Un tabou français serait-il en train d'être brisé ? Après l'annonce du Premier ministre de réviser les seuils sociaux, on ne peut que l'espérer.
Si à « Génération entreprise – Entrepreneurs associés » (GEEA), le groupe que nous animons aux côtés de 130 parlementaires, nous saluons ce discours pragmatique, nous attendons désormais des actes concrets et rapides. « Il faut savoir ce que l'on veut ; quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire », disait d'ailleurs Georges Clémenceau, l'un des modèles politiques de Manuel Valls...
Car cela fait plusieurs décennies que cette question des seuils sociaux empoisonne la vie de nos entrepreneurs tant elle s'apparente à une véritable course d'obstacles où pas moins de 28 seuils d'effectifs sont recensés. Les plus critiques sont les passages à 10, 20 ou 50 salariés, qui déclenchent toute une série de contraintes administratives supplémentaires. Passer de 9 à 10 salariés entraîne par exemple une hausse des cotisations pour la formation professionnelle de 2250 euros par an et rend obligatoire l'élection de représentants du personnel. Quant au franchissement de la barre des 50 salariés, il a pour conséquence l'application de 35 nouvelles obligations pour une facture estimée à 4 % de la masse salariale...
C'est pourquoi ces seuils ont un effet dévastateur sur l'emploi. Ils constituent un frein au développement des entreprises, une véritable barrière psychologique, en étant perçus par nos entrepreneurs comme un facteur de complexification administrative. Ils renforcent surtout la peur d'embaucher et incitent même certains entrepreneurs à créer d'autres structures juridiques pour les contourner, ce qui multiplie les risques et les complications financières. Mais comment nos PME, dont les taux de marges sont historiquement faibles, peuvent-elles continuer à évoluer en pleine guerre mondiale économique avec un sac rempli de pierres et de tels boulets aux pieds ?
Relever les seuils sociaux, de 10 à 20 et de 50 à 100 salariés, n'est donc pas un choix, c'est une nécessité pour notre économie, nos entreprises et nos emplois. C'est ce que nous avions rappelé dans notre livre blanc, « Pour un Big-bang économique, fiscal et culturel », remis au Président de la République, il y a quelques mois. Entre 160.000 à 500.000 emplois pourraient ainsi être créés, selon l'économiste Christian Saint-Etienne. A l'heure où le chômage n'a jamais été aussi élevé dans notre pays, comment la France pourrait-elle se passer d'une telle réforme ?
Cette mesure permettrait également de favoriser la croissance de la taille de nos entreprises et de faire émerger des Entreprises de taille intermédiaires (ETI), le véritable maillon faible de notre économie !
Car le problème est moins la création d'entreprise, près de 550000 ont vu le jour l'année dernière, que leur pérennité et leur développement. Notre pays ne compte que 4.600 ETI entre 250 et 5000 salariés, contre 10.000 en Grande-Bretagne et 12.000 en Allemagne ! La France est-elle condamnée à avoir 2 fois plus d'entreprises de 49 que de 50 salariés ? Pourquoi une entreprise française emploie-elle en moyenne 20 salariés, 7 ans après sa création, contre 80 en Grande-Bretagne ? Construire un véritable « Mittelstand » français doit donc devenir un objectif économique aussi bien qu'une priorité politique.
Mais le gouvernement socialiste trouvera-t-il l'audace d'insuffler ce vent de liberté, de simplicité et de flexibilité indispensable pour relancer la croissance et inverser, enfin, la courbe du chômage ? On peut malheureusement en douter tant il sombre aujourd'hui dans un zigzag incessant qui insécurise nos chefs d'entreprise. Les exemples sont légion. La majorité prône plus de simplification ? Elle impose en même temps une « fiche pénibilité » dont le niveau de complexité est unique au monde ! Elle veut promouvoir l'apprentissage ? Elle vient de supprimer 550 millions d'aides pour promouvoir cette filière ! Monsieur le Premier ministre, ou est la cohérence, ou est le pragmatisme ? « Il n'y a pas de politique économique de gauche ou de droite, il y a celle qui marche et celle qui ne marche pas », disait Tony Blair. Le gouvernement de Manuel Valls ferait bien de s'en inspirer.