Alexandre Azoulay : « L’adoption des services liés aux monnaies virtuelles va être naturelle et massive »

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Par Rédacteur Modifié le 15 septembre 2021 à 15h30
Cryptomonnaies Fin Cash
17%17% des Français montrent un intérêt pour les investissements en cryptomonnaies.

Dans le monde, les monnaies virtuelles n’en finissent pas de s’imposer comme une alternative au système bancaire traditionnel. À la structuration du marché et des offres s’ajoute l’engouement toujours plus fort des nouvelles générations. « L’adoption des services liés aux monnaies virtuelles va être naturelle et massive », explique pour Economie Matin Alexandre Azoulay, managing partners de SGH Capital, un fonds d’investissement luxembourgeois, qui compte plusieurs participations dans des services de monnaies virtuelles dans son portfolio.

L’engouement pour les cryptomonnaies se confirme

Pour résumer, la finance décentralisée est construite sur des relations d’utilisateurs à utilisateurs, qui maintiennent leurs fonds dans leur portefeuille personnel et mènent des transactions via des technologies blockchain. Un système qui s’est construit à l’origine comme une nouvelle façon de percevoir les échanges monétaires et sur un mouvement de société quelque peu libertaire, empreint d’une puissante défiance envers les systèmes centralisés et les institutions bancaires classiques. « La génération à l’origine des cryptomonnaies est celle ayant grandi dans le sillage de la crise de 2008, après laquelle les banques ont été largement pointées du doigt », analyse Alexandre Azoulay. « La création d’un système alternatif, open-source, auquel chacun peut participer, s’inscrit dans cette défiance envers le système bancaire et financier traditionnels », poursuit Alexandre Azoulay.

Un rapport, daté du 4 juillet 2018, du sous-gouverneur de la Banque de France, Jean-Pierre Landau, soulignait qu’environ 1 600 cryptomonnaies - 1 300 selon l’Autorité des marchés financiers (AMF) - sont en circulation. Elles conservent pour le moment peu d’applications opérationnelles et ne représentent, qu’environ 2,2 % du volume des transactions au sein de la zone euro. Une part qui, sauf surprise, devrait continuer à croître dans les années à venir. « Le phénomène cryptomonnaies s’est désormais imposé aux acteurs financiers traditionnels dans leur diversité. Par exemple, un bon tiers des sociétés du secteur de l’assurance, de la banque ou du négoce ont d’ores et déjà introduit des services liés à la finance décentralisée », détaille Alexandre Azoulay. La croissance du marché est, quant à elle, vertigineuse, avec une valorisation des monnaies virtuelles estimée à 2 000 milliards de dollars, soit 18 % de la valeur des réserves d’or du monde. Le bitcoin pointe désormais à la 6e place internationale, en termes d’offre monétaire en circulation, juste derrière la roupie indienne, dans un classement évidemment dominé par le dollar et l’euro.

Un attrait plus marqué des jeunes générations

Ce sont les jeunes générations qui portent l’engouement autour des cryptomonnaies. Un sondage IFOP, daté de février dernier, indiquait que 32 % des jeunes Français, âgés de 18 à 24 ans, avaient d’ores et déjà réalisé des investissements — ou souhaitent le faire — dans les cryptomonnaies. Un taux très largement supérieur à la moyenne nationale, qui s’élève à 17 %. Logiquement, l’appât du gain demeure le principal facteur d’investissements dans les cryptomonnaies. « Il y’a un bouleversement générationnel : les générations Z et Alpha sont les principaux moteurs de l’adoption des monnaies virtuelles, là où les personnes les plus âgées, par méfiance et par attachement au système bancaire traditionnel, y restent globalement hostiles », explique Alexandre Azoulay.

