Crise sanitaire : quelles conséquences sur le management package ?

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Par Rédacteur Modifié le 13 août 2020 à 14h07
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11%Bercy s'attend à une récession de 11% en France en 2020.

La crise sanitaire aura des conséquences économiques majeures, dont les premiers indices tendent à émerger aujourd’hui. Si le cataclysme annoncé pourrait ne pas advenir grâce à la puissante mobilisation des acteurs publics, un ralentissement économique d’ampleur semble d’ores et déjà annoncé. D’autant que les pouvoirs publics et les banques centrales ne pourront pas maintenir longtemps des mesures volontaristes qui, déjà, pèsent considérablement sur les capacités budgétaires des États.

Dans l’univers LBO et, plus précisément, du management package, l’attente de jours meilleurs deviendra-t-il la norme ? Quelques éléments de réponse avec Vincent Aymé, du cabinet Callisto Finance, Alexandre Dejardin et Tristan Audouard, associés du cabinet Jeausserand Audouard mais aussi Jean-Philippe Bescond, Managing director au sein de la prestigieuse Banque Lazard.

Des fonds d’investissement ébranlés par la crise sanitaire

Dans le monde de la fusion-acquisition, les perspectives ne s’annoncent guère réjouissantes. Une étude réalisée par le cabinet Roland Berger en avril dernier indique ainsi que deux tiers des participations des fonds d’investissement sont touchés négativement par le Covid-19. 26 % des entreprises détenues par un des 70 fonds interrogés déplorent une baisse de chiffre d’affaires comprises entre 20 % et 50 %. 9 % annoncent d’ores et déjà une chute de chiffre d’affaires d’au moins 50 %, par rapport à l’année passée. Les contraintes, en termes de cash management par exemple, sont donc réelles.

Les fonds d’investissement n’ont pourtant pas démérité et ont su accompagner leurs participations dans cette période délicate. Ils ont, par exemple, bien joué leur rôle de conseil dans la renégociation de nouvelles lignes de crédit. 45 % des fonds interrogés prévoient même, quand ce n’est pas déjà fait, d’injecter du cash ou des fonds propres dans leurs participations. Un scénario similaire à l’année 2008-2009, alors même que la crise ébranlait l’ensemble du système financier. « La plupart de nos interlocuteurs dans les fonds étaient déjà en poste lors de la crise financière de 2008. Par rapport à cette précédente crise systémique, leur réactivité a été immédiate que ce soit tant pour apporter un soutien décisif à leur participation sur leur trésorerie que pour démarrer très tôt leur réflexion sur une renégociation du management package afin de réaligner leurs intérêts avec ceux des managers » précise Alexandre Dejardin.

En effet, selon une étude réalisée par France Invest, l’endettement des sociétés françaises en portefeuille serait d’environ 4 fois l’EBIDTA moyen, ce qui reste modéré en comparaison à leurs homologues étrangères. Quelques signaux positifs rassurent dans la tempête à venir. Selon le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, la reprise économique pourrait arriver plus vite que ce qu’avaient prévu les premières estimations.

Vers un report des transactions de LBO ?

La priorité des entreprises demeure d’assurer la continuité ou la reprise de l’activité dans un nouveau contexte, puis de sécuriser la trésorerie. Pendant encore quelques mois, l’attentisme devrait être une règle partagée sur le marché des fusions-acquisitions. « Des processus de cessions d’entreprises qui devraient aboutir ou démarrer au second trimestre ont été décalés pour des raisons de valorisation, à la fin de l’année 2020, ou à l’année prochaine, ou à plus tard » explique Vincent Aymé, du cabinet Callisto Finance. Si les indicateurs traditionnels, comme l’EBIDTA, gardent leur pertinence, une grande partie des négociations se fera sur le niveau de prise en compte des effets de la crise sanitaire sur la valeur des entreprises. Entre des acheteurs prudents et des vendeurs subissant une dévalorisation de leurs entreprises, un désalignement massif des intérêts entre les parties est à craindre. Bien que le report des échéances s’annonce comme la future norme, quelques exceptions pourraient cependant se concrétiser. « La crise actuelle a parfois pour effet, non pas de repousser un projet de cession, mais au contraire de l’anticiper, lorsque le vendeur, par exemple un grand groupe côté, cherche à accélération sa transformation stratégique et à se procurer des liquidités » avance Vincent Aymé. Et dans certains secteurs, non touchés par la crise, ou qui ont su en tirer profit, les transactions devraient se poursuivre comme en temps normal. « Nous ne pouvons pas généraliser, mais nous observons une accélération très importante de notre activité depuis la fin du confinement. C’est une analyse sommaire mais a priori, à la saisonnalité classique de notre secteur, beaucoup d’opération se signant ou se closant en juillet avant la trêve estivale, on a le sentiment que s’ajoutent des deals qui auraient dus se faire pendant le confinement » ajoute Alexandre Dejardin.

