Restreignons … les restrictions !

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Par Jacques Bichot Publié le 12 janvier 2021 à 6h00
Covid Restrictions Sanitaires Ski Restaurants Bar
@shutter - © Economie Matin
20 MILLIARDS €Le programme d'investissement d'avenir prévoit une enveloppe de 20 milliards d'euros pour la période 2021-2025.

Les restrictions sanitaires sont prolongées jusqu'à fin janvier : ce gros titre, dans un journal du 8 janvier, résume à lui seul la mentalité archaïque qui préside à la prise de décision par les autorités de la France et de bien d'autres pays. Jadis, quand survenait une épidémie ou quelque autre malheur, nos ancêtres se demandaient quelle divinité ils avaient bien pu offenser, et ils cherchaient à calmer son courroux par des sacrifices, par des cérémonies pénitentielles.

La France adepte des flagellations collectives

Au moyen-âge, les confréries de pénitents pratiquaient des flagellations collectives pour écarter un fléau dont ils ne savaient pas se protéger : ils espéraient apaiser ainsi la colère divine, véritable origine de leurs malheurs. Cela ne faisait pas disparaître la peste ni la sécheresse, mais comme les épidémies finissent par régresser, et la pluie par arriver, il était possible de croire à l'efficacité de ces rites, à la vertu salvatrice des sacrifices et des privations volontaires. Les rois et les prêtres se devaient d'organiser les cérémonies pénitentielles en cas de malheur de grande ampleur.

Nous avons beau avoir compris que ce n'est pas le soleil qui tourne autour de la terre, et que c'est un virus qui provoque l'actuelle pandémie, nos structures mentales restent imprégnées de ces idées anciennes. Le réflexe naturel reste, particulièrement au sein de la classe dirigeante, la punition, l'expiation de nos fautes, les privations et les sacrifices.

Evidemment, cette pensée archaïque ne s'exprime pas comme au moyen-âge ou durant l'antiquité. Les dirigeants du XXI ème siècle ne se répandent pas de la cendre sur la tête ; ils ne prennent pas la tête de cortèges de flagellants. Mais ils demandent à la population de renoncer à diverses sortes de plaisirs, comme celui de se promener au clair de lune, d'aller prendre une consommation dans un bar avant de rentrer diner à la maison, ou de faire du ski de piste.

De telles interdictions peuvent certes avoir une petite utilité pour freiner la diffusion du coronavirus qui pourrait s'effectuer à l'occasion d'activités sportives, culturelles ou récréatives, mais en revanche elles engendrent une frustration qui, au bout d'un certain temps, aboutit à un défoulement : l'excès de sagesse conduit à compenser par des prises de risque déraisonnables. Mieux vaudrait limiter les risques de manière rationnelle, et non obsessionnelle, dans la vie professionnelle, familiale, culturelle, religieuse et récréative, et ne pas déclencher par des excès de réglementation les crises de défoulement qui créent des clusters hautement contagieux.

Vivement des règles sanitaires moins primitives !

Le ski, par exemple, peut fort bien s'accommoder de règles sanitaires moins primitives que l'arrêt pur et simple des remontées mécaniques et autres téléphériques. Certes, l'antique « tire-fesses » qui laissait une dizaine de mètres entre deux skieurs a régressé au profit des cabines où l'entassement est voisin de celui que l'on observe dans le métro. Mais il serait possible d'organiser une sorte de rationnement, assorti d'une hausse des tarifs suffisante pour que l'industrie du ski ne boive pas le bouillon. En gros, chacun skierait deux fois moins, tout en dépensant autant, mais dans des conditions de sécurité convenables, et sans mise en danger d'une activité économique tout-à-fait respectable.

Des dispositions d'inspiration analogues pourraient être prises dans de nombreux domaines : restauration, spectacles, musées, colloques et conférences, croisières, etc.. Ces dispositions éviteraient que la hausse des prix de ces activités liée à la diminution de leur fréquentation se traduise principalement par une exclusion des ménages modestes : ceux-ci pourraient bénéficier de remboursements par le Trésor public d'un pourcentage non négligeable de leurs billets d'entrée, voire de leurs notes de restaurant. Cela provoquerait un déficit budgétaire moindre que celui engendré par les mesures actuelles, et surtout éviterait la disparition de nombreuses entreprises qui, même avec des subventions, ne vont pas renaître facilement de leurs cendres une fois jugulé le covid-19.

Ce dernier point est capital : la reprise sera lente si le tissu de petites et moyennes entreprises est asphyxié. Cette lenteur coûtera très cher aux Français et à Bercy - qui leur appartient collectivement, ne l'oublions pas ! Actuellement, l'Elysée, Matignon et Bercy pédalent le nez dans le guidon, sans regarder dans quelle direction ils roulent. Ils ignorent le dicton de bon sens : « gouverner, c'est prévoir ». Certes, il n'est pas possible aujourd'hui de prévoir comme on le fait dans des circonstances plus classiques, à 1 % ou 2 % près. Mais chercher comment formater le futur n'en est que plus nécessaire.

Il nous faut une vision d'avenir

Nous avons actuellement un Parlement, un Gouvernement, et une Présidence qui, obligés de gérer au jour le jour, de faire face à l'imprévu, ont abandonné la vision de l'avenir. Ce n'est pas sain. Quand Charles de Gaulle a-t-il eu un projet d'avenir pour la France ? Il n'a pas attendu la Libération, il a muri ce projet durant son exil. Et même si les politiciens ne lui ont pas permis de le mettre lui-même en œuvre immédiatement après la victoire, ce projet a prospéré dans divers domaines, à commencer par la politique familiale et démographique, dont la vigueur incroyable au lendemain de la guerre a permis à notre pays de renouer avec la croissance forte.

Nous regarderons donc attentivement le « programme d'investissement d'avenir » que doit dévoiler le Premier ministre. Le peu que nous en connaissons au moment où j'écris ne me permet pas de me prononcer. J'ai simplement peur que « l'enveloppe » dont il est question, 20 milliards d'euros pour les cinq années 2021 à 2025, ne soit guère à la mesure du problème à résoudre. Surtout, je crains que les véritables réformes structurelles, comme celle que je propose dans Cure de jouvence pour la Sécu , ouvrage paru cet automne à l'Harmattan, ne soient pas à l'ordre du jour. Espérons quand même que les pouvoirs publics et le peuple français agiront à la libération du coronavirus comme ils ont agi en 1945 à la Libération de la peste nazie !

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Jacques Bichot est économiste, mathématicien de formation, professeur émérite à l'université Lyon 3. Il a surtout travaillé à renouveler la théorie monétaire et l'économie de la sécurité sociale, conçue comme un producteur de services. Il est l'auteur de "La mort de l'Etat providence ; vive les assurances sociales" avec Arnaud Robinet, de "Le Labyrinthe ; compliquer pour régner" aux Belles Lettres, de "La retraite en liberté" au Cherche Midi et de "Cure de jouvence pour la Sécu" aux éditions L'Harmattan.

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