Internet bientôt repris en main par les Etats ?

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Par Eric Verhaeghe Modifié le 7 décembre 2012 à 5h41

Dans une relative discrétion, l’Union Internationale des Télécommunications (UIT) organise jusqu’au 14 décembre un round de négociations essentielles pour l’avenir de l’Internet, qui pourrait bien déboucher sur sa reprise en mains par les Etats.

L’UIT est une organisation spécialisée de l’ONU relativement mal connue. Jouissant du même statut que l’OIT (organisation internationale du travail), l’OMS (organisation mondiale de la santé) ou le FMI (fonds monétaire international), pour ne citer que les plus connus, l’UIT a une compétence générale pour les télécommunications dans le monde. En particulier, elle a la faculté d’émettre des recommandations aux Etats pour que ceux-ci adaptent leurs législations ou réglementations nationales dans le domaine des télécommunications.

En fait, l’UIT est l’une des plus anciennes institutions internationales. Fondée en 1865 pour coordonner le réseau mondial de télégraphes, elle n’a cessé de se métamorphoser depuis lors, au gré des changements technologiques. Elle est l’espace naturel où se discutent les politiques nationales en matière d’Internet. Sa légitimité est forte, puisqu’elle compte 193 Etats-membres...

La Conférence mondiale qu’elle organise entre le 4 et le 14 décembre à Dubaï est essentielle pour l’avenir d’Internet. Elle vise en effet à préparer une révision du traité de Melbourne de 1988, qui avait organisé la mise en place d’Internet au niveau mondial. Pour beaucoup d’Etats, cette révision est rendue nécessaire par le caractère essentiellement privé de la gestion internationale d’Internet aujourd’hui. Dépourvu de principes de non-discriminations, le trafic sur le réseau mondial est aujourd’hui totalement libéralisé et fondé sur le principe d’égalité des chances dans l’innovation.

L’un des objectifs de la conférence pourrait consister à redonner une gouvernance multilatérale à ce réseau très largement géré depuis des structures installées aux Etats-Unis. Pour parvenir à cette «ouverture», il serait notamment question d’introduire des principes de discrimination dans les trafics, en considérant que certains contenus doivent être prioritaires (enjeu de l’article 5 du traité intitulé: Sécurité de la vie humaine et priorité des télécommunications). La reconnaissance d’un tel principe, en apparence généreux, autoriserait les Etats à contrôler le contenu du réseau, et à le prioriser, voir à en organiser la censure.

On mesure par ce seul exemple les enjeux politiques colossaux cachés derrière cette négociation en apparence anodine. La neutralité d’Internet, que le projet de traité ACTA avait menacé au printemps 2012, est à nouveau sur la sellette. Le résultat des négociations, dont les associations dénoncent le caractère opaque, est à suivre de près. Il devrait déterminer l’intensité démocratique d’Internet dans les années à venir.

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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