Crédit à la consommation : n’attendons pas le « fichier positif » pour changer nos pratiques

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Par Charles Egly Modifié le 17 janvier 2013 à 6h09

Depuis 1989 et la loi Neiertz, la bataille contre le surendettement est ouverte. Pourtant, plus de 200 000 dossiers nouveaux sont encore instruits chaque année et 757 000 ménages étaient considérés comme « surendettés » en juin 2012. Le nombre d’incidents de remboursement de crédit ne cesse d’augmenter (+4,7% en 2011 avec 3,54 millions d’incidents). Depuis plus de 20 ans, les efforts de nos gouvernements n’ont donc pas porté les fruits espérés. Pourtant, le terme « crédit responsable » est si répandu dans les établissements bancaires et sur Internet que l’on se demande bien comment il est encore possible de se « surendetter » en France aujourd’hui ?

Salauds de pauvres

Le crédit à la consommation est souvent montré du doigt comme responsable de cette situation. Les ménages, parmi les plus pauvres, y feraient appel pour satisfaire un besoin, une envie, l’urgence de consommer qui leur est interdite par manque de revenus. Il est vrai qu’il est facile de succomber à la tentation d’un argent facile et d’oublier les mentions légales et pédagogiques : « Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager. » Salauds de pauvres aurait dit Coluche en parlant de ceux qui s’endettent sans pouvoir rembourser. Ce ne sont pas les emprunteurs qui sont le plus souvent à accabler mais bien au contraire les prêteurs.

En matière de crédit à la consommation, les pratiques bancaires les plus répandues sont simples : attirer le chaland par une communication massive vantant un crédit « responsable » et pratiquer des taux d’intérêts tellement élevés qu’ils compenseront les pertes dues aux impécunieux. Le crédit est ouvert à tous, sauf à ceux déjà identifiés comme « surendettés ». Dans ces conditions, pourquoi se préoccuper de la situation financière de l’emprunteur ? Chacun a en tête les reportages montrant la facilité avec laquelle tout un chacun peut obtenir un crédit de plusieurs milliers d’euros sans vérification sérieuse.

Faut-il interdire le crédit à la consommation ?

Alors, faut-il interdire le crédit à la consommation pour éviter ces dérives ? Le crédit est utile. S’il contribue au fonctionnement de l’économie, il est surtout indispensable à la réalisation de projets humains et familiaux. Comment prendre ce nouveau job sans voiture pour s’y rendre ? Comment accueillir un nouvel enfant ? Comment poursuivre ses études ? Les exemples ne manquent pas et le crédit à la consommation est le plus souvent un crédit d’investissement et non un moyen d’aller faire les soldes !

Pour éviter que le crédit à la consommation crée le surendettement, il faut en abaisser le coût et augmenter les contrôles. En effet, alors que les taux d’intérêt sont historiquement bas, les crédits sont aujourd’hui proposés à des taux extrêmement élevés (c’est principalement le cas des crédits revolving dont les taux sont de l’ordre de 20%) pour compenser l’absence de vérification sérieuse de la solvabilité de l’emprunteur et garantir la rentabilité globale du portefeuille du prêteur.

La clef du système repose sur l’accès aux informations. Le « Fichier Positif » qui existe pratiquement dans tous les pays développés et sera progressivement mis en place en France à partir de 2014 est une solution efficace. Les banques auront l’obligation de saisir dans ce fichier chaque nouveau prêt accordé à un particulier ou à un ménage. Il sera ainsi possible à tout instant de connaître le niveau d’endettement d’un ménage et d’éviter de prêter à ceux au bord du surendettement. Personnellement, je suis totalement engagé en faveur d’un tel dispositif grâce auquel une banque ne pourra plus prêter en reportant toute sa responsabilité sur l’emprunteur.

En améliorant le taux de paiement des crédits, le taux d’intérêt pourra mécaniquement baisser grâce à une concurrence plus ouverte. Il ne sera plus nécessaire d’augmenter les taux pour compenser les pertes.

Des solutions simples et efficaces en attendant le Fichier Positif

Mais il faudra encore de nombreux mois, voire plusieurs années avant que le Fichier Positif ne soit totalement opérationnel et procure aux banques une information réellement complète. En attendant, les solutions existent pour ceux qui veulent bien s’en saisir. Trois règles immédiates et de bon sens me semblent s’imposer. Premièrement n’accorder que des prêts amortissables à taux fixe et, par conséquent, exclure de facto toute commercialisation de crédit revolving, principal générateur de surendettement. Deuxièmement, n’accorder qu’un seul emprunt par ménage. Les crédits servent à réaliser des projets, il faut donc attendre le remboursement total pour considérer qu’un nouveau projet peut être lancé. Troisièmement, demander aux candidats emprunteurs de dévoiler leurs deux derniers relevés de banque. L’analyse détaillée de ces relevés montre à coup sûr les revenus exacts et les éventuels remboursements en cours. Il est ainsi assez facile de mesurer le niveau d’endettement et donc de prendre des décisions bien informées.

Ces moyens simples mais efficaces permettent dès aujourd’hui de proposer des taux d’intérêts relativement bas et surtout de limiter les risques de non remboursement et de surendettement.

Le crédit est nécessaire tant pour faire tourner l’économie que pour permettre aux ménages de réaliser leurs projets en toute sécurité. Le crédit ne doit pas être la porte vers le surendettement et la pauvreté. Le Fichier Positif est une solution efficace et performante que je salue. Mais en attendant sa mise en œuvre, certains établissements de crédits ont choisi délibérément de se comporter d’ores et déjà de façon vraiment responsable pour verser aux oubliettes des pratiques d’un autre temps.

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Président du directoire de Prêt d'Union

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