Selon Jean-Philippe Bescond, Managing director chez Lazard, une polarisation du marché entre les gagnants et les perdants de la crise sanitaire semble se dessiner. « Avec la crise actuelle, le marché des fusions-acquisitions s'est profondément polarisé, avec des actifs résilients qui ont très bien traversé la crise (services de santé, télécoms, courtage...) et qui bénéficient d'un très fort appétit des investisseurs pour ces secteurs » explique Managing director, qui précise tout de même que « l’optimisme demeure ». Le mouvement de Flight to Quality vers les actifs les plus solides pourrait donc se renforcer.

L’adaptabilité au cœur des prochains management packages

Élément phare des deals LBO, le management package pourrait connaître de sérieux bouleversements. Le management package revêt en effet un caractère hautement stratégique pour les investisseurs qui souhaiteraient conserver les meilleurs talents aux postes de direction ou se prémunir d’un départ à la concurrence, potentiellement fatal dans un contexte où la concurrence sectorielle pourrait s’accroître. Très complexe en temps normal, le management package le sera encore plus dans une période où le matching des intérêts des parties n’est plus assuré. Une vision que nuance cependant Jean-Philippe Bescond, qui affirme que « les managements package étant le meilleur moyen pour assurer un alignement des intérêts entre les différentes parties prenantes, il y a fort à parier que tendanciellement, la crise actuelle impactera peu l'attractivité des managements packages ».

« Nous allons rapidement nous retrouver dans une situation où il conviendra de remettre à plat les hypothèses financières des management packages afin d’assurer l’alignement d’intérêts entre actionnaires. La restructuration des management packages existants devra intervenir suffisamment en amont sous peine d’entrainer en sortie des difficultés d’ordre fiscal notamment » assure quant à lui Tristan Audouard. D’autant que, contrairement aux attentes, il n’est pas exclu qu’un regain d’intérêt pour le management package, malgré le report attendu de certains deals LBO, puisse se dessiner. « La crise actuelle renforce la nécessité du management package, car les situations de crise sont celles où le talent des dirigeants est probablement le plus sollicité » explique Vincent Aymé. En effet, les meilleurs talents resteront très demandés dans les organisations et, pour les attirer, la concurrence entre les entreprises restera très prononcée. « Si la crise économique risque de voir exploser la courbe du chômage, il est, malgré tout, illusoire de penser que les cadres qualifiés vont se jeter sur le premier emploi disponible », affirme la Fondation Jean-Jaurès dans un rapport sur le management dans l’ère post-Covid-19.

L’un des plus grands risques est, sans doute, la démotivation des managers engagés dans une transaction prévue avant la crise sanitaire. « Selon les cas, il peut être opportun, dans l’intérêt mutuel des dirigeants et autres actionnaires, de donner aux dirigeants une liquidité partielle au titre de la performance déjà réalisée, ou de mettre en place une nouvelle tranche d’incentive financier, sur la base d’objectifs de performance revus à la baisse » détaille Vincent Aymé. La situation invite aussi à une adaptabilité accrue, notamment dans les cas où l’entreprise, très affaiblie par la crise, fait face à de sérieux problèmes de trésorerie. « Si la société a été fragilisée, on peut aussi envisager un investissement supplémentaire de la part des actionnaires financiers actuels, ou l’arrivée de nouveaux investisseurs, en complément d’un PGE » explique Vincent Aymé. Quoi qu’il en soit, les management packages dépendront, chaque fois, de la situation de chaque entreprise et aucun schéma systémique ne se dégage pour le moment. « La réponse dépend bien sûr de chaque cas particulier » conclut ainsi Vincent Aymé.

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