Mondialisation : On a tous besoin d’un plus faible que soi

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Par Stéphane Geyres Modifié le 29 janvier 2013 à 5h57

Dans notre pays qui met la lutte contre le chômage au-dessus de tout, ou du moins c’est ce qu’on veut nous faire croire, la peur de perte de compétitivité et la peur de la délocalisation reviennent régulièrement dans les débats pour contester l’ouverture des frontières et en général ce qu’il est convenu d’appeler la mondialisation. La légende voudrait ainsi que si demain, disons, la Chine maîtrisait l’art de produire des avions aussi fiables que les nôtres mais à moindre coût, notre industrie serait vite ruinée et notre pays par la même occasion – ou du moins, notre économie serait sérieusement dégradée. On généralisera aux industries de tous poils, luxe, automobile, transport, centrales atomiques… Pourtant, est-ce si sûr ?

Imaginons deux îles voisines, Gladys et Futura, échangeant les produits locaux, on prendra des noix de coco et des crabes – mais cela pourrait être du champagne contre du foie gras. Gladys et Futura produisent chacune noix et crabes, qu’elles s’échangent un crabe pour une noix, selon les variations de demande et de production et qu’elles vendent aux autres îles de la région. Mais voilà. Gladys est une île où il fait bon vivre, où la protection sociale a posé sa marque et la productivité y est incertaine. En six heures, on y produit en moyenne 12 noix et 15 crabes. Par contre, Futura est plus dynamique, le risque d’entreprendre y est plus rémunérateur, on y a donc investi et la production y est de 20 noix et 30 crabes toutes les six heures. Futura est plus productive que Gladys dans les deux domaines. Elle pourrait très bien se passer de Gladys pour ses affaires.

Très vite, les diplomates de Gladys se plaignent auprès de Futura de cette concurrence effrénée. Les économistes de Futura rappellent alors aux gladyssiens la « loi d’association de David Ricardo », connue depuis la fin du XVIIIe siècle et très bien expliquée au chapitre 8 de « l’Action Humaine » de Ludwig von Mises. Cette loi dit que « la collaboration de ceux qui sont le plus doués, le plus habiles, le plus industrieux, avec ceux qui le sont moins aboutit au bénéfice des uns et des autres. Les gains tirés de la division du travail sont toujours mutuels. » Autrement dit, on a toujours besoin d’un plus faible, d’un moins compétent que soi. C’est pour cela qu’on embauche des apprentis, des balayeurs, et même que les ‘super-ingénieurs’ embauchent des ‘moins-super-ingénieurs’. Pour que les meilleurs délèguent aux autres les tâches où ils (les meilleurs) sont relativement moins rentables. Mais voyons le sur notre exemple de cocos et de crabes.

Gladys et Futura produisent 32 noix et 45 (77) crabes par six heures. Futura excelle, mais surtout à la pêche aux crabes où elle est deux fois plus efficace que Gladys. Ainsi, si Futura se consacre à la seule pêche aux crabes, elle produira 60 crabes, alors que Gladys dans le même temps cueillera 24 noix. On voit donc qu’avec un total de 24 et 60 (84), ils feraient bien mieux que les 77 pièces précédentes. Cette propriété, cette loi économique qui fait que le meilleur a intérêt de confier au moins bon ce qu’il fait le moins bien constitue donc la loi d’association de Ricardo, connue depuis plus de deux siècles et pourtant oubliée de nos politiques. Mais que signifie-t-elle en matière de mondialisation ?

Une de nos craintes en cette époque, Mélenchon ou Montebourg pourraient l’exprimer, c’est par exemple que la délocalisation des usines Peugeot ou Renault en Chine nous privent d’emplois. Mais c’est pourtant une complète erreur d’analyse. En effet, si les Chinois sont plus productifs que nous à fabriquer des voitures, laissons les faire. Les voitures nous reviendrons moins cher et eux comme nous y gagneront de ce fait. Laissons-la Chine être notre Gladys de l’automobile.

Et focalisons-nous à être ou devenir la Futura du luxe, du vin, de l’art, de l’informatique, des assurances, du TGV, des avions commerciaux. Devenons les meilleurs dans nos domaines et personnes de délocalisera personne et tout le monde profitera des compétences de l’autre.

Cette stratégie existe dans de nombreux endroits du monde. A Paris avec le Luxe, en Italie de même, à Hong Kong avec les jouets, en Nouvelle-Zélande avec le lait en poudre et le mouton, en Belgique avec les pierres précieuses, en Corée avec les chantiers navals… Il y en a sûrement d’autres.

La loi de Ricardo nous explique que la meilleure façon pour que chaque pays prospère le plus, c’est qu’il ouvre ses frontières, commerce librement avec les autres et se spécialise dans ses domaines de meilleure compétence et prédilection. Mais bien sûr cela suppose la flexibilité du travail et la priorité mise sur le bonheur des peuples, et non sur celui des corporatismes.

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Simple citoyen viscéralement optimiste, consultant informatique, 25 ans d'expérience, bilingue, ayant vécu dans 5 pays sur 3 continents et connu l'aventure de la création d'entreprise - dans un pays ou c'est mal vu et très aléatoire. Libéral convaincu et même libertarien, venu au libéralisme après des années d'errance politique et une grande déception de la droite traditionnelle, de ses présidents de la 5eme république et de la "rupture" de 2007. Autodidacte et curieux, découvre l'école autrichienne d'économie et engloutit les opus magni de Mises, Rothbard et Hoppe en quelques mois, puis découvre le libéralisme en tant que doctrine et modèle social. La lecture de Salin, Ron Paul, Hazlitt, Ayn Rand et même Mandelbrot finit de me convaincre du bien fondé de l'analyse libérale. Commence alors le projet de contribuer à mieux faire connaître et comprendre le libéralisme, pour que nos enfants vivent dans un monde digne d'eux...

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