Crédit d’Impôt Compétitivité et Emploi (CICE) : Les PME pourraient être perdantes

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Par Julien Plessis Modifié le 11 janvier 2013 à 6h02

Après analyse approfondie de plusieurs cas concrets, il apparaît que le simulateur lancé par le Ministère de l’Economie lundi 7 janvier ne prend pas en compte toute la complexité de calcul du nouveau crédit d’impôt compétitivité et emploi. Sa mise en œuvre sera donc plus compliquée que Bercy ne le laisse penser, notamment pour les PME. A travers quelques simulations concrètes, on pointe la complexité qui se cache derrière l’apparente simplicité de ce simulateur de CICE.

Simulation de cas concrets : le simulateur de Bercy risque d’induire en erreur car il ne permet pas un calcul employé par employé

Pour une entreprise de 325 salariés du secteur de l’industrie : le juste CICE 2013 calculé en tenant compte de l’intégralité des subtilités applicables aux allègements bas salaires (réductions Fillon) : 226.264 €. Le CICE 2013 résultant d’une utilisation basique du simulateur sur les rémunérations inférieures à 2,5 SMIC (avec erreurs fréquemment rencontrées sur Fillon) : 294.926 €. On constate donc dans cet exemple une surestimation du CICE de près de 23 %. Le calcul trop simpliste du simulateur pourrait entraîner une sur-imputation de CICE, et ferait encourir à l’employeur un risque de validité de ses prévisions pour l’entreprise.

Pour une entreprise de 445 salariés du secteur du transport routier de marchandises : le juste CICE 2013 calculé en tenant compte de l’intégralité des subtilités applicables aux réductions Fillon : 463.131 €. Le CICE 2013 résultant d’une utilisation basique du simulateur sur les rémunérations inférieures à 2,5 SMIC (avec erreurs fréquemment rencontrées sur Fillon) : 441.968 €. On constate ici une sous-estimation du CICE de près de 5 % dans le calcul.

Le simulateur de Bercy n’apporte pas grand-chose, on est plutôt dans le gadget marketing que dans le calculateur avancé. La difficulté résidant plutôt dans la détermination, salarié par salarié, des rémunérations à retenir, un calculateur trop simpliste risque d’induire en erreur certains employeurs, et notamment les PME qui ne bénéficient pas d’équipes suffisamment étoffées ou des conseils avisés d’un expert

Face à la complexité du calcul, les PME seront perdantes

La méthode de calcul retenue pour le CICE est très proche de celle de l’allègement bas salaire Fillon. Le gouvernement souhaite ainsi rassurer les entreprises en appliquant un mécanisme supposé connu et bien maîtrisé. Mais les allègements Fillon ne sont pas un mécanisme simple, bien au contraire : ils ont donné lieu à des centaines de pages de circulaires administratives et de nombreuses interprétations, parfois contraires d’une URSSAF à une autre1, voire de jurisprudences, et il en sera évidemment de même pour le CICE. (cf. les nombreux contentieux liés à la prise en compte des temps de pause d’habillage/déshabillage, des indemnités de congés payés, la détermination des heures supplémentaires et complémentaires éligibles, etc....). Se pose de nouveau la question de la sécurité juridique des employeurs : les ministères concernés par les deux dispositifs allègements Fillon et CICE n’étant pas les mêmes, les circulaires administratives auront des appréciations différentes sur des questions identiques, tout comme les tribunaux qui auront à en juger.

Les questions des cas particuliers soulevées par le dispositif Fillon se poseront également pour le CICE : quid, par exemple, des sociétés adhérentes à des caisses de congés payés ou des sociétés d’intérim, qui bénéficient d’une majoration de 10 % pour l’allégement Fillon ?
Il est indispensable que le Bulletin Officiel des Impôts, actuellement en préparation à Bercy, règle le plus grand nombre des questions soulevées.

Le CICE donnera lieu à des calculs complexes : calculé sur la durée légale de travail majorée des heures complémentaires et supplémentaires (sans prise en compte des majorations), un prorata devra être appliqué en cas de temps partiel ou de présence incomplète sur l’année. Il faudra nécessairement réaliser un calcul individuel, salarié par salarié, à partir d’informations fournies par le service paie, issues de plusieurs dizaines, voire centaines, de rubriques de paie. Autrement dit, un service comptabilité ne sera pas nécessairement capable de réaliser le calcul du CICE seul. Une fois de plus, le dispositif risque surtout de ne bénéficier qu’aux entreprises de taille suffisamment importante pour bénéficier des ressources nécessaires à sa mise en œuvre.

Le CICE ayant vocation à être « réinvesti », il doit être calculé avec certitude pour éviter de se voir redresser ultérieurement des sommes déjà utilisées.

Pour rappel :

Redressements URSSAF 2011 : global 1.093 k€ (soit 2,5 % des cotisations contrôlées)

- 933 millions redressés
- 160 millions crédités

Les allègements bas salaires Fillon représentent 19,4 % des redressements en montant et 18,8 % en nombre, soit environ 200 m€ par an (sur environ 22 milliards d’euros d’allègements Fillon par an). Entre 2010 et 2011, les redressements relatifs aux allégements bas salaire Fillon ont augmenté de 46% !!! (soit +57 millions euros), en lien avec les réformes constantes du mécanismes (tous les ans ou 2 ans).

Des éléments d’incertitude qui ne permettent pas aux entreprises d’investir sereinement

L’inquiétude et le peu d’intérêt que les entreprises, et notamment les PME, manifestent est légitime au regard des incertitudes qui planent sur ce dispositif. En effet, si le texte posant les principes du calcul a bien été publié le 31 décembre 2012, les contreparties (gouvernance d’entreprise, exemplarité de la rémunération des dirigeants, civisme fiscal voire distribution de dividendes) ne seront, elles, pas connues avant le courant de l’année 2013. Les entreprises de moins de 250 salariés ayant demandé une avance sur ce Crédit d’Impôt risquent ainsi de se voir imposées des contreparties rétroactivement, incertitude très problématique au moment de réinvestir ces montants.

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Directeur du Pôle social de Lowendalmasaï.

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