La fin d'année 2013 s'annonce meilleure qu'en 2012. Toutefois, les risques sur l'économie mondiale n'ont pas disparu. En effet, les interrogations demeurent sur la dynamique économique en Europe et dans les pays émergents, ainsi que sur l'évolution de la politique monétaire américaine. Enfin, au-delà des aspects purement économiques, les évolutions politiques ont également leur rôle à jouer.
Dynamique économique en Europe
La dynamique de la zone euro est meilleure qu'en début d'année. En effet, les chiffres européens de la croissance du PIB publiés à la mi-Août ont révélé des résultats globalement meilleurs que ceux escomptés. Au niveau de la zone euro, la croissance trimestrielle était de +0,3%. En France et en Allemagne ils étaient respectivement de +0,5% et de +0,7%. Même si les chiffres restent négatifs en Italie et en Espagne, ils sont beaucoup moins négatifs qu'attendus.
La fin de la dégradation de la situation demande à être confirmée et amplifiée. En effet, malgré ces résultats encourageants, il convient de s'interroger sur la nature de cette apparente reprise. La question est de savoir si elle constitue une rupture avec la dynamique précédente en marquant ainsi le retour d'une croissance durable et forte, ou alors si ce regain d'activité souligne uniquement un arrêt de la dégradation et qu'elle ne correspond en réalité qu'à une correction conjoncturelle.
L'élément fondamental qui permettra de confirmer la reprise est l'investissement des entreprises. En effet, il est nécessaire que les entreprises réinvestissent afin que l'activité économique prenne une allure de reprise prononcée et surtout durable. Toutefois, les entreprises font face à deux contraintes principales. La première est que la demande est relativement atone et que les capacités de production non utilisées sont encore élevées. Dans ce cadre, les entreprises ne sont pas incitées à investir. L'autre élément est d'ordre institutionnel et concerne plus particulièrement la France. En effet, l'environnement dans lequel les entreprises évoluent et doivent formuler leurs anticipations n'est pas rassurant. Il existe de fortes incertitudes quant à la pertinence de la réforme des retraites, du budget ou encore de la fiscalité. Au final, ces diverses incertitudes bloquent les décisions d'investissement.
L'investissement des entreprises ne semble pas redémarrer. En effet, depuis près de 18 mois, il y a une inflexion marquée du ratio d'investissement des entreprises non financières (hors banques) sur le PIB en France. Autrement dit, depuis maintenant un an et demi, alors que les entreprises commençaient à sortir d'une longue période de dégradation de leurs investissements, les entreprises recommencent à diminuer leurs investissements. Dès lors, même si la sortie de la récession économique semble acquise, il est encore trop tôt pour parler de reprise économique. Seul une inflexion à la hausse des investissements des entreprises pourraient accréditer l'idée selon laquelle une reprise structurelle est raisonnablement envisageable.
Fragilité des pays émergents
Des interrogations commencent à émerger concernant les pays émergents. En plus du ralentissement économique de ces derniersobservé depuis quelques trimestres, plusieurs monnaies de ces pays donnent des signes de fragilité. En effet, des monnaies telles que le Real brésilien ou encore la Roupie indienne ont perdu de leur valeur face au Dollar américain depuis le début de l'été. Alors que ces pays drainaient une grande partie des espoirs de la croissance mondiale au cours des dernières années, un certain nombre d'inquiétudes sont apparues.
Il y a trois raisons majeures à ces inquiétudes :
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Tout d'abord, la demande provenant d'Europe ou des Etats-Unis reste toujours relativement faible surtout par rapport à ce qu'elle était avant la crise globale. Ainsi, la demande extérieure est moindre et parallèlement la demande intérieure (consommation et investissement des ménages et des entreprises des pays émergents) n'est pas suffisamment robuste pour compenser cette situation extérieure.
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Ensuite, l'importance majeure de la Chine s'est étiolée. En effet, la Chine tenait un rôle majeur dans la dynamique des pays émergents depuis 2001 et son accession à l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce). Ainsi, la Chine créait des conditions extérieures favorables où la forte croissance du pays entraînait une hausse des prix des matières premières qui bénéficiaient aux pays émergents producteurs (Brésil, Afrique du Sud, Turquie...). Or, alors que la Chine connaissait une croissance économique annuelle moyenne supérieure à 10% durant les années 2000, son rythme de croissance se situe dorénavant vers 7%. Ainsi, la diminution de la demande émanant de Chine participe également à la fragilité des pays émergents.
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Enfin, depuis les propos du Président de la banque centrale américaine (La FED) avant l'été, il est devenu probable que la politique monétaire américaine ne sera plus aussi accommodante que par le passé. Dès lors, les flux de capitaux venus s'investir dans les pays émergents à la recherche de meilleurs rendements commencent à revenir aux Etats-Unis, dépréciant (perte de valeur) ainsi la monnaie de ces pays. Au final, le risque majeur auquel ces pays sont confrontés est le retour de l'inflation, notamment dans des pays comme le Brésil ou la Turquie qui ont déjà un passif avec ce phénomène. Dès lors, le dilemme de ces pays est d'augmenter les taux d'intérêt afin de stabiliser la monnaie mais en pénalisant alors l'activité économique, ou alors de conserver des taux d'intérêts bas (ou de les diminuer) pour favoriser l'activité mais alors en engendrant un risque sur la monnaie et de l'inflation supplémentaire.
Politique monétaire aux Etats-Unis
Le risque concerne la possibilité de mouvements de grande ampleur sur les taux longs (10 ans). Le risque concernant la structure des taux n'est pas lié à l'anticipation des investisseurs d'une reprise forte et soudaine de l'activité économique. En effet, alors que la croissance économique pour l'année 2013 aux Etats-Unis devrait être comprise entre 1,5% et 1,7%, les chiffres pour l'année 2014 devraient osciller entre 2% et 2,5%, autrement dit cela ne correspond pas à une accélération brutale. Le risque résulte de la crainte des marchés d'un resserrement (ralentissement des injections de liquidités) trop précoce et violent des assouplissements quantitatifs("Quantitative Easing" en anglais) avec un risque de krach obligataire (entre autres). Toutefois, les marchés ont déjà pour partie anticipés (internalisés) ces risques.
En revanche, l'autre point d'interrogation renvoie au changement de Président de la FED. La FED est la banque centrale américaine. Le changement à sa tête aura lieu le 31 janvier 2014, mais le nom a été révélé hier. Comme les pronostics l'annonçaient, le successeur de Ben BERNANKE, l'actuel président de cette institution, sera Janet YELLEN (actuelle vice-présidente de la FED et proche de l'actuel président). En effet, son principal rival, Larry SUMMERS (ancien secrétaire d'Etat sous l'administration Clinton) s'est retiré de la course, notamment pour des accusations de misogynie. Même si Yellen continuera probablement la politique de Bernanke, cela crée néanmoins des incertitudes que les marchés n'apprécient guère. Notons au passage que le pouvoir de cette personne de l'ombre pour le grand public est probablement aussi important que le Président des Etats-Unis, voire plus. En effet, les années précédentes ont prouvé que le Président de la FED a plus d'impact sur l'économie américaine (et mondiale) que le Président Obama. De plus, étant donné que le système politique américain est largement bloqué (comme le souligne actuellement le débat sur le "shutdown"), Janet Yellen est mécaniquement appelé à devenir le personnage le plus important des Etats-Unis au travers de l'important pouvoir qu'elle détient sur le sort de l'économie américaine et grâce à sa totale indépendance. Enfin, soulignons que rarement, et probablement même jamais, une personne n'est arrivée aux responsabilités dans un contexte économique aussi dégradé. Ainsi, la conjonction d'un environnement économique très compliqué et de l'arrivée à la tête de la FED d'une nouvelle personne avec autant de pouvoir induit mécaniquement des incertitudes quant à la capacité de Janet Yellen de faire face aux défis qui se présentent à elle.
Interrogations politiques et géopolitiques
Plusieurs risques géopolitiques et évolutions politiques risquent également d'avoir un impact sur la fin d'année. Parmi les risques géopolitiques majeurs de court terme, il convient de citer la Syrie et l'Iran. Malgré une probabilité faible d'explosion, la réalisation de ces risques aurait le cas échéant des répercussions très importantes, notamment sur le prix des matières premières énergétiques à très court terme. La dynamique économique mondiale serait très fortement et rapidement impactée par des événements dans cette zone. En ce qui concerne les risques politiques, il convient de citer l'instabilité potentielle en Italie et au Portugal qui pourraient se traduire par un nouvel épisode de tension sur les taux de la dette souveraine des pays de la zone euro. Même si les risques en Allemagne suite à aux élections fédérales de septembre 2013 ne change pas fondamentalement la donne du pays, ses implications sur la dynamique politique européenne en terme de grandes orientations est à suivre de près. Enfin, aux Etats-Unis, le risque d'un nouvel épisode de "fiscal cliff" ("Mur budgétaire") est très probable. Si les investisseurs ne semblent pour le moment pas trop se préoccuper de cette perspective du fait des expériences passées qui les poussent à croire à un compromis politique de dernière minute, cela commence à évoluer et le risque d'une paralysie gouvernemental et d'un éventuel défaut sur la dette existent.
Retrouvez d'autres décryptages économiques écrits par Sylvain Fontan sur son site : www.leconomiste.eu