En 1961, l’économiste Mundell reçut le prix Nobel d’économie pour sa théorie des zones monétaires optimales. Selon lui, pour qu’une zone monétaire fonctionne, il fallait une homogénéité économique de ses membres, sans quoi, faute de pouvoir utiliser la dévaluation monétaire en cas de problème, un choc spécifique à l’un des pays membres de la zone contaminerait inévitablement les autres membres. Depuis 50 ans, la situation grecque et ses conséquences pour l’édifice communautaire sont donc parfaitement connues, anticipables et maîtrisables.
Pendant des décennies, la Grèce a utilisé la dévaluation pour réguler son économie. Au lieu de réduire les salaires ou de rationaliser ses entreprises pour faire face à la concurrence internationale, la société grecque retrouvait ses marges de compétitivité en diminuant le cours de sa monnaie. Une baisse des prix artificielle en quelque sorte.
Avec l’entrée dans l’euro, elle a renoncé à cet outil sans changer ses petites habitudes de vie. Les Grecs ont eu l’illusion qu’ils pourraient vivre avec une monnaie forte, tout en gardant une mentalité de pays à monnaie faible: emplois publics pléthoriques, entreprises peu organisées, faible goût pour la performance interne. Ce qui arrive aujourd’hui à la Grèce était parfaitement prévisible: avec un euro aussi fort qu’un mark, il n’était pas imaginable de conserver des mécanismes généreux socialement sans plomber durablement sa compétitivité internationale.
La France est d’ailleurs confrontée à la même dialectique. Dès 2008, il était prévisible que la question de la mise entre parenthèses de l’euro pour les pays habitués à la dévaluation monétaire en cas de crise se pose. Avec des économies lourdement pénalisées par les pertes financières dues à la folie des banques, les pays les moins compétitifs se sont rapidement trouvés la tête sous l’eau.
Pour des raisons politiques, personne n’a voulu aborder le problème les yeux dans les yeux. Il était plus confortable de donner l’illusion qu’à coups de remède de cheval, on sauverait l’euro et on remettrait les Grecs sur les rails.
Résultat? La Grèce sortira de l’euro, après une boucherie sociale hallucinante. Et la crise s’étend aux autres membres de l’Union. Comme quoi: un arbitrage difficile dès le début de la crise (sortir la Grèce de l’euro) nous eût évité de nombreux désagréments lourds de conséquences pour l’avenir. Et, depuis plus de 3 ans, les spéculateurs gagnent des sommes colossales en pariant sur les malheurs de la Grèce. Un contre-exemple de bonne gouvernance européenne, en quelque sorte.