La dette est souvent traitée comme une équation comptable. Il suffirait de monter un peu les impôts et de couper un peu les dépenses pour retrouver l’équilibre. Ce discours ne fait plus illusion après quasiment quarante années de déficits ininterrompus. Le surendettement de l’État français mine la confiance des Français en leur pays et en l’avenir. Elle fait progressivement perdre au pouvoir politique la maitrise des finances publiques. Cet environnement délétère décourage l’investissement et nourrit les populismes les plus exécrables, à droite comme à gauche. L’état d’urgence approche.
Tout d’abord, le bricolage n’est plus de mise. Le déficit de l’État (hors administrations publiques locales et de sécurité sociale) a atteint 87,2 milliards en 2012. Si cela ne représente « que » 4,5% du PIB, c’est surtout presque un quart de son budget général que l’État dépense en trop chaque année. Personne n’ose reprendre ce constat, bien plus explicite. L’équilibre ne reposera donc pas sur quelques milliards mais sur près de cent milliards d’euros d’économies. Et le pays a intérêt à affronter cette réalité avant que nos créanciers, à deux tiers étrangers, ne le fassent pour nous.
La maîtrise de la dette ne peut venir des hausses d’impôts. Le niveau et la structure de notre fiscalité nourrissent déjà partiellement les déficits publics par leur impact dissuasif. Les prélèvements obligatoires (ISF, prélèvements fiscaux et sociaux sur l’épargne risquée, impôt sur le revenu très progressif, etc.) sanctionnent trop lourdement le succès par des taux confiscatoires. Ils empêchent l’accumulation de capital nécessaire au développement de nos entreprises. Augmenter la pression fiscale ne ferait que gripper davantage les rouages de la croissance. Car c’est bien la croissance qui sera le principal moteur du remboursement de la dette. Une révolution fiscale capable de libérer la croissance repose sur des taux faibles pour ne pas dissuader, une base large pour être rentable, et la simplicité par souci de justice. Une stratégie de croissance va évidemment bien au-delà : flexibilité de l’emploi, fin des professions protégées et des monopoles, simplification réglementaire, etc.
La deuxième jambe d’une stratégie de lutte contre la dette, c’est la diminution de la dépense publique. Jusqu’ici, les gouvernements ont improvisé des petites coupes progressives, inutilement anxiogènes (tout en laissant filer à côté les dépenses territoriales et de protection sociale). Rappelons-nous Frédéric Bastiat évoquant le brave paysan bourguignon qui doit couper la queue de son chien : « Mon pauvre chien, pour t’éviter une trop grande douleur je te couperai seulement un petit bout chaque jour ! » Imaginez l’état des Français après quinze ans de discours sur les coupes. Petites coupes, petites réformettes, absence de perspectives de long terme. Ils ont élu en 2007 un Sarkozy énergique, même si la stratégie était un peu floue. L’espoir collectif de changement a laissé place à un sentiment de trahison lorsque sa politique s’est révélée incohérente, opportuniste... et accélérant dans la même direction que ses prédécesseurs. Les Français ne sont pas schizophrènes mais rationnels. Qui leur en voudrait de tourner le dos à des promesses de changement après tant d’années d’agitation brouillonne et inefficace ?
La réduction drastique des dépenses doit commencer par nos élus censés donner l’exemple. Le passage à 300 députés alignerait la France sur la moyenne européenne d’habitants par élu. Une autre mesure emblématique devrait être la suppression du Conseil Economique, Social et Environnemental au budget annuel de 40 millions. La fusion de la PPE, de l’Allocation de Solidarité Spécifique, du RSA et des aides au logement permettrait d’économiser rapidement 10% de ce budget considérable, sans parler des gains issus de la disparition des trappes à pauvreté. La fusion de la CSG/CRDS et de l’impôt sur le revenu pour aboutir à un impôt à deux tranches engendrerait une économie de 30.000 postes à Bercy. Pour deux enseignants, il y a un fonctionnaire qui vit de la gigantesque bureaucratie à l’Education Nationale. 90 % de ces 400.000 personnes n’apportent pas de valeur ajoutée à l’enseignement de nos enfants. On imagine les économies réalisables…
Plus que jamais, une stratégie claire s’impose. Une diminution franche de la surcharge pondérale de l’État ne peut s’envisager sans son recentrage sur ses missions régaliennes. Même avec la prédation fiscale actuelle, il n’a plus les moyens de se disperser et de multiplier ses interventions dans tous les domaines. Le grand débat que les Français vont devoir affronter, par voie démocratique ou dans l’urgence sous la pression des créanciers, est le suivant : quelles sont les missions essentielles que nous devons attendre de l’Etat ? Comment lui permettre de faire mieux avec moins ? Une refondation de notre organisation sociale nous attend. Espérons qu’elle ne sera non plus fondée sur un État omnipotent, mais sur la liberté, ferment du lien social, de la confiance et du bonheur. De quoi fonder une vraie stratégie choc de croissance pour les vingt prochaines années.