Robotique : un sombre futur pour l’emploi

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Par Charles Sannat Publié le 27 mai 2013 à 11h34

Il y a plus d'un an, puisque c'était en janvier 2012, j'avais écrit un article intitulé « La bataille de l'emploi est définitivement perdue ».

L'idée générale était de montrer que les progrès majeurs réalisés dans le domaine de la robotique allaient révolutionner le monde du travail... en supprimant des très nombreux voire trop nombreux postes.

Tous les poncifs habituels de la religion du « Prôôgrèèès » !
Suite à ce type d'article, vous avez droit à une déclinaison de toutes les croyances, car il ne s'agit plus d'économie et de faits mais de croyance.

On vous explique que nous allons perdre des emplois bas de gamme, d'ouvriers et que l'on fera des choses plus intéressantes, plus passionnantes, avec plus de valeur ajoutée et mieux rémunérées. Je pense que nous sommes tous d'accord pour atteindre un tel objectif mais les faits depuis 30 ans donnent désormais tort à cette théorie qui ne repose d'ailleurs sur rien si ce n'est une observation empirique de ce qui s'est produit jusqu'à présent.

Depuis en réalité le choc pétrolier de 1975, partout dans le monde, le chômage structurel augmente inexorablement et la croissance diminue d'année en année. C'est assez logique.

Vous voyez un progrès vous en économie depuis les Trente Glorieuses ? Moi non ! Et on commence à avoir du recul, puisque cela fait 30 ans que nous avons quitté les Trente Glorieuses et nous venons de nous farcir les Trente Piteuses. Devant vous ? Les Trente Miséreuses vous attendent ! Progrès mon œil ! Les aïe-trucs ne sont pas un progrès, ils sont de simples technologies. Le progrès c'est l'évolution harmonieuse des sociétés et là, c'est franchement raté partout dans le monde.

Le travail est le mode de redistribution des richesses !
Dans l'économie capitaliste, les rôles de chacun sont bien définis. Il y a celui qui crée. Celui qui finance avec son capital une entreprise. Il y a le travailleur, celui qui vend sa force de travail. Il en tire un revenu qui lui permet d'être un consommateur. C'est la consommation des travailleurs (qui représentent la plus grande masse) qui va faire tourner les économies et les usines.

Or depuis 1975 et de façon exponentielle, la redistribution des richesses via le travail se réduit tendanciellement et de façon exponentielle depuis le début des années 2000. Poids des délocalisations d'un côté, progrès technologiques de l'autre, sans oublier les gains de productivité massifs générés par les technologies Internet au sens large qui commencent juste à donner toute leur puissance.

Un constat implacable
Celui qui ne veut pas voir ne verra pas. Quel que soit le pays, quelle que soit la couleur politique du gouvernement en place, que l'on parle de l'Allemagne où le chômage est officiellement bas avec une tripotée de travailleurs pauvres, ou de la France avec son chômage élevé mais ses « assistés » aussi riches que les travailleurs pauvres allemands, le problème est le même. Il n'y a plus assez de travail disponible pour tous. Le constat n'est pas plus compliqué que cela.

Le Saint-Graal de la compétitivité : l'esclave électronique, le robot !
Comme je le disais il y a plus d'un an, le Japon est très en avance dans le domaine de la robotique.
Au moment où la France, avec son ministre du Redressement productif, lance un plan, tenez-vous bien, de 100 millions d'euros pour soutenir la filière robotique française (ce qui est pitoyable compte tenu des enjeux), le Japon, lui, en est déjà au stade de l'exploitation industrielle des humanoïdes avec retour sur investissement en moins de 24 mois.

Vous pourrez regarder cette vidéo sur le site du Figaro dont je donne le lien ci-dessous, ou encore la beauté de Mlle UCROA la robotte à la peau synthétique sur mon article précédent consacré à ce sujet.

  • Un robot n'a pas sa carte de la CGT.
  • Un robot ne dort pas.
  • Un robot ne mange pas.
  • Un robot n'a pas besoin de pause pipi ni de pause cigarette !
  • Un robot peut travailler 24h/24, 7j/7, 365 jours par an (moins les quelques jours de panne).
  • Un robot ne pose aucune question, il ne pose aucun problème, n'a aucune exigence.
  • Un robot n'a pas l'outrecuidance de demander un salaire pour le travail effectué.
  • Un robot humanoïde coûte désormais pas plus de 60 000 dollars soit au maximum deux ans de salaires d'ouvrier d'où un retour sur investissement en 24 mois.

Prochainement, très rapidement, les hommes seront remplacés par les robots partout où ce sera possible.

Cela veut dire qu'il y aura certainement des relocalisations, comme c'est le cas d'ailleurs aux USA et même en Europe mais uniquement dans le cadre d'usine ultrarobotisée donc sans emploi ou presque.

Hollande a promis d'inverser la courbe du chômage
Je crois qu'ils n'ont rien compris, à gauche comme à droite d'ailleurs. La révolution robotique, dont vous commencez à voir poindre les effets, sera un tsunami pour l'emploi qui vous déferlera en pleine figure dès 2015.

L'emploi industriel sera rapidement laminé et ne sera plus qu'un souvenir. Puis ce sera le tour des entreprises de nettoyage qui vont virer tous les balayeurs du métro au profit d'humanoïdes. Tous les emplois peu qualifiés vont disparaître. Mais pas ceux qui les occupaient et qu'il faudra bien occuper.

Le balayeur ne deviendra pas ingénieur
La courbe du chômage ne va pas s'inverser, elle va s'amplifier. C'est un changement radical de société auquel nous sommes confrontés. Compte tenu de l'état des finances des pays, le traitement social ne pourra pas être la solution puisque les caisses sont vides.

Nous serons tous des canuts !
Il est et sera de bon ton de faire la comparaison avec les canuts qui ne voulaient pas disparaître et qui menaient un combat d'arrière-garde perdu d'avance. Sauf qu'il y a une différence fondamentale qui rend cette comparaison intellectuellement stupide. La disparition des canuts a eu lieu à la veille de la révolution industrielle, où le besoin d'hommes et de main-d'œuvre n'a jamais été aussi grand. C'était le début de la production de masse, pour une consommation de masse, nécessitant une masse de travailleurs.

Celui qui ne veut pas voir la différence avec la situation actuelle est tout simplement frappé de cécité !
Nous sommes capables de faire beaucoup mieux que les « Terminator V1 » que vous pouvez contempler sur cette vidéo déjà saisissante pour comprendre vers quoi évoluent les usines maintenant. Pas demain. Actuellement.

Mais, « les robots classiques travaillent vite et avec précision, mais ils réalisent peu de tâches différentes et n'offrent pas la souplesse et la finesse des humanoïdes», explique Katsuhiko Maruo, directeur de l'usine qui se réjouit et ne cache pas son plaisir devant cette main-d'œuvre « mais la grande différence, c'est qu'ils ne font pas de pause, ils n'ont pas de week-ends, pas de congés et ils travaillent aussi la nuit ».

Qu'allons-nous devenir et que va devenir le monde sans redistribution par les salaires ?
Cette mutation historique va avoir un corollaire très complexe. Si les hommes ne gagnent plus d'argent par les salaires car il n'ont plus travail, et que les robots s'occupent de tout ou presque alors il n'y aura plus de consommateurs solvables pour acheter la production des robots... Cela va être très compliqué à résoudre car toutes les théories économiques, je dis bien toutes, toutes les actions politiques, je dis bien toutes également, sont basées sur l'idée cardinale et centrale du travail !

