Contre la future crise bancaire, la ligne Maginot de l’Europe

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Par Jean-Paul Betbèze Modifié le 3 juillet 2013 à 9h11

Crise bancaire : comment perdre la guerre future en empêchant à tout prix... celle qui vient de se produire ? C'est ce sur quoi travaillent ardemment nos grands argentiers. Ils ont tout prévu pour faire face à la crise précédente.. et créent ainsi la future. Maginot est un exemple à suivre.

Des banques mieux capitalisées

D'abord, pour être bien sûr que les banques européennes ne seront plus jamais responsables des fautes commises... par les marchés américains, il faut qu'elles soient mieux capitalisées qu'avant ! Contre la crise bancaire, elles auront ainsi deux ou trois plus de fonds propres qu'avant, ce qui ne dit rien de très bon sur leur rentabilité future. On la trouvait trop forte à 15 % des fonds propres, nous voilà désormais rassurés. En même temps, pour être tout aussi sûrs que les banques resteront liquides en cas de crises nouvelles sur les marchés, on leur demande de garder plus d'actifs publics. Plus de fonds propres au passif et plus de liquidités à l'actif : leur marge de manœuvre est réduite, leur marge tout court est diminuée. Ne soyons pas trop mobiles, ni trop solides... face à une crise bancaire qui viendrait.

Ensuite ces banques seront mieux suivies, c'est-à-dire... de plus loin, par la banque centrale européenne. Ceci évitera que le surveillant ne connaisse trop bien les caractéristiques du pays, des entreprises, du système national – et ne comprenne ce qu'elles font. Dorénavant les règles seront générales, les ratios globaux. Le régulateur de courra plus le risque d'être « capturé » (séduit... ou bien convaincu) par le régulé, comme disent les économistes. La Banque centrale européenne surveillera les grandes banques de la zone. Elle aura la haute main sur les surveillants des plus petites banques nationales.Elle pourra leur demander des enquêtes spécifiques. Les banques seront tenues à l'œil depuis Londres et Francfort...

Enfin, après toutes les crises qui ont émaillé la zone euro, il a été décidé d'ajouter, en les hiérarchisant, toutes les protections possibles pour limiter le paiement des faillites bancaires par la communauté des tax payeurs. Pour cela, les actionnaires seront évidemment les premiers mis à contribution. Ils perdront tout. Viendront ensuite les prêteurs qui avaient accepté de ne pas être protégés (dette junior), contre un plus fort rendement... Ils seront toisés – comme en Grèce. Suivent les « prêteurs protégés » (dette senior) : ils devront, eux aussi, cotiser – comme en Espagne. Arrivent enfin les déposants qui ont plus de 100 000 euros de dépôts : à eux de contribuer aussi, sur leurs dépôts, pour une part de ce qui reste à payer – comme à Chypre. L'ordre de prélèvement est donc clair : tout le monde paye, actionnaires, prêteurs et »gros » déposants. C'est à ce moment que la communauté sera appelée à régler le solde, si nécessaire. Mais cette communauté ne sera plus cette fois la communauté nationale, mais la communauté européenne. Ceci explique que toutes les banques, avant d'entrer dans ce nouveau système, devront être analysées. C'est en cours.

Bien sûr on peut se dire que tout ceci sera plus sûr, mais à quel prix et avec quelle efficacité. Tous ces corsets permettent, peut-être, de mieux comprendre pourquoi les banques commerciales hésitent tant à faire des crédits aux PME d'Espagne ou d'Italie. Et ceci malgré les encouragements de Monsieur Draghi. On peut peut-être mieux comprendre aussi pourquoi la baisse des taux décidée par la BCE atterrit en baisse des conditions pour les bonnes entreprises allemandes ou françaises et vient plutôt conforter les marges au sud. Tout simplement parce que les actionnaires des banques s'inquiètent, comme les prêteurs, comme bientôt les « gros » déposants.

Et pendant ce temps ...

Pendant ce temps, les entreprises européennes s'endettent sur le marché obligataire européen et mondial, et sur des durées plus longues qu'avant la crise. Les banques montent les opérations, mais le risque est pris par les compagnies d'assurances, qui cherchent de meilleures rentabilités pour des placements à sept ans que les taux des emprunts d'Etat. Pendant ce temps aussi, ces entreprises qui s'endettent sont courtisées par les gestionnaires d'actifs. Ils utilisent alors les dépôts des entreprises qui cherchent un meilleur rendement et des ménages, qui cherchent, eux-aussi, un meilleur rendement et qui s'inquiètent... s'il ont plus de 100 000 euros en compte dans les banques. Le détournement de la ligne Maginot que préparent nos argentiers de l'Eurogroupe, avec le soutien logistique de le la Banque des règlements internationaux sise à Bâle, est donc en train de fonctionner.

Pendant ce même temps aussi, les banques américaines avancent, puis les banques japonaises – si liquides, et les banques chinoises commencent à se lancer, toujours avec l'idée de monter des opérations qui seront... titrisées par la suite. Le mot est connu. On a vu ses effets. Les banques de la vieille Europe iront alors chercher du résultat ailleurs et deviendront, ici, des banques de dépôts. Elles y seront critiquées pour les frais qu'elles prennent (pas le choix) et les risques qu'elles ne peuvent plus prendre (pas le choix).

Cette fois, au lieu de passer par la Belgique, on passera par le shadow banking mondial.

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Jean-Paul Betbèze est PDG de Betbèze Conseil, membre de la Commission Economique de la Nation et du Bureau du Conseil national de l'information statistique (France), du Cercle des économistes et Président du Comité scientifique de la Fondation Robert Schumann. Professeur d'Université (Agrégé des Facultés, Professeur à Paris Panthéon-Assas), il a été auparavant chef économiste de banque (Chef économiste du Crédit Lyonnais puis Chef économiste & Directeur des Etudes Economiques, Membre du Comité Exécutif de Crédit Agricole SA) et membre pendant six ans du Conseil d'Analyse économique auprès du Premier ministre. Il est l'auteur des ouvrages suivants:· "Si ça nous arrivait demain..." aux éditions Plon, Collection Tribune Libre· "2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France" aux Editions PUF, 2012.. "Quelles réformes pour sauver l'Etat ?" avec Benoît Coeuré aux Editions PUF, 2011.. "Les 100 mots de l'Europe" avec Jean-Dominique Giuliani aux Editions PUF, 2O11. "Les 100 mots de la Chine" avec André Chieng aux Editions PUF, 2010. Son site : www.betbezeconseil.com

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