Le Big data, carburant de demain pour les constructeurs automobiles

Cropped Favicon Economi Matin.jpg
Par Stéphane Darracq Modifié le 29 novembre 2022 à 10h12

Les constructeurs automobiles ont à portée de main un trésor qu’ils n’exploitent pas ou très peu jusqu’à présent : les « data » ou données qu’ils collectent sur leurs clients et sur les acheteurs potentiels qui cliquent sur leurs bannières publicitaires, fréquentent leurs pages Facebook, tapent des requêtes dans Google mais aussi les données qui, bientôt, remonteront de ce nouvel objet connecté qu’est la voiture intelligente de demain.

Pour ces grands annonceurs, l’opportunité de consolider et d’utiliser ces données constitue un virage stratégique exceptionnel, source d’une meilleure relation client, de l’achat au service après-vente mais aussi de nouveaux modèles d’affaires créateur de valeur. Les constructeurs automobiles qui sauront, demain, utiliser cette masse de données éparses pourront mieux cibler leurs publicités, améliorer la performance de leurs campagnes de communication et construire une nouvelle relation personnalisée avec leurs clients en leur proposant la bonne offre, au bon moment. Mais ce n’est qu’une toute première étape : avec l’arrivée imminente des voitures connectées, les constructeurs qui auront acquis la capacité à collecter et traiter intelligemment la data seront à même de valoriser ce capital sous forme de services à valeur ajoutée, instaurant une relation continue avec l’automobiliste et de nouvelles sources de revenu.

La clé d’une personnalisation de la communication en temps réel

Peu d’automobilistes achètent leur voiture en ligne aujourd’hui, mais tous les constructeurs ont bien compris que c’est sur Internet que commencent tous les parcours d’achat. Dans ce contexte, le constructeur capable d’afficher une publicité ou une offre promotionnelle vraiment personnalisée sur les pages des sites visités par un acheteur potentiel prend l’avantage sur ses concurrents. Dépassant les méthodes d’achat d’espace ou de segmentation classiques, les nouvelles plateformes technologiques de data marketing s’appuient sur les historiques de navigation et de recherches de l’internaute pour générer en temps réel des publicités correspondant à son profil. Par exemple, au lieu d’afficher une bannière standard présentant un modèle de voiture générique, le modèle sera de la couleur préférée de l’internaute, les options mises en avant seront celles choisies sur un outil de simulation ou bien par des clients dont le profil se rapproche le plus du sien. S’il navigue sur un smartphone, il est d’ores et déjà possible, à partir des données de géolocalisation, d’indiquer à ce prospect client qu’il est à 300 mètres d’un concessionnaire, prêt à lui faire découvrir le modèle en question et à le conseiller.

Précision utile en ces temps d’inquiétude sur l’utilisation des données personnelles : à aucun moment le constructeur n’a besoin de faire remplir à l’internaute un formulaire lui demandant son âge, son sexe, son niveau de revenu, etc. Ces informations peuvent désormais être « déduites » automatiquement par des algorithmes qui croisent les données clients existantes avec les données individuelles de navigation et des bases de données externes. Ce savoir-faire naissant en data marketing combine l’utilisation de plateformes logicielles d’agrégation de données dites « Data Management Platform » ou DMP avec des outils décisionnels intelligents se basant sur des algorithmes mathématiques et des outils de création graphique en temps réel.

Deuxième précision utile : tous les résultats des campagnes sont intégrés au fil de l’eau dans la base de données du constructeur, ce qui contribue à affiner les profils et donc le ciblage et la personnalisation des actions suivantes. Cette logique d’amélioration et d’enrichissement continus des données se traduit, d’une part, par un gain d’efficacité marketing et, d’autre part, par une connaissance plus fine des attentes des consommateurs qui pourront demain prédire les attentes des acheteurs d’automobile et guider les équipes de conception des véhicules et les concessionnaires dans leurs choix de modèles et d’options.

Demain, de nouveaux modèles d’affaires autour de la voiture connectée ?

Une des enjeux majeurs des constructeurs automobiles est qu’ils perdent de facto le contact direct et personnalisé avec leurs clients après l’achat et jusqu’à l’intention d’achat suivante. La voiture connectée va complètement changer la donne en transformant chaque véhicule en canal relationnel permanent entre son propriétaire et le constructeur. La relation ne passera plus par les canaux traditionnels, ni par l’ordinateur familial, ni même par le smartphone de l’automobiliste mais par l’ordinateur de bord, relié au web et autorisant de ce fait ce qui n’existe pas aujourd’hui : une communication bidirectionnelle et interactive.

