La notion de valeur a-t-elle encore… de la valeur ?

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Par Stéphane Geyres Modifié le 15 février 2013 à 5h57

En période où le marché boursier est haut comme lorsqu’il est bas, on trouve toujours des gens pour râler que les cours s’éloignent autant de la valeur réelle des entreprises cotées. Ou encore, lors du rachat ou de la revente d’une entreprise – on a vu des cas de cessions pour un euro symbolique – il est fréquent que certains trouvent à redire et contestent face à la valeur réelle supposée négligée.

La notion de valeur a mis très longtemps à être bien comprise. Daniel Bernouilli (1700–82), un des membres de l’illustre famille de mathématiciens, fut un des premiers à tenter de la modéliser avec sa célèbre formule de la valeur : v = ðu / ðx. En clair, la valeur v d’un objet x vient de son utilité u et celle-ci est d’autant plus faible que le propriétaire possède de nombreuses fois cet objet. En d’autres termes, pour un riche qui en a beaucoup, un euro aurait moins de valeur que pour un pauvre.

On voit bien l’idée initiale. Elle considère qu’un riche qui a déjà tout n’accorde pas la même valeur aux choses qu’un pauvre. Pourtant, la formule de Bernoulli trouve vite ses limites. Riche ou pauvre, un euro permet d’acheter une baguette, il n’y a pas de différence dans la baguette qu’elle soit achetée par le riche ou par le pauvre. D’où la tentation de lui attribuer une valeur réelle, ici un euro. Mais imaginons que vous prépariez une sortie pour une classe d’élèves et que pour ce faire, il vous faille assez de baguettes pour faire un sandwich à chacun, disons dix baguettes pour trente jambon-beurre. Hélas, votre boulanger habituel n’en a plus que neuf, que vous achetez à un euro. Mais pour la dixième ? Vous devez absolument faire les trois derniers sandwiches. Soudain, le prix monte. Car chance, il lui reste un gros pain de 700g – qu’à Toulouse on appelle une flûte, allez savoir pourquoi – mais il est à trois euros. Tant pis, vous le prenez. Car ce qui vous importe, c’est votre objectif final.

On voit sur cet exemple simple que la valeur n’a rien d’absolu. Le prix accordé au dernier pain est triple des autres, car c’est celui qui permet d’atteindre le but ultime. C’est la même idée que lors d’une course à pieds : les derniers mètres ont autant d’importance que l’ensemble de ceux qui ont été courus avant, et plus on va loin, plus il est moralement difficile d’abandonner. On dit que les prix se font à la marge, c’est-à-dire que les prix montent ou baissent en fonction de l’importance accordée aux derniers produits achetés et non à l’ensemble. Alors, cette valeur réelle ?

Dans son immense ouvrage « Homme, Economie et Etat », chapitre 1, section 5, Murray Rothbard décrit la « loi de l’utilité marginale », loi qui est désormais admise comme décrivant complètement et fidèlement le mécanisme de formation de la valeur. Il la formule ainsi : « les choses s’évaluent en tant que moyens en accord avec leur capacité à permettre d’atteindre nos fins estimées les plus ou moins urgentes ; chaque unité physique d’un moyen entrant dans l’action humaine est évaluée séparément. » Autrement dit, on accorde une valeur différente à chaque objet, et non à chaque type d’objet, et cela en fonction du rôle que chacun joue dans l’atteinte de nos objectifs personnels.

La valeur économique n’a donc rien d’absolu. Elle varie avec chacun de nous et elle varie même selon l’instant où elle est estimée. On a vu aussi que la valeur de dix pains n’est pas toujours dix fois la valeur d’un seul. Et en général, il n’est pas possible d’ajouter, soustraire ni de multiplier les valeurs des choses, car chaque chose a une valeur qui lui est propre, selon le regard de chacun de nous.

Aussi bizarre que cela puisse paraître, une entreprise pas plus qu’une baguette de pain n’a de valeur réelle ou absolue. On peut certes être choqué lorsqu’il arrive qu’une entreprise soit reprise pour une bouchée… de pain – comme le fait le héros présenté comme froid et insensible du film « Pretty Woman » par exemple. Mais c’est souvent parce qu’on pense à tout ce qui la compose, son capital, ses machines et son histoire bien sûr. Il est vrai que pour chacun de nous, bien des objets qui la constituent mériteraient plus que cette fameuse bouchée de pain. Pourtant, aucun de nous n’est prêt à reprendre l’ensemble et à s’engager à le rendre rentable. Et sa valeur chute aussitôt.

C’est exactement le pari que fait l’homme d’affaire dans le film. Il a l’intuition que s’il rachète cet ensemble dont personne ne veut et qu’il le réorganise intelligemment, la valeur de chaque morceau sera supérieure à la valeur de l’entreprise initiale, preuve que les valeurs ne s’ajoutent pas toujours.

A tous ceux qui comme bien des syndicats croient que de tels repreneurs sont des malandrins, alors que leur premier talent est d’avoir compris l’économie, il pourrait être utile pour prendre des décisions lucides de revenir sur la croyance voulant que la valeur réelle soit trop souvent sacrifiée.

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Simple citoyen viscéralement optimiste, consultant informatique, 25 ans d'expérience, bilingue, ayant vécu dans 5 pays sur 3 continents et connu l'aventure de la création d'entreprise - dans un pays ou c'est mal vu et très aléatoire. Libéral convaincu et même libertarien, venu au libéralisme après des années d'errance politique et une grande déception de la droite traditionnelle, de ses présidents de la 5eme république et de la "rupture" de 2007. Autodidacte et curieux, découvre l'école autrichienne d'économie et engloutit les opus magni de Mises, Rothbard et Hoppe en quelques mois, puis découvre le libéralisme en tant que doctrine et modèle social. La lecture de Salin, Ron Paul, Hazlitt, Ayn Rand et même Mandelbrot finit de me convaincre du bien fondé de l'analyse libérale. Commence alors le projet de contribuer à mieux faire connaître et comprendre le libéralisme, pour que nos enfants vivent dans un monde digne d'eux...

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