À l’image des fonds de placement, la démocratisation des marchés financiers des années 80/90 - qui s’est faite sur bases comptables et non-financières - a vu la naissance de produits d’investissements collectifs.
Dès lors, s’ouvrait le monde de la comptabiliarisation financière boursière appelée à tort financiarisation. Désormais, le cours boursier de fermeture devenait - en dehors de toute réalité financière issue de l’offre/demande - la seule référence de valorisation comptable, financière et fiscale pour les produits d’investissements collectifs. Un des paroxysmes de cette situation se retrouve dans les commentaires quotidiens sur les indices. Commentaires qui oublient que plus de 90% des variations commentées sont issues de la règle comptable mark-to-market connue par tous (y compris les Autorités) pour son manque de pertinence financière. Ainsi, le film professionnel de la réalité financière boursière quotidienne s’est transformé en une fiction où la « comptabiliarisation » a pris le dessus sur toutes réalités.
Dès lors, le marché boursier de la comptabiliarisation, en créant ses propres cycles de flux/reflux de volumes d’échange, ouvrait la porte aux cycles à répétition de comportements grégaires permettant une certaine anticipation. La démocratisation « comptable » des marchés financiers a créé son propre cycle de krachs. Cycles qu’il est possible d’appréhender avec un certain succès puisque d’origine sociologique (mimétisme, loi des grands nombres…) et non financière. Cette même loi des grands nombres, après être passée par le stade sociologique, évolue en répercussions économiques, politiques et financières. Répercussions financières qui, démultipliées par l’intervention de l’effet de levier comptable mark-to-market, créent une logique de cycles répétitifs dont les deux extrêmes sont l’euphorie et la crise.
Le cycle complet contient quatre « strates » de cycles de 4 ans avec les cycles** : sociologiques (crise/relance), économiques (adaptation), politiques (croisière) et financiers (surchauffe), soit une durée de 16 ans. Bien que le cycle de 16 ans actuel ait connu une perturbation de 4 ans (2012/2016) due à des choix interventionnistes de politique allemande non adaptés (hormis pour la seule Allemagne), le comportement des marchés boursiers de ces deux dernières années - menant aux mêmes questionnements médiatiques sur leur « surchauffe » - validerait-il 2016 comme entrée en zone de crise de surchauffe et début des années 2020 en krach de la comptabiliarisation ? Wait and see !
*Comptabiliarisation : terme que j’ai inventé pour qualifier les excès directs et indirects de la comptabilité mark-to-market.
Historique de prévision de crise
Mars 1996 (huit mois avant Alan Greenspan), j’indique que les marchés entrent dans un « poker menteur ». Je conseille de prendre des fonds indiciels à capital garanti et à cliquet régulier.
Novembre 2002 et en mars 2003, à deux jours de la reprise, j’indique qu’il faut revenir sur les marchés sur les petites valeurs et en gestion directe ou avec des options. A cette époque la très grande majorité ne croyait pas à la reprise des marchés financiers eu égard au fort « refroidissement » occasionné par la bulle financière de 2000, la difficulté étant de discerner les cycles.
Janvier 2006, j’écris dans mon article sur la financiarisation : « Il reste aujourd’hui à nous protéger de la « financiarisation » excessive de l’économie qui, dans certains cas, consiste à reporter les risques financiers pris par les institutionnels (banque, compagnie d’assurance…) sur les particuliers. » « Ce jeu qui consiste à revendre les risques aux particuliers (sans qu’ils le sachent) est on ne peut plus dangereux » « L’économie financière qui a vu le retrait de beaucoup de sécurités mises en place après les krachs passés est en train de supplanter en bêtises l’économie politique basée sur l’inflation des biens et services. » « Tout comme il faut encadrer et surveiller le développement du nucléaire dans le monde, il faut encadrer et surveiller le développement du financier dans le monde. » A cette époque, vos services prônaient l’inverse.
Octobre 2006, je fais une mise garde contre les hedges funds et j’écris « Il n’y a bien que dans le monde financier que de tels paradigmes existent. Ce monde que les profanes croient technique et professionnel se révèle, dans bien des cas, un monde fait d’approximation, de comportements moutonniers, d’allégeance et le tout, sous l’encadrement et le contrôle d’entités étatiques ou « semi-étatiques ». Et pourtant, pour les côtoyer, je sais que ces entités sont indéniablement compétentes ! » Est-ce cet écrit qu’ils nous font payer ?
Octobre 2006, je pose la question de l’évaluation des SICAV et FCP. Evaluation qui va à l’encontre du principe de loyauté et d’information des épargnants, cela sans parler de la liquidité.
Janvier 2007 (CAC à 5638), « Je vous propose de prendre, au minimum, vos bénéfices. Pour les plus dynamiques (dont je suis), je vous propose d’alléger considérablement votre exposition action (en clair, vendre une grande partie de votre portefeuille boursier) et attendre la phase de crainte (ou de peur) à venir qui provoquera une forte baisse. »
Février 2007, je pose la question de la crédibilité des comparatifs de performances qui comparent des OPCVM qui ne sont pas évalués aux mêmes dates et qui oublient « la liquidité ».
Mars 2007 (CAC à 5458), « Est-ce le moment de revenir sur les marchés ? En ce qui me concerne, je pense que c’est trop tôt. N’oubliez pas qu’en bourse, c’est le savoir vendre qui vous évite le cercle infernal d’être riche quand tout va bien et pauvre quand tout va mal. »
Avril 2007 (CAC à 5858), « Les hausses de marché dues à des raisonnements moutonniers non réalisées par une vente ne sont qu’une image éphémère d’un mode de pensée court terme. C’est la situation actuelle. Prudence. »
Mai 2007 (CAC à 6012), « Le seul problème est que les risques induits par les comportements moutonniers des marchés financiers sont toujours réels, d’une date et d’une ampleur imprévisible. Lorsqu’un marché monte de quelques pourcents alors qu’il n’y a que quelques titres d’échangés, il baissera de plusieurs dizaines de pourcents lorsque le marché sera à la baisse. Même si la baisse ne se fait qu’en septembre, je vous conseille d’attendre et de laisser passer le mirage afin de réinvestir à des cours normaux. »
Septembre 2007, « Les marchés après avoir baissé du fait de la crainte qu’il n’y ait pas injection de capitaux par les banques centrales (ou par le biais d’une baisse des taux), se sont repris. Cette reprise est totalement décorrélée de la situation économique. »
Novembre 2007 : « Je continue, pour l’instant, de vous conseiller de rester absent des marchés. Savoir acheter, c’est bien ; Savoir être absent des marchés apporte sécurité et sérénité ; Savoir vendre, c’est mieux et surtout primordial ; Savoir faire les trois, c’est très rare. »
Octobre 2008 et décembre 2008, proposition de changement de système de cotation. Voir https://www.agencedecotationisr.com/agence-de-cotation-boursiere/accueil.php Mon inquiétude est reprise par Patrick Artus dans un écrit de 2010.
Juillet 2009, j’explique comment l’Etat peut trouver des ressources sans augmenter son endettement avec le Fonds de Stabilisation Boursier. Je n’ai pas la prétention de donner des solutions mais on ne peut pas me reprocher de remettre en cause l’établi de façon stérile.
Cet écrit a été initialement publié le 9 février 2018 dans l’Agefi Suisse.
Economie Matin publiait le 26 mai 2018 : « Fonds commun de placement action, simple chaîne de Ponzi ? ». Le 31 mai 2018, un premier exemple arrivait avec la chute vertigineuse du fonds H2O Multistratégies.