La Coupe du Monde de la FIFA 2014 touche bientôt à sa fin mais la rentabilité de l’organisation d’un tel événement fait déjà débat. L’économie brésilienne est en proie à un ralentissement économique certain et l’organisation d’un des plus importants événements sportifs mondiaux se veut être salvatrice.
Sur le plan économique, la croissance annuelle a été de seulement 1% en 2012 et 2,3% en 2013 et les prévisions pour 2014 ne sont pas au beau fixe (1,8% selon le FMI). Cette reprise économique est entravée par une inflation élevée et persistante qui gravite autour de 6% depuis début 2013, ce qui a amené la Banque centrale du Brésil à entamer un cycle de resserrement de sa politique monétaire en montant significativement son taux directeur de 375 pb en l’espace d’un an. Ce resserrement monétaire a entraîné un surenchérissement du coût des investissements locaux, ce qui alourdit la charge financière des dépenses d’infrastructures dédiées à la Coupe du Monde de la FIFA.
Dès lors, nous pouvons raisonnablement nous demander si l’organisation de ce type d’événement est rentable et qu’en est-il du cas du Brésil ?
L’organisation d’un tel événement est-elle rentable ?
Les plus grandes nations de la planète se livrent à une vive concurrence afin d’organiser un événement sportif majeur tel que les Jeux Olympiques ou la Coupe du Monde de la FIFA. Récemment, les pays émergents sont devenus de plus en plus désireux quant à l’organisation de tels événements : la Chine a accueilli les Jeux Olympique en 2008, la Coupe du Monde de la FIFA 2010 s’est tenue en Afrique du Sud et le Brésil organise cette même Coupe du Monde de la FIFA en 2014. Tous les pays organisateurs, qu’ils soient développés ou émergents, voient dans la tenue de ces grands événements sportifs des avantages économiques non négligeables.
Cependant, la littérature académique portant sur le sujet est quasi-unanime : l’organisation de tels événements est extrêmement coûteuse et la rentabilité semble peu souvent au rendez-vous (Baade et Matheson, 2004b ; Allmers et Maennig, 2009). Une étude entreprise par Baade et Matheson (2004b) suggère que, dans la majorité des cas, l’organisation de grands événements sportifs est encore moins rentable dans les pays émergents que dans les pays développés : les pays émergents disposent de moins d’infrastructures et/ou d’infrastructures plus vétustes (stades, complexes hôteliers, aéroports, transports terrestres, etc.), ce qui leur impose de fournir un effort d’investissement plus significatif que les pays développés. Ainsi, afin de légitimer les nombreuses dépenses d’investissement, la rentabilité ex ante est très souvent largement surestimée (Szymanski, 2002).
Dans le cas des pays émergents, la faible capacité de transport aérien et la hausse du prix des hébergements favorisent l’apparition d’effets d’éviction (Preuss, 2011) : les dépenses publiques augmentent au dépend de l’investissement privé et la consommation privée diminue. Enfin, dans le cas de la Coupe du Monde le FIFA 2010 organisée par l’Afrique du Sud, certains stades sont des « éléphants blancs » : leur réalisation, souvent d’initiative publique, s’avère plus coûteuse que rentable en raison de charges financières excessives dans le cadre de leur entretien et de leur exploitation.
Même si la rentabilité économique ex post de l’organisation des plus grands événements sportifs est plus que remise en question, certains bénéfices liés à l’image du pays hôte, au bien-être de la population ou encore à la fréquentation des stades peuvent se manifester. Bien que ces bénéfices soient difficilement quantifiables et bien souvent sous-estimés dans les calculs de rentabilité ex ante (Maennig et Du Plessis, 2007), Allmers et Maennig (2009) ont tenté de montrer que les Coupes du Monde de la FIFA 1998 et 2006 organisées respectivement par la France et l’Allemagne ont profité à ces nations, notamment en termes d’image et de bien-être de la population. L’exemple le plus parlant étant celui des stades flambant neufs pouvant accueillir d’autres événements sportifs ou encore des événements extra-sportifs tels que des concerts. Drut et Szymanski (2014) montrent également que la fréquentation des stades des pays organisateurs de la Coupe du Monde de la FIFA augmente de 15 à 25% dans les cinq années qui suivent l’organisation de cet événement, engendrant notamment des recettes de billetterie et de droits de retransmissions télévisuelles non-négligeables. Dans le cas de l’Afrique du Sud, l’organisation de la Coupe du Monde de la FIFA 2010 devait rapporter 4,9 Milliards de rands (environ 350 millions €) mais c’est une perte de 20 Milliards de rands (environ 1,5 Milliards €) qui a été enregistrée. Qu’en est-il alors pour le Brésil à l’heure du coup d’envoi de la Coupe du Monde de la FIFA 2014 ?
Au pays du football, la Coupe du Monde n’a pas de prix...
Le 30 octobre 2007, le Brésil a été désigné pour accueillir la Coupe du Monde le FIFA 2014. Les prévisions de dépenses pour les enceintes sportives, les infrastructures extra-sportives et les transports s’élevaient à 3 Milliards €. A quelques jours du coup d’envoi du deuxième plus grand événement sportif au monde (après les Jeux Olympiques), la note est salée.
Selon des sources officielles locales, les dépenses sont estimées à près de 11 Milliards €, auxquelles sont ajoutés les frais publicitaires contractés par l’Etat fédéral et qui atteignent plus de 4 Milliards €. En sept ans, les dépenses liées à l’organisation de la Coupe du Monde de la FIFA ont été bel et bien quintuplées et s’élèvent à environ 15 Milliards €. Comment expliquer un tel écart ?
