“Seuls les paranoïaques survivront” : jamais la phrase du fondateur d’Intel, Andy Grove, n’a semblé aussi appropriée à la situation que traversent aujourd’hui bon nombre de gestionnaires et de chefs d’entreprises. Dans le contexte actuel d’incertitude, il faut tout envisager, se préparer au pire, tout en espérant qu’il n’arrive pas, et éviter à tout prix d’avoir une position attentiste. Le pragmatisme doit être la règle.
Le décalage entre les rentrées d’argent brutalement stoppées et les dépenses qui ne s’arrêtent pas aussi vites a un impact immédiat sur les réserves de trésorerie des entreprises. Beaucoup de TPE / PME n'ont que quelques semaines de "coussin de trésorerie" devant elles, trésorerie qui va fondre comme neige au soleil si des actions fortes et immédiates ne sont pas prises.
Plus que jamais, la trésorerie et son pilotage au jour le jour sont cruciaux. La première chose à faire est de reprendre toutes ses simulations de trésorerie, désormais obsolètes, en adoptant plusieurs scénarios, plus ou moins optimistes. Les prévisions de trésorerie doivent ensuite être mises à jour chaque semaine pour prendre les bonnes décisions, au bon moment.
Trois scénarios peuvent ainsi être élaborés, en modifiant la temporalité de la crise et la rapidité de la reprise de l’activité.
Ces cas de figure peuvent être, par exemple :
- une crise sanitaire courte (un mois et demi), avec une diminution significative (voire totale) des encaissements limitée dans le temps, puis un redémarrage rapide de l’activité.
- une crise sanitaire longue (trois mois) avec une diminution significative (voire totale) des encaissements sur une durée longue, et un redémarrage rapide de l’activité ensuite.
- une crise sanitaire longue suivie d’une crise économique, impliquant une diminution significative (voire totale) des encaissements sur une durée longue et un redémarrage lent et progressif de l’activité.
Dans chaque scénario, il s’agit d’être radical dans la modélisation des revenus futurs : ce qui importe, ce n’est pas de tomber juste dans ses prévisions, mais de savoir ce qui peut tuer votre entreprise. Modéliser des baisses drastiques des ventes permet de préparer le pire et connaître l’impact en trésorerie de chaque cas de figure.
Une fois ces différents scénarios établis, il s’agit ensuite d’identifier les leviers à disposition dans chaque cas pour maximiser les chances de survie de l’activité. Chaque activité est différente, il est donc difficile d’être générique, mais ce travail est indispensable.
Ces leviers sont :
1 - réduire les charges non essentielles, aussi rapidement que possible : ce n’est pas parce qu’il vous reste 2 mois de vie en cash que vous devez attendre : personne ne sait combien de temps va durer la crise sanitaire puis économique. Vous pouvez notamment :
- Reporter le paiement de vos échéances fiscales et sociales “directes” (attention : vous ne pouvez toutefois pas geler le paiement des impôts indirects, comme la TVA ou le prélèvement à la source)
- Geler le paiement de votre loyer ou de vos factures d’électricité. Attention, ces mesures s’appliquent principalement au petites entreprises, qui rencontrent des difficultés réelles.
- Mettre en place le chômage partiel pour vos salariés. A ce titre, le ministre du travail a annoncé le 25/03 qu’une absence de réponse sous 48h valait acceptation de la demande. Attention, une fois de plus, la demande doit être justifiée. Des contrôles auront lieu a posteriori et vous devrez être en mesure de justifier votre demande de Chômage partiel
- Rééchelonner vos crédits en cours
- Diminuer vos charges flexibles et autres dépenses susceptibles d’être coupées aisément (publicités, abonnements divers, etc.)
2 - Rechercher des financements dès que possible, et ce, quel que soit votre niveau de trésorerie actuel, car les sommes ne pourraient être versées que dans plusieurs semaines, voire mois compte tenu du volume de demandes à traiter. Le gouvernement a mis en place dès le 24 mars un “Prêt Garanti par l’Etat”(PGE) , en coordination avec la Fédération bancaire française et Bpifrance. Concrètement, les entreprises pourront demander à leur banque habituelle un prêt représentant 25% du chiffre d’affaires 2019, à un taux préférentiel (0,25%), avec un différé de remboursement de un an.
3 - Prendre des mesure radicales, dans le cas où la crise se prolongerait, telles que geler les recrutements,fermer certains sites ou recentrer l’activité…
Aujourd’hui, aucune hypothèse ne doit paraître exotique. Le simple fait de les modéliser permettra ensuite de prendre les bonnes décisions si jamais la crise venait à s’aggraver. Les entreprises les plus "paranoïaques" et les plus agiles seront les mieux placées pour profiter du rebond de sortie de crise. Plus que jamais l’anticipation reste la clé de la pérennité.