Le rapport annuel du Conseil d’Orientation des Retraites (COR) a pris des allures d’audit complémentaire à celui de la Cour des Comptes. Loin du triomphalisme affiché en son temps par Marisol Touraine (qui s’était vantée d’avoir terrassé les déficits sociaux), les prévisions montrent que les dix prochaines années seront très difficiles, même en cas de reprise économique.
Dans ce genre d’exercice (celui des prévisions à long terme sur les comptes sociaux), il existe un incontournable: la projection d’une série de scénarios où la croissance, le taux de chômage, la productivité, évoluent de façon différente. Personne n’est jamais véritablement convaincu par les hypothèses ou les combinaisons d’hypothèses retenues. Dans le cas du COR, celles-ci varient d’une croissance à 1% en moyenne pour pousser jusqu’à 1,8%.
L’intérêt des simulations est de montrer que, jusqu’en 2040, dans tous les cas, le régime par répartition, à réglementation inchangée, accusera un déficit important. En dehors de l’hypothèse à 1,8%, le besoin de financement sera d’au moins 10 milliards par an pour les vingt prochaines années. Si la croissance se maintien à 1%, il dépassera les 20 milliards à l’horizon 2025.
Les causes de ce phénomène sont bien connues: la durée de vie à la retraite augmente plus vite que les recettes naturelles du régime.
Une catastrophe pour les retraites à court terme
L’un des intérêts majeurs de l’étude du COR est surtout de montrer que, d’ici à la fin du quinquennat, les retraites seront forcément déficitaires, quel que soit le scénario de croissance qui se produise. Il n’y a donc pas à tortiller, ni à prendre un quelconque pari. Dans tous les cas, Emmanuel Macron sera confronté à une dégradation des comptes sociaux qui l’obligera à réagir pour tenir l’objectif de 3% de déficit dans le cadre des traités.
La dégradation sera même très rapide. Selon le COR, la France se promet un déficit de 10 milliards€ en 2020 si des mesures d’urgence ne sont pas prises.
C’est une très mauvaise nouvelle pour Emmanuel Macron qui avait imaginé pouvoir compter sur un petit répit et n’engager sa réforme des retraites qu’à partir de 2018.
Des solutions difficiles pour le nouveau Président
Dans la pratique, la dégradation des régimes de retraite agit comme une véritable peste: une fois le virus diffusé, il est très difficile de le combattre. Les remèdes à court terme sont en effet peu nombreux, bien connus et pénibles à faire avaler au public.
De deux choses l’une en effet.
Soit Emmanuel Macron retarde l’âge de départ à la retraite… mais cette option sera compliquée à mettre en oeuvre pour un Président qui a annoncé une réforme systémique qui laisserait à chacun le soin de choisir son âge de départ. On voit mal comment d’une main, le Président pourrait promettre un système notionnel où chacun part quand il le souhaite, et d’une autre main expliquer doctement que la traduction immédiate de ce dispositif consiste à repousser l’âge des partants.
Soit le Président adopte la solution déjà discrètement pratiquée par Marisol Touraine: la baisse des pensions. En retardant les indexations d’un semestre, la précédente ministre a en effet pu glaner quelques précieux milliards au détriment du niveau réel des retraites.
Reste, bien entendu, le troisième levier: éponger le déficit par une énième augmentation des cotisations. Mais, dans ce cas, sauf à admettre publiquement qu’il ne renouvelle rien et qu’il déçoit collectivement son électorat, Macron devra trouver des économies sur d’autres sources de financement de la sécurité sociale pour compenser ce sérieux coup de canif à ses promesses.
La difficulté, pour le Président, c’est que le temps va manquer pour finasser. Dès 2019, le déficit devrait repartir en sérieuse hausse.
Programme En Marche
Après plus de vingt ans de réformes successives, le problème des retraites n’est plus un problème financier. Les travaux du Conseil d’Orientation des Retraites, qui font référence, le montrent : pour la première fois depuis des décennies, les perspectives financières permettent d’envisager l’avenir avec « une sérénité raisonnable » selon le Comité de Suivi des Retraites. L’enjeu aujourd’hui n’est donc pas de repousser l’âge ou d’augmenter la durée de cotisation.
Pourtant, les Français ne savent plus s’ils peuvent se fier à leur système de retraites. Beaucoup, parmi les jeunes notamment, ont perdu confiance. L’opacité des règles conduit à ce que notre système de retraite par répartition, qui est l’expression de la solidarité entre générations, ne fournisse pas à chacun la sécurité qu’il est en droit d’attendre. Ceux dont les carrières sont heurtées ou les font passer par différents statuts – salarié, indépendant, agent public – sont facilement pénalisés. On ne sait si des nouveaux efforts vont être demandés. Chacun a l’impression d’être moins bien traité que d’autres.
Notre projet, ce n’est pas de changer encore une fois tel ou tel paramètre du système de retraites. Il n’est pas de sortir de la répartition. Il est de rétablir la confiance et de construire un système adapté aux parcours professionnels et de vie d’aujourd’hui et de demain. Il est de clarifier et de stabiliser les règles du jeu, une fois pour toutes, en mettant en place un système universel, juste, transparent et fiable, dans lequel chacun bénéficie exactement des mêmes droits.
Notre système restera fondé sur la répartition, qui est l’autre nom de la solidarité entre les générations. Il restera collectif et solidaire. Il continuera à tenir compte de la diversité des carrières, dont certaines sont plus longues ou plus pénibles. Il préservera les avantages sociaux, par exemple ceux qui sont liés à la maternité. Mais il le fera de manière plus transparente et plus juste.
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog