COVID 19 : qui paiera la facture ?

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Par Janin Audas Modifié le 20 avril 2020 à 7h00
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@shutter - © Economie Matin
43,2%La TVA représente 43,2% des recettes de l'Etat.

La crise du coronavirus va accroitre la dette de l’Etat qui, pour faire face aux dégâts économiques, s’est engagé à soutenir financièrement les ménages et les entreprises et ce pratiquement sans limite.

Avant la crise, la dette était égale à une année de PIB, soit 2.400 milliards ou huit années de recettes fiscales. On peut évaluer que la dette s’élèvera à 120 % du PIB après la crise, ce qui représente une dette supplémentaire de 200 / 250 milliards, d’autant plus que le PIB devrait baisser de 10 %. Le déficit pour 2020 serait alors de 10 % du PIB. Ainsi, les charges budgétaires de 2020 devraient être égales au double des recettes, entrainant un déficit de 100 % des recettes fiscales. Cependant la crise engendre des dépenses exceptionnelles et heureusement non récurrentes.

Une fois la crise passée, il faudra bien assumer cette dette et payer les intérêts de la dette. Fort heureusement les taux actuels sont faibles, mais ils risquent très certainement de remonter dans les années qui viennent. L’avenir s’annonce sombre pour les finances publiques et pour celles des Français.

Comment rembourser la dette ?

Certains préconisent d’augmenter les impôts, d’autres appellent à interdire la distribution de dividendes, enfin certains comptent sur la croissance pour dégager les surplus budgétaires. Il faudra très certainement combiner le rebond de croissance entrainant une augmentation automatique des recettes fiscales avec une augmentation exceptionnelle des prélèvements obligatoires.

Si le Gouvernement décide d’augmenter les impôts, il reste à définir quels impôts ? Ceux à la charge des entreprises ou ceux à la charge des particuliers, ou les deux ? Avec un taux de prélèvements obligatoires proche de 50 % de la richesse nationale créée, soit le plus fort des pays développés, la France ne pourra pas aller beaucoup au-delà du niveau actuel.

Les Recettes de l’Etat

Dans la loi de finances pour 2020, les recettes fiscales nettes devaient s’élever à 292 milliards en 2020 qui se répartissent en :

La loi de finances rectificatives du 23 mars 2020 prévoit une baisse des recettes fiscales nettes de 11 milliards et une augmentation des recettes non fiscales de 3,5 milliards.

La seconde loi de finances rectificative programmée en avril prévoit une augmentation importante des dépenses de l’Etat pour pallier les effets de la crise.

Ces dépenses exceptionnelles seront financées par emprunt qu’il faudra bien rembourser un jour. Nous pouvons donc nous attendre à un impôt « covid 19 » tout comme nous avions eu un « impôt sécheresse » en 1976. Quel(s) impôt(s) le Gouvernement choisira-t-il ?

1 - Des impôts payés par les particuliers

L’ISF : le premier impôt cité par certains économistes (plutôt de gauche) concerne un rétablissement de l’ISF « façon Hollande ». Soyons conscients que cela représenterait une augmentation des recettes fiscales très limitée, de l’ordre de 3 milliards, sauf à augmenter les limites ou les taux. Un doublement des taux rapporterait 5 milliards supplémentaires. En contrepartie, nous assisterions très certainement à une reprise de l’exil fiscal entrainant une baisse du rendement de cet impôt mais aussi de l’impôt sur le revenu et des impôts sur la consommation (TVA, taxes affectées…). En fait, le rétablissement de l’ISF relève plus de l’idéologie que de l’efficacité fiscale.

L’impôt sur le revenu : rappelons que cet impôt n’est payé que par la moitié des Français ce qui concentre la pression fiscale. On peut certainement s’attendre à une relative augmentation de cet impôt ce qui pourrait également faire fuir les plus hauts revenus, surtout si cette augmentation est pérenne et se cumule avec un rétablissement de l’ISF.

La TVA : la France, avec un taux normal de 20 %, n’est pas le pays qui taxe le plus en matière de TVA au niveau de l’Union européenne. Si la TVA permet un rendement fiscal important (43 %), elle touche l’ensemble de la population et pénalise proportionnellement les plus pauvres. Une augmentation de cette taxe reste toutefois une option possible pour le Gouvernement, mais le souvenir des gilets jaunes reste vivace et freinera très certainement la prise d’une telle décision.

La Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques : déjà très lourdement taxés, les carburants restent une des « vaches à lait fiscales ». Comme pour la TVA, Il semble toutefois difficile d’aller plus loin dans ce domaine sans risquer de rallumer la fronde fiscale des bonnets rouges et des gilets jaunes.

Les droits de donation et de succession : certains préconisent une augmentation de ces droits qui, en France, ne sont pas les plus élevés d’Europe. Cela serait très certainement mal perçu par les Français qui sont attachés à la transmission de leur patrimoine, produit d’une ou de plusieurs vies de travail.

La taxation des distributions de dividendes : voilà un impôt sympathique qui aurait la faveur de la majorité des Français ! Mais, si l’on veut attirer des capitaux pour financer les besoins des entreprises, on doit veiller à ne pas surtaxer les revenus mobiliers ; nous en avons eu une illustration sous la présidence de François Hollande. En outre, le Ministre de l’Economie et des Finances ayant recommandé de ne plus distribuer de dividendes, cela fera baisser automatiquement les recettes fiscales.

La taxe « covid 19 » : Outre quelques augmentations des taxes habituelles (cigarettes, alcool…), la création d’une taxe spéciale et ponctuelle du type « impôt sécheresse » semblerait être l’option la plus acceptable par la majorité des Français.

2 - Des impôts payés par les entreprises

L’impôt sur les sociétés : c’est souvent l’option qu’ont choisi, par le passé, de nombreux gouvernements. Il faut dire que les entreprises ne votent pas et que c’est dans la poche des (méchants !) actionnaires que l’on puise. Pour beaucoup de Français, on peut toujours taxer ces « rentiers qui vivent sur le dos des salariés ». Fort heureusement, le gouvernement actuel a inversé cette tendance, et à juste titre. Pourquoi ? Parce que taxer les entreprises revient, in fine, à augmenter les prix de vente des biens et des services payé par les consommateurs. C’est également favoriser les importations de produits moins taxés et augmenter le chômage.

Une contribution exceptionnelle sur les bénéfices : de telles contributions ont déjà existé par le passé et il existe actuellement une contribution sociale exceptionnelle payée par les plus grandes entreprises. Il est probable que celle-ci puisse être reconduite au nom de la solidarité nationale et il sera difficile pour les dirigeants de ces entreprises de s’y opposer au risque de passer pour « de méchants capitalistes néo-libéraux ».

Les impôts et taxes de production : souvent basés sur le chiffre d’affaires, ils devaient faire l’objet d’une réforme. Il est probable qu’elle sera reportée.

En conclusion, taxer les entreprises revient, in fine, à taxer les consommateurs dans la mesure où les entreprises peuvent augmenter leurs prix ; ce qui revient au même qu’une augmentation de la TVA ou des taxes spéciales à la consommation.

3 - Un emprunt obligatoire : le Gouvernement peut également recourir à un « emprunt obligatoire » à l’image de celui émis en 1983 par le gouvernement Mauroy. Cet emprunt était obligatoire pour les contribuables payant plus de 5.000 francs d’impôt sur le revenu et les redevables de l’ISF. Cet emprunt, d’une durée de 3 ans, était égal à 10 % de l’impôt dû au titre des revenus de 1981 et produisait des intérêts au taux actuariel de 11% l’an.

En conclusion, les dépenses publiques sont, in fine, toujours payées par les contribuables ou par les consommateurs d’aujourd’hui ou de demain. Il va être extrêmement difficile au Président et au Gouvernement de faire des choix en 2021 au risque de perdre les présidentielles de 2022.

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Commissaire aux comptes, conseil en management d'entrepriseExpert-comptable honoraireVice-président du Mouvement ETHICPrésident fondateur du cabinet 01 AUDIT ASSISTANCE

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