dans une masse salariale qu’on se traîne comme un boulet et qui, peu à peu, absorbe tout sur son passage, Julliard mène une politique au fil de l’eau, sans aucune programmation et sans aucune vision, de réduction des coûts. Il a eu la bonne idée de l’annoncer d’emblée concernant les bibliothèques municipales, dont il a oublié qu’elles sont, plus que jamais à l’ère du numérique, l’un des seuls lieux où les milieux populaires peuvent avoir un accès régulier aux livres.
Ainsi, avant la réélection d’Anne Hidalgo, il avait annoncé une quarantaine de suppressions de postes dans les bibliothèques municipales. Cette stratégie, qui consiste tout de même à sacrifier l’action municipale de proximité (rendue incontournable par une croissance exponentielle de l’administration centrale de la ville), a quelques petites conséquences fâcheuses. C’est notamment le cas pour la bibliothèque du Château d’Eau, installée dans les locaux de la mairie du Xè arrondissement, que Bruno Julliard cherche à tuer coûte-que-coûte.
On comprend: une bibliothèque dans un quartier africain de Paris, à quoi ça peut bien servir? Mieux vaut consacrer des sommes délirantes à la « Nuit blanche » (1,4 million d'euros mangés en quelques heures), ou aux grands théâtres parisiens conçus pour une élite dont la fréquentation permettra à Bruno Julliard de faire carrière. Sous ce prisme-là, le développement de la lecture dans les milieux populaires n’a aucun intérêt.
On notera au passage que le budget des bibliothèques et des médiathèques est en baisse de 2,4% par rapport à 2015. La culture gratuite pour les pauvres? Beurk! quelle horreur!
Hidalgo, Julliard et la destruction du patrimoine parisien
Le Canard Enchaîné du 23 mars a eu le bon goût de noter que, de son côté, Anne Hidalgo n’était pas en reste pour saborder le patrimoine culturel parisien. La Commission du Vieux Paris, citée par le palmipède, a ainsi remarqué que la moitié à peine de ses avis sur des permis de construire était suivie par la maire. Dans l’autre moitié des cas, la Ville autorise des travaux qui sont pourtant jugés non conformes à notre intérêt historique patrimonial.
Cette violence faite à la Ville au fil de l’eau ne surprendra personne. L’équipe qui tient la municipalité manifeste en effet un intérêt et un respect très modérés pour les vieilles pierres de la capitale. Là encore, le budget 2016 le montre. Les sommes consacrées à l’entretien du patrimoine culturel sont en baisse de 20%. Officiellement, il s’agit d’un transfert technique « d’une partie des dépenses d’entretien sur les édifices cultuels (- 0,9 Millions d'euros) compensé par un effort accru en investissement. 1,2 millions d'euros est prévu au BP 2016 pour les dépenses d’entretien des fontaines ».
Moins d’argent pour les églises, mais plus d’argent pour les fontaines. Celles-ci, il est vrai, ont le bon goût de ne pas nourrir le front du refus contre le mariage gay.
Julliard et le malaise de ses personnels
On comprend toute la stratégie qui préside à cette « politique » culturelle. L’enjeu n’est pas de diffuser la culture dans le bon peuple, mais de servir les ambitions personnelles du premier adjoint, qu’Anne Hidalgo imagine comme son successeur. Il faut lécher les bottes (ou toute autre partie du corps présentée à la vénération) des puissants, et ne pas perdre son temps avec les manants. Cette doctrine bien connue des jeunes ambitieux du Parti Socialiste justifie des maintiens ou des augmentations de budget dans les opérations « paillettes », comme le 104, dont l’utilité culturelle reste à prouver, au détriment des obscurs et des sans grades qui doivent se contenter des miettes.
La politique de Bruno Julliard comporte quelques inconvénients et quelques dommages collatéraux. Par exemple, les personnels de la ville apprécient assez peu la stratégie menée au sommet.
Celle-ci a d’abord consisté à trouver « ringards » tout ce qui n’a pas sa place chez Michou. La polémiquelancée par Bruno Julliard sur les conservatoires municipaux l’a montré. Ce serait tellement mieux d’enseigner le Hip hop aux petites gens, plutôt que l’horrible musique classique! Le problème tient d’ailleurs au fait que les conservatoires enseignent déjà le Hip-hop, mais l’adjoint à la culture ne le sait manifestement pas.
Comme le dit la CGT:
s’agirait-il d’un grand mépris envers les agents ou d’une grande ignorance de ce qui se passe dans les conservatoires dont notre élu a pourtant la charge politique depuis bientôt trois ans ?
Peut être un peu des deux tant les visites de l’adjoint à la culture dans les établissements se font au pas de course et sans un regard pour le personnel présent…quand elles ont lieu. Ce qui ne lui permet pas, bien sûr, de prendre la mesure de ce qui se joue pour l’éveil culturel des petits parisiens. Sait-il d’ailleurs que des ateliers de découverte existent depuis bien longtemps ?
Mais, la CGT n’est pas seule à la ramener sur l’arrogance aristocratique des cultureux parisiens. L’UNSA a elle-même publié un communiqué qui en dit long sur l’état d’esprit qui règne à tous les étages dans les services de la CCUULLture.
Nos collègues des services centraux de la Direction des Affaires Culturelles, de plusieurs sous-directions, ont porté à notre connaissance des éléments relatifs à une dégradation particulièrement importante depuis deux ans des conditions de travail.
Il leur est de plus en plus difficile de travailler dans un contexte de management agressif, qui s’exprime même en public, et qui semble se répercuter en cascade à tous les niveaux hiérarchiques.
Nos collègues reçoivent des injonctions paradoxales qui remettent en cause leur compétence, leur expérience, leur manière de travailler et finalement leur loyauté envers le service public.
Ce management se traduit également par des attaques verbales parfois violentes et humiliantes et un mépris clairement affiché.
Manifestement, les mauvais coucheurs syndicalistes qui ont écrit ces lignes incendiaires n’ont pas compris la règle du jeu. Un homme de gauche comme Bruno Julliard, qui a tant lutté contre la précarité au travail lorsqu’il présidait l’UNEF, n’a plus aucune preuve à donner en matière de respect des personnels. Par construction, un homme de gauche est quelqu’un de solidaire et de respectueux. Il peut donc s’entourer d’une cour de petits marquis, il n’en reste pas moins un homme du peuple.
Ou comment la gauche à Paris se vautre sur le dos du petit peuple.
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog