Sortie de crise : et si le gouvernement décrétait une amnistie fiscale généralisée ?

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Par Jean-Yves Archer Publié le 14 novembre 2013 à 4h13

Pour les citoyens français, dans le vécu collectif, l'amnistie est une notion qui renvoie à l'acte d'effacer les contraventions suite à une élection présidentielle. Cela reviendrait à dire que l'amnistie, en matière fiscale, viserait donc à clôturer nombre de contentieux, à " passer l'éponge " sur des infractions au Code des impôts.

En fait, chacun s'aperçoit immédiatement que le terme d'amnistie fiscale est un faux-ami qu'il convient par conséquent de détailler avec davantage de minutie.

Tout d'abord, il y a l'éventuelle décision de fixer un seuil en-deçà duquel l'Administration abandonnerait ses droits à recouvrement. Saturée, cette Administration y gagnerait en temps et en efficacité pour s'attaquer à la fraude et aux virtuoses de l'évasion fiscale. Cette amnistie par le bas mériterait un chiffrage prévisionnel et comme dirait le Conseil d'Etat " un bilan coûts / avantages ". Cette mesure aurait probablement le double attrait d'être populaire et d'être porteuse d'efficience.

Il y a l'amnistie du type du troc d'apparence républicaine

Elle concerne le rapatriement d'avoirs situés à l'étranger, Suisse notamment, moyennant le paiement d'amendes et pénalités ( poursuites civiles ) adjoint à l'engagement de non-poursuite judiciaire de type pénal. Comme l'a déjà écrit Jean-Marc Sylvestre, sur ce site en date du 28 mai, ceci suppose un texte clair et de nature à susciter la confiance. Or les récentes promenades ( des aller-retour... ) du Gouvernement dans les couloirs de la rétroactivité ( fiscalité des PEL, PEA puis de la seule assurance-vie multi-supports ) ont nécessairement érodé à long terme la confiance du contribuable. Alors que plus de 60 à 80 milliards d'euros sont un objectif réaliste pour une vaste opération de rapatriement fiscal, chacun pressent que les fraudeurs vont préférer la poursuite de l'imagination ( Singapour...) plutôt que la discipline voire la belle notion de civisme. Pour prendre un terme familier aux juristes, cette politique erratique des Pouvoirs publics équivaut à une " perte de chance " et à diminuer la portée opérationnelle d'une opération de rapatriement.

Il y a un débat juridique à ne pas négliger

L'article 133-9 du Code pénal est ainsi libellé : " L'amnistie efface les condamnations prononcées. Elle entraîne, sans qu'elle puisse donner lieu à restitution, la remise de toutes les peines. Elle rétablit l'auteur ou le complice de l'infraction dans le bénéfice du sursis qui avait pu lui être accordé lors d'une condamnation antérieure. " Ce point est essentiel car, stricto sensu, l'amnistie concerne un contribuable condamné dont la condamnation vient à être effacée. Cela n'a rien à voir avec un arrangement de confessionnal où une sorte d'échange consiste à plafonner la peine civile en échange du retour matériel de l'argent dans l'Hexagone. En fait, l'amnistie s'apparente davantage à la notion bien connue en droit de " dispense de peine ". L'auteur des faits est condamné mais dispensé de peines du fait des circonstances que la Justice ( et non l'Administration ) apprécie souverainement.

De plus, la notion d'amnistie relève de l'idée d'un magot détenu par des Français moralement infréquentables et on voit mal la majorité parlementaire actuelle accepter ce type de mécanisme sauf à y glisser des sous-lignes piégeuses. En revanche, il serait fort intéressant de se préoccuper du retour du cash dans nombre de transactions et de l'essor de l'économie souterraine. Celle-ci ( Travail non déclaré, transactions illicites, etc ) représente selon un consensus de place près de 10% du PIB soit près de 200 milliards.

Or si la fiscalité ( TVA, IS, etc ) avait concerné ces 200 milliards, c'est une somme de près de 30 milliards, année après année, qui serait collectée contrairement à l'aspect " one shot " d'une opération rapatriement. Voir : Eric Vernier ( Techniques de blanchiment et moyens de lutte, Dunod, 2013 ).

L'amnistie suppose une confiance des partenaires qu'elle unit

Mais elle suppose aussi d'être rapprochée de l'économie underground qui est un manque à gagner finalement plus conséquent.

Une amnistie fiscale ne peut être dissociée du reste de la politique économique. A partir du moment où l'Exécutif a opté - à tort – pour un alourdissement fiscal en pleine crise, donc pour des mesures dites pro-cycliques, il est clair que la confiance de bien des contribuables s'est émoussée voire s'est évaporée. Ainsi à qui veut poser la question du rendement de l'amnistie, est nécessairement renvoyée la question difficile et confidentielle des montants légalement sortis de notre pays depuis le 6 Mai 2012. L'amnistie ne correspond pas à la philosophie d'une Présidence normale, les exilés fiscaux pas davantage : ils sont le fruit d'un " ras-le-bol " fiscal ( Pierre Moscovici ) qui nous coûte davantage que ce que l'éventuelle amnistie proclamée rapportera.

La France est inquiète pour l'avenir de ses enfants, de ses seniors et de ses travailleurs

Cette coagulation de peurs du déclassement social entraîne morosité et désormais colère. Si on explique aux citoyens que rouler à plus de 50 kilomètres heure au-dessus de la vitesse est un délit mais pas d'avoir mis à l'ombre des dizaines de millions d'euros, il n'est pas certain que l'humeur actuel de la Nation l'accepte.

Les épreuves que traverse le pays, aggravées ici ou là par des mesures contestables de politique économique, ne militent pas en faveur d'une politique " open-bar " d'amnistie fiscale. Loin s'en faut. Dès lors, il s'agirait davantage de s'attaquer au sujet de la maîtrise des dépenses publiques. Songez que le déficit du PLF 2014 voté incessamment est de 82,2 milliards d'euros soit 20 milliards de plus que les efforts fiscaux exceptionnels ( 60 mds pour les particuliers et les entreprises ) consentis en 2012 et 2013.....

Si l'amnistie a une drôle de tête, l'atmosphère générale nous laisse peu d'air

Elle n'en laisserait pas beaucoup non plus à l'appareil judiciaire si celui-ci devait absorber des milliers de contentieux ( de contribuables avisés et vivement conseillés ). Ainsi on comprend l'analyse à valeur de jugement de Ambrose Bierce ( journaliste américain, auteur du " Dictionnaire du Diable " ) qui écrivit en 1911, il y a un peu plus de cent ans, que l'amnistie est " la magnanimité d'un pays envers des coupables qu'il serait trop onéreux de sanctionner ".

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Jean-Yves Archer est énarque ( promotion Léonard de Vinci ), économiste et fondateur de Archer 58 Research : société de recherches économiques et sociales. Depuis octobre 2011, il est membre de l’Institut Français des Administrateurs (IFA).  

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