Cette évolution, certes en partie conditionnée par l’existence d’un réseau 4G continu, est inéluctable. Elle est imminente sur le marché américain et tous les grands constructeurs y travaillent en plaçant les data au centre de leur organisation. Il ne fait donc pas de doute que la voiture de demain sera non seulement connectée et mais aussi riche de nombreux capteurs embarqués qui produiront eux aussi des données d’autant plus intéressantes qu’elles seront géolocalisées. Les premières applications concernent les modèles haut de gamme et sont centrées sur la sécurité, la vigilance et la maintenance préventive du véhicule. Mais la démocratisation de la mobilité connectée sera rapide et s’ouvre avec sa généralisation un marché très prometteur : celui des contenus et des services personnalisés à bord du véhicule résultant du croisement de données propres aux conducteurs (données sociales Facebook, données de navigation sur Internet, etc.), de données externes (météo, encombrement routier, etc.) et de données générées par le véhicule (géo-localisation, vitesse, etc.).

Sur ce nouveau terrain de jeu, les constructeurs automobiles ne sont pas forcément les seuls acteurs légitimes: les fabricants de téléphones mobiles et les opérateurs télécoms sont évidemment sur les rangs. Les premiers cherchent logiquement à imposer le smartphone en lieu et place de l’ordinateur de bord ; les seconds « tiennent » les réseaux... Face à eux, les constructeurs ont un atout considérable : ils sont potentiellement « maîtres » des masses de données temps réel et géolocalisées que produiront les voitures et leurs utilisateurs – celles qui leur permettront, ainsi qu’à tout un écosystème d’acteurs, de contextualiser et personnaliser leurs offres de services et de contenu. De la capacité des constructeurs à agréger les données et les rendre intelligentes dépendra l’émergence de nouveaux services ou partenariat industriels à forte valeur ajoutée. Concrètement, les données de circulation permettront demain aux automobilistes de faires des économies d’énergie ou de gagner du temps en évitant les zones d’encombrement ou les accidents qui leur seront signalés en amont de leurs choix d’itinéraires. Pour les compagnies d’assurance, l’utilisation des données de conduite – vitesse, freinage, accélération, durée, horaire et lieu de circulation du véhicule – permettront sans doute de proposer des tarifs d’assurance sur mesure mais aussi d’anticiper les pannes, de personnaliser l’entretien du véhicule ou de proposer des guides de voyage avec autant de nouvelles pistes de partage de revenus à la clé pour les constructeurs automobiles.

Beaucoup de choses se jouent actuellement autour de ce marché évalué à 39 milliards de dollars dans le monde en 2018* et dont seul la partie émergée de l’iceberg est aujourd’hui visible. L’existence des réseaux de transport des données et de standards techniques communs est fondamentale pour le développement de ce marché. Les principaux constructeurs automobiles, opérateurs télécoms et fabricants de smartphones se sont rapprochés pour avancer dans ces domaines. La question qui se pose dès maintenant aux constructeurs est la suivante : seront-ils simples fournisseurs de données brutes que d’autres sauront valoriser ? Ou sauront-ils – par leur capacité à collecter, traiter, enrichir en permanence les données – faire de la data un moteur de création de valeur durable, pour eux et pour leur clients ? De la réponse à cette question simple, dépendra le partage de valeur de ce nouveau Capital Data en création pour le secteur automobile.

Une réaction ? Laissez un commentaire

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre Newsletter gratuite pour des articles captivants, du contenu exclusif et les dernières actualités.

Cropped Favicon Economi Matin.jpg

  Passionné par les nouvelles technologies digitales, Stéphane Darracq combine un double parcours d’entrepreneur et d’investisseur fortement tourné vers l’international. Passé par des fonctions financières – fusions et acquisitions, privatisations, gestion de fonds d’investissement – au sein d’organisations résolument anglo-saxonnes, il s’associe en 2000 avec un groupe d’entrepreneurs britanniques pour la reprise de la société Opta Ltd dans le cadre d’un MBO (Management Buy Out). Forte de ses succès, la société Opta est cédée au groupe Américain SAIC en 2003. Stéphane Darracq y est nommé vice-président en charge des acquisitions en Europe. En 2005, Stéphane Darracq participe comme associé à la reprise de la société NetBooster à Paris et en pilote l’introduction en bourse comme directeur financier, puis directeur général délégué jusqu’en septembre 2008. Fin 2008, Stéphane Darracq fonde LeadMedia group avec le concours financier de Truffle Capital et s’engage aux côtés des fondateurs de R-Advertising dans la reprise de la société Reactivpub. La première étape du développement de LeadMedia Group est ainsi franchie.  

Aucun commentaire à «Le Big data, carburant de demain pour les constructeurs automobiles»

Laisser un commentaire

* Champs requis