1 - Le premier poste de dépenses est celui des stades. Pour l’occasion, douze stades ont été construits ou rénovés. Les budgets alloués pour la construction de ces stades ont parfois triplés par rapport aux premières estimations. L’exemple le plus flagrant de cette démesure est le stade Mané-Garrincha construit dans la capitale Brasilia et qui a coûté près de 500 millions € alors qu’il était prévu qu’il ne revienne qu’à environ 100 millions €. Ce coût mirobolant place le Mané-Garrincha à la deuxième place des stades les plus chers du monde après le stade de Wembley au Royaume-Uni. Le retour sur investissement ne sera probablement jamais atteint, d’autant plus que la capitale brésilienne n’a aucune équipe de football en Série A (l’équivalent de la Ligue 1 du championnat de football français) et ne peut donc pas compter sur des recettes de billetterie très élevées.
2 - La venue des 600 000 touristes amateurs de football attendus dans tout le pays a nécessité la rénovation de deux aéroports dont le budget prévisionnel a été multiplié par plus de 1,5. Certains projets ont dû être abandonnés devant l’ampleur des travaux et des retards accumulés, notamment le raccordement des deux aéroports internationaux au réseau de transports en commun existant et la construction d’un réseau de tramway dans la ville de Manaus.
La Coupe du Monde de la FIFA 2014 devrait donc être la plus chère jamais organisée. Ce record est difficile à assumer lorsque nous savons que la majeure partie des dépenses provient directement des caisses de l’Etat. En effet, selon des sources officielles, plus de 90% des sommes investies proviennent des impôts et des prêts accordés par la Banque brésilienne de développement (BNDES).
Des attentes exigeantes sur les retombées économiques de l’événement !
Dans un contexte économique morose, le Brésil a déjà essuyé de nombreuses critiques, notamment internes, quant aux dépassements budgétaires excessifs liés à l’organisation de la Coupe du Monde la FIFA 2014. En effet, de nombreuses manifestations ont eu lieu pour protester contre l’augmentation du prix des transports en commun, mais aussi contre les dépenses somptuaires liées à l’organisation de cet événement sportif, à l’heure où, selon les manifestants, il est plus urgent d’investir dans les services publics.
Cependant, d’après le gouvernement, le pays devrait ainsi connaître un impact positif sur la croissance évalué à 0,4 point de pourcentage par an pendant 5 ans. Théoriquement, organiser un tel événement sportif induit des avantages directs et indirects. Parmi les avantages directs, nous pouvons citer la construction des infrastructures liées à l’événement, la réduction des coûts de transport grâce à l’amélioration du réseau existant (routes, voies ferrées, transports en commun, etc.) et qui, par voie de conséquence, peut favoriser les échanges commerciaux. Les dépenses des touristes qui viennent en masse assister à l’événement sportif sont aussi à mettre du côté des avantages directs. Les avantages indirects résident, quant à eux, davantage dans les conséquences liées à la campagne publicitaire qui améliore l’image du pays hôte et le présente comme une destination touristique. De plus, le sentiment de bien-être de la population locale peut se trouver renforcé, cette dernière se sentant valorisée par la tenue d’un événement aussi prestigieux que la Coupe du Monde le FIFA (cet argument est peut-être à nuancer dans le cas présent du Brésil). En outre, 600 000 emplois devraient être créés dont la moitié sous forme de contrats temporaires. Ces chiffres seraient probablement surestimés même s’il reste difficile d’anticiper les gains relatifs à l’organisation de cet événement très médiatisé.
Toutefois, la FIFA devrait sortir grande gagnante de l’événement avec des bénéfices évalués à plus de 3,3 Milliards € (plus de 2 Milliards € en droits de retransmissions télévisuelles et 1,3 Milliards € en droits à l’image). Du côté des entreprises privées, l’équipementier sportif Adidas prévoit près de 2 Milliards € de chiffre d’affaires pour ne citer que lui.
Conclusion
Nous ne pouvons pas véritablement savoir à l’avance si l’organisation de la Coupe du Monde la FIFA 2014 au Brésil sera rentable. Cependant, il semble réaliste de supposer que cet investissement ne devrait profiter que marginalement à l’économie brésilienne à court terme. La seule certitude est que la fête sera magistrale au pays du football.
Références:
- Allmers, S. and W. Maennig, 2009, “Economic Impacts of the FIFA Soccer World Cups in France 1998, Germany 2006, and Outlook for South Africa 2010,” Eastern Economic Journal, Vol. 35(4), pp. 500-519, October 2009.
- Baade, R. A. and V. Matheson, 2004a, “The Quest for the Cup: Assessing the Economic Impact of the World Cup,” Regional Studies, Taylor & Francis Journal, Vol. 38(4), pp. 343-354, May 2004.
- Baade, R. A. and V. Matheson, 2004b, “Mega-Sporting Events in Developing Nations: Playing the Way to Prosperity?,” South African Journal of Economics, Economic Society of South Africa, Vol. 72(5), pp. 1085-1096, December 2004.
- Drut, B. and S. Szymanski, 2014, “The private benefit of public funding: The FIFA World Cup, UEFA European Championship and attendance at host country league football,” April 2014.
- Maennig, W. and S. Du Plessis, 2007, “World Cup 2010: South African economic perspectives and policy challenges informed by the experience of Germany 2006,” Contemporary Economic Policy, Vol 25(4), pp. 578-590, October 2007.
- Preuss, H., 2011, “A method for calculating the crowding-out effect in sport mega event impact studies: The 2010 FIFA World Cup,” Development Southern Africa, Vol. 28(3), pp. 367-385, September 2011.
- Szymanski, S., 2002, “The Economic Impact of the World Cup,” World Economics Journal, Vol. 3(1), pp. 169-177, January 2002.