Les marchés actions remontent : la crise est-elle terminée ?

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Par Nicolas Perrin Modifié le 5 juin 2020 à 13h05
Bourse Marches Baisse Tendance
@shutter - © Economie Matin
5%Lors de la crise financière et économique de 2008, la France a perdu 5% de son PIB.

Voilà presque trois semaines que les marchés actions remontent. Depuis le 23 mars, le S&P500, qui avait chuté en un temps record de presque 35% depuis son plus haut du 19 février, a repris plus de 20%. Certains commentateurs voient dans ce vigoureux rebond le début d’un nouveau marché haussier. Faut-il en conclure que les banques centrales ont définitivement repris le contrôle, et que la Crise est derrière nous ?

« Et, le 6 avril 2020, la Fed repris enfin le contrôle. Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. Fin. »

Aucune chance.

Les crises, qu’elles soient boursières ou économiques, font désormais partie du paysage. Sans évidemment le crier sur les toits, les autorités publiques ont fait le choix de la crise financière (il y en avait d’autres) pour réguler le fonctionnement de l’économie mondiale.

Cette assertion vous semble quelque peu extravagante ? Rassurez-vous, je vais m’employer à argumenter.

Ces crises dont les banquiers centraux nous expliquaient qu’elles étaient des problèmes d’antan…

En février 2018, Janet Yellen a cédé sa place à Jerome Powell à la tête de la Fed. Voici ce qu’elle déclarait 7 mois avant de prendre sa retraite : « Irais-je jusqu’à dire qu’il n’y aura plus jamais de crise financière ? Vous vous doutez que cela serait exagéré, mais je pense que nous sommes beaucoup plus en sécurité, et j’espère que cela ne se reproduira pas de notre vivant – je ne crois d’ailleurs pas que ce sera le cas ».

27 juin 2017 : Janet Yellen fait sa meilleure blague de banquier central

Evidemment, une telle déclaration semble aujourd’hui tout à fait ridicule.

Cependant, dès 2017 (mais bien avant déjà), un journaliste aurait pu faire cette remarque de bon sens à la patronne de la Fed : si tout allait alors pour le mieux dans le meilleur des mondes, pourquoi donc la quasi-totalité des gouvernements de la planète alignaient-ils les déficits budgétaire comme des perles, et pourquoi diable les planches à billets des principales banques centrales tournaient à un régime déjà tout à fait remarquable ?

Trois ans plus tard, l’optimisme béat affiché par les banquiers centraux est toujours de rigueur.

11 février : Reuters : « Le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, devrait donner au Congrès une mise à jour économique largement positive » / Sven Heinrich : « Les choses sont positives, c’est pour ça que la Fed intervient en mode crise ».

Puis est arrivé le 19 février. La musique s’est subitement arrêtée.

Les grands planificateurs monétaires n’en savent pas plus long que vous et moi sur ce qui se passera demain…

Un temps reléguée aux poussiéreux livres d’Histoire économique, la crise a finalement fait sur grand retour sur le devant de la scène.

Au mois de mars, l’ambiance a en effet quelque peu changé, avec un indice d’incertitude concernant la politique économique qui a dépassé tout ce que l’on a observé auparavant, que ce soit le 11 septembre 2001, en 1987, en 1997/98 ou encore en 2008.

Tout d’abord, Wall Street vient d’enregistrer le pire trimestre de son histoire, suite à la correction la plus rapide et la plus brutale qu’aient connue les intervenants dans toute leur carrière. La panique était générale et, pour la première fois depuis bien longtemps, les marchés se sont mis à douter de la capacité d’action des banques centrales. Voici comment Charles Gave décrivait la situation le 16 mars : « D’habitude, les baisses s’apparentent à un lent dégueuli, cette fois-ci la baisse est littéralement verticale puisque tout le monde se rend compte en même temps que les banques centrales ne peuvent rien faire pour l’enrayer. Dans un marché baissier « normal » la prise de conscience que nous sommes dans une baisse structurelle se fait individuellement et lentement ».

Comme si cela ne suffisait pas, il y a eu les terribles chiffres du chômage publiés le 28 mars, à la vue desquels Janet Yellen a failli faire une syncope. 10 millions d’Américains qui s’inscrivent au chômage en deux semaines, elle ne l’avait sans doute pas vu venir, celle-là !

Demandes initiales hebdomadaires d’assurance-chômage

Sur CNBC, l’ancienne patronne de la Fed a en effet déclaré que le nombre de nouvelles inscriptions au chômage est « absolument choquant », preuve s’il en fallait encore que, pas plus que madame Soleil, les banquiers centraux ne savent de quoi demain sera fait.

Les choses ne sont pas près de s’arranger sur le front de l’emploi puisque les prévisions de croissance économique pour 2020 et plus font passer la crise de 2008 pour une plaisanterie. Voici par exemple comment Deutsche Bank envisage la situation.

Perte de PIB du sommet au creux de la vague (crise de 2008 en rouge, crise actuelle en bleu, en %)

Les bonnes blagues de banquiers centraux sont toujours de mise, mais les médias mainstream commencent à relayer les scénarios les plus alarmistes

Pour Ben Bernanke, qui occupait le poste de Janet Yellen entre 2006 et 2014, « La bonne nouvelle, c’est que nous sommes entrés dans ce système bancaire beaucoup plus solide ». Je ne suis pas complètement bilingue en anglais mais je crois avoir compris que c’est bien du système bancaire américain, lequel a nécessité 6 mois de soutien continu sur le marché des repo avant même que le Coronavirus ne frappe, que l’ancien patron de la Fed parlait…

Que voilà une réplique digne de figurer dans le recueil des meilleures blagues de banquiers centraux…

2 janvier : « Mes candidats pour le titre de la phrase la plus dangereuse : « Cette fois, c’est différent. » « La dette n’a pas d’importance. » « L’économie est pratiquement imperméable à la récession. » »

Il y avait bien sûr également « la dette subprime est contenue », « ce n’est qu’un ajustement de milieu de cycle », « les interventions sur le marché des repo sont temporaires », mais il est vrai qu’à ce stade, il n’est pas évident d’être exhaustif.

Quoi qu’il en soit, la nouveauté en cette période, c’est que même un média financier mainstream comme Bloomberg titre sur ces Jim Rickards, ces Ronald-Peter Stoeferle et autres Jim Rogers dont les vues très alarmistes n’étaient peut-être pas si farfelues que ça.

« Les gold bugs voient enfin leurs prédictions tragiques devenir réalité »

Bien sûr, certains brillants esprits voudraient nous faire accroire que tout est la faute du virus. Est-ce réellement le cas ? C’est ce que nous verrons demain.

Ce billet a été initialement publié sur le blog L'Or et l'Argent.

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Diplômé de l’IEP de Strasbourg, du Collège d’Europe et titulaire d’un Master 2 en Gestion de Patrimoine, Nicolas Perrin a débuté sa carrière en tant que conseiller en gestion de patrimoine. Auteur de l’ouvrage de référence « Investir sur le Marché de l’Or : Comprendre pour Agir », il est désormais rédacteur indépendant. Il s’intéresse au libéralisme, à l’économie et aux marchés financiers, en particulier aux métaux précieux et aux crypto-actifs, sans oublier la gestion de patrimoine. Son Twitter : @Nikookaburra.

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