Côté pouvoirs publics, l’attrait des jeunes pour le marché des monnaies virtuelles inquiète. Aux États-Unis, la Financial Conduct Authority déplore les risques pris par les investisseurs amateurs, qui multiplient les comportements osés sur des monnaies aux cours très volatils. Des avertissements réitérés par l’AMF en France, où les jeunes sont aussi en quête de frissons. Un comportement générationnel qui tranche, là encore, avec les pratiques des plus âgés, adeptes des placements sûrs et peu rémunérateurs. « Il ne faut pas brider les jeunes générations dans leur volonté de bousculer le système bancaire traditionnel avec une réglementation trop contraignante mais redoubler d’efforts en termes de pédagogie pour transmettre une meilleure connaissance des risques liés aux investissements dans les cryptomonnaies » considère Alexandre Azoulay.

Un écosystème en pleine effervescence

Initialement construit autour d’un écosystème mouvant mais relativement simple de mineurs, à l’origine de la création monétaire, et de plateformes, espaces numériques de transactions de cryptomonnaies, le système poursuit son évolution. Le Salvador est, le 7 septembre, devenu le premier pays au monde à exhausser le bitcoin comme une monnaie légale, obligeant donc les acteurs financiers à l’accepter pour les paiements. En parallèle, de nouveaux projets de monnaies numériques souveraines sont régulièrement annoncés ou en phase d’expérimentation, comme le rouble numérique en Russie, la e-krona en Suède, le e-yuan en Chine pour 2022 et, d’ici 5 ans, un projet d’euro numérique. Mais c’est surtout le projet Diem, anciennement Libra, porté par le géant Facebook et annoncé en 2019, qui a poussé les acteurs institutionnels à se positionner sur ce marché. En juin 2020, directement en réponse à Diem, la Banque de France a annoncé mener une dizaine de projets pour tester les usages des monnaies numériques, notamment dans le domaine des échanges entre acteurs financiers.

Côté secteur privé, l’Hexagone peut se targuer de quelques très belles réussites, comme Ledger, un portefeuille numérique s’incarnant sous la forme d’une clé USB ultra-sécurisée, destinée à stocker les cryptomonnaies des particuliers, qui vient de réussir une levée de fonds de 380 millions d’euros, notamment auprès de Financière Agache, l’un des fonds d’investissement du groupe de Bernard Arnault, PDG de LVMH. L’écosystème français trouve parfois des potentialités plus inattendues, comme avec Sorare, à l’origine d’un jeu de cartes dématérialisé de joueurs de football à collectionner, fondé sur l’usage de monnaies numériques et désormais partenaires de grands clubs de football. La startup, au sein de laquelle SGH Capital a investi dès ses débuts, a bouclé une levée de fonds de 530 millions auprès d’investisseurs, dont certains joueurs professionnels, comme Antoine Griezmann. Cette levée de fonds est la plus importante de l’histoire de la FrenchTech et permet à Sorare d’entrer dans le club très fermé des licornes, valorisées à au moins 3 milliards d’euros.

Mais, malgré l’enthousiasme grandissant, quelques inquiétudes viennent miner la confiance du secteur. Depuis le 18 décembre dernier, un nouveau statut, le PSAN (Prestataire de services sur actifs numériques), créé dans le sillage de la loi Pacte, a été imposé par le législateur. Impossible, pour les acteurs du secteur, de poursuivre leurs activités s’ils n’obtiennent pas le statut, octroyé par l’AMF. Du côté des professionnels, on dénonce des processus trop longs, qui s’étalent souvent sur plusieurs mois avant l’obtention, un manque de clarté dans la documentation demandée par l’administration et, plus globalement, un déficit de visibilité sur l’avenir. Une situation qui, selon Alexandre Azoulay, n’empêchera pas la structuration et le développement du marché. « Entre l’acculturation des jeunes générations aux monnaies virtuelles, l’effervescence des start-ups qui se positionnent sur ce marché et l’institutionnalisation croissante des cryptomonnaies comme outil légitime d’échanges par les États et les banques centrales, tous les signaux sont au vert pour son développement futur, tout comme le secteur de l’intelligence artificielle », conclut Alexandre Azoulay.

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