France : une crise de moral et de morale

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Par Jean-Paul Betbèze Modifié le 8 avril 2013 à 0h36

La cote de popularité du Président Hollande est au plus bas, dix mois après son élection. Plus que cinquante mois dit le cynique (et le calendrier), mais pas l'économie, pas la finance, pas le peuple : des changements de discours et de trajectoire vont devoir arriver.

En attendant, les Français s'inquiètent et consomment moins. Les entrepreneurs s'interrogent et taillent dans leurs stocks, leurs investissements, les emplois. Rien ne va plus en France : les craquements se suivent et ce « second semestre » 2013 qui devait s'améliorer et nous sortir d'affaire, au moins dans les têtes, commence à inquiéter.

Est-ce qu'il sera aussi bon que prévu ? Ou bien va-t-on réviser à la baisse les prévisions de croissance ? Et comment ce qui se passe à Chypre, en Italie, en Espagne... va-t-il peser sur « notre » reprise européenne, tant attendue et venue d'ailleurs ? Ce n'est donc pas une surprise si, au moment même où les indicateurs conjoncturels se retournent, les « affaires » politiques et judiciaires prennent une tout autre ampleur. Les nerfs sont à vif.

C'est normal : cette crise dont on attend la fin, comme pour un mauvais film, est plus dure et compliquée que prévu, parce que ce n'est pas « simplement » une crise de la finance ou des excès du capitalisme, comme on l'entend partout. C'est une crise de la finance qui voulait cacher les problèmes de production du capitalisme dans les « vieux » pays industrialisés. Qu'allons-nous produire, inventer, faire, dans le monde qui se construit, avec la Chine et l'Asie d'abord, les Etats-Unis ensuite ?

On le comprend, la réponse à trouver est plus longue et difficile que prévu, car plus grave et structurelle... Alors, nous devenons hypersensibles. Hypersensibles aux nouvelles sur l'emploi, les impôts, les injustices, les « affaires ». Et ceci se développe dans nos têtes, au moment où on ne nous a pas dit (encore) la teneur de la maladie, pas vraiment la nécessité de changer, d'aller au-delà de ces mesures dites « structurelles » de flexibilité et de nouvelle allocation de ressources, dont on nous parle tant. Sans nous en donner le contenu.

Car ces mots de flexibilité, de réformes, changement de monde, mutations disent la même chose, sauf l'essentiel. Ils nous disent : « les choses ne peuvent plus continuer ainsi ». Mais ils ne disent pas ce à quoi les « choses futures » vont ressembler, pour la bonne raison que nul ne les connaît. Nous ne savons pas ce que nous allons faire, produire, réaliser, autrement dit : devenir, dans vingt ans. Le choc que nous vivons requiert donc, plus que jamais, du courage et de l'imagination, donc de la confiance en nous. C'est le problème.

C'est maintenant qu'il faut assouplir et réduire les normes, diminuer tout ce qui entrave. C'est maintenant qu'il faut encadrer la progression des taxes, soutenir les investissements qui vont créer notre futur. C'est maintenant qu'il faut faire l'inverse de ce qui avait été dit il y a un an. Pour pouvoir avancer, affronter l'avenir.

C'est maintenant que la confiance est décisive, confiance dans la capacité de se sortir d'affaire, de gagner, de participer à la naissance de ce nouveau monde. Le plan de sortie se passe dans les têtes : il faut aligner les anticipations pour décrire notre économie de la connaissance, des nouvelles relations, des nouveaux réseaux. Ce plan implique en même temps, pour se crédibiliser et s'ancrer dans le réel, que des freins sautent, des structures disparaissent – pour que des projets se construisent, avec les entreprenants d'aujourd'hui et de demain.

La France a rêvé. Elle a rêvé passer à côté de cette remise en cause fondamentale, parce que la zone euro, le Grand marché, l'Allemagne... devaient la protéger. Or ce n'est pas possible, et ne l'a jamais été. L'Europe n'est pas une muraille, mais une construction stratégique, à renforcer en permanence. La crise s'étend partout, parce que le monde change. Elle appelle des chefs sans doute, des sangs et des larmes d'accord, mais parce que nous voulons et allons gagner. Aujourd'hui, la bataille est dans les têtes.

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Jean-Paul Betbèze est PDG de Betbèze Conseil, membre de la Commission Economique de la Nation et du Bureau du Conseil national de l'information statistique (France), du Cercle des économistes et Président du Comité scientifique de la Fondation Robert Schumann. Professeur d'Université (Agrégé des Facultés, Professeur à Paris Panthéon-Assas), il a été auparavant chef économiste de banque (Chef économiste du Crédit Lyonnais puis Chef économiste & Directeur des Etudes Economiques, Membre du Comité Exécutif de Crédit Agricole SA) et membre pendant six ans du Conseil d'Analyse économique auprès du Premier ministre. Il est l'auteur des ouvrages suivants:· "Si ça nous arrivait demain..." aux éditions Plon, Collection Tribune Libre· "2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France" aux Editions PUF, 2012.. "Quelles réformes pour sauver l'Etat ?" avec Benoît Coeuré aux Editions PUF, 2011.. "Les 100 mots de l'Europe" avec Jean-Dominique Giuliani aux Editions PUF, 2O11. "Les 100 mots de la Chine" avec André Chieng aux Editions PUF, 2010. Son site : www.betbezeconseil.com

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