Or le travail, sous vos yeux, va disparaître en tout cas pour 80 à 90 % des gens. Il restera quelques brillants ingénieurs, quelques plombiers (et encore pas longtemps), nous aurons même les robocops (les robots policiers en service 24h/24). Mais pour la majorité des gens il n'y aura plus de travail.

Alors que va-t-on faire sans avoir à travailler ? Comment répartir production et richesse ? Est-il seulement envisageable de taxer les robots si nous restons dans un monde ouvert et sans frontières ? Comment financer les États-providences et les aides sociales (y compris aux USA) lorsque la fiscalité repose en très grande partie sur le travail (avec les charges sociales par exemple) ? Peut-on verser de l'argent aux gens à ne rien faire toute une vie, et regarder des robots travailler pour nous ? Doit-on aller après les 35 heures vers la semaine de 2 heures ?

La révolution robotique est vertigineuse économiquement mais aussi en termes sociétaux et philosophique. Il peut en sortir le meilleur. Un monde d'où la pauvreté serait éradiquée et où l'homme oisif pourrait méditer, créer, inventer, imaginer en toute indépendance financière.

Il en sortira probablement le pire, avec une période transitoire d'extrêmes richesses pour une infime minorité et une très grande pauvreté pour la plus grande majorité sans distinction de classe sociale. Tout le monde sera touché. Certains résisteront simplement un peu plus longtemps que les autres. Délinquance et désordres sociaux en seront la conséquence la plus évidente.

Comment vous préparer ?
La bonne question à vous poser c'est comment vivre ou survivre dans un monde où vous n'aurez plus d'argent, plus de travail ? Encore une fois, la maison à la campagne avec poulailler et potager sera d'une très grande utilité ainsi que votre PEBC (plan épargne boîtes de conserve), sans oublier votre kit composé de pièces d'or pour stocker votre richesse. Il ne faut pas se leurrer. Dans un monde sans emploi, aucun pays ne sera capable de payer quelques dettes que ce soit.

Pour le moment, il n'est pas trop tard pour acquérir certains savoir-faire sur lesquels les robots auront du mal en tout cas dans un premier temps à être performants. Des tâches demandant une finesse technique important ainsi que de l'analyse. C'est le cas pour de la plomberie chez les gens où les espaces sont confinés et où il sera compliqué de faire intervenir un humanoïde pas très souple !! L'ingénierie bien évidemment mais tout le monde n'en est pas capable surtout que cela deviendra de plus en plus complexe. La maintenance car il faudra bien réparer ces robots. La distribution de robots, car je serai le premier acheteur de mon robot domestique (un cadeau pour ma femme).

Il est également possible d'investir dans les sociétés japonaises qui conçoivent et produisent ces robots. Certaines sont cotées et promises à un très bel avenir... jusqu'au moment où les robots auront supprimé suffisamment de consommateurs (là tout s'effondrera comme un château de cartes).

Voici en tout cas quelques pistes de réflexion que je voulais partager avec vous sur ce sujet. N'oubliez pas, il y aura une bulle financière sur la robotique. Personne pour le moment n'en a conscience. Par rapport à la bulle Internet et pour faire la comparaison, nous en sommes à 1996. Le point le plus bas avant l'envolée des cours.

Il y a une dernière solution : que l'économie des dettes s'effondre avant l'arrivée de la révolution humanoïde. En étant tous ruinés, aucune entreprise ou particulier ne pourra investir dans les robots. D'un autre côté, nous n'aurions pas plus de travail...

Enfin, soyez tranquilles, votre Président (béni-oui-oui soit son nom) vous a dit qu'il allait inverser la courbe du chômage. Vas-y François, je te regarde et je me marre d'avance. Tu vas te planter magistralement mon pauvre. Il faudrait qu'un de ses communicants lui apprenne à pondérer ses promesses. Ce n'est pas dur de dire « nous ferons tout pour inverser la courbe du chômage », plutôt que de promettre « nous allons inverser la courbe du chômage, c'est sûr »...

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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