La banque de détail doit se réinventer

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Par Steve Bousabata Modifié le 13 novembre 2013 à 14h21

Les habitudes et les comportements des Français ont fondamentalement changé. Internet a pris une place prépondérante dans leurs manières de consommation, les rendant ultra-connectés, avec de nouvelles attentes, de nouveaux besoins.

La banque n'échappe pas à ce phénomène et tarde à intégrer cette révolution de masse dans la pratique de son métier. Ainsi, les agences bancaires se restructurent, ferment ou évitent d'embaucher. Le destin funeste promis aux agences bancaires est pourtant loin d'être une fatalité, si celle-ci se transforme rapidement et intelligemment.

Les agences bancaires ont du mal à attirer leurs clients et les retenir
Les agences bancaires ont constitué un vrai repère pour les clients au moment de la crise financière de 2008. Mais elles sont de plus en plus délaissées aujourd'hui. En cinq ans, la fréquentation a en moyenne été divisée par 3 entre 2007 et 2012 (source Ifop-BDF 2012). Un problème d'autant plus épineux que les Français entretiennent une relation schizophrénique avec leur banque : un besoin d'accompagnement uniquement quand ils le souhaitent, mêlée à une volonté de liberté a priori contradictoire avec cet accompagnement aussi personnalisé que possible.

La conséquence de cette désaffection a des effets négatifs sur l'organisation des agences bancaires. Les recrutements aux guichets ont reculé. On comptait 23.000 embauches dans le secteur en 2012 contre 30.000 l'année précédente.

Les Français ont adopté le concept de banque digitale mais ne veulent pas de banque déshumanisée
Le succès d'ING Direct (+ 40 000 utilisateurs en 2012) et la démocratisation des applications bancaires sur leur Smartphone et leur tablette démontre que les clients aiment et ont envie d'utiliser la banque en ligne.

La relation entre le client et la banque est complètement digitalisée et elle incite les Français à effectuer de plus en plus d'opérations et à gérer leurs comptes au quotidien plus facilement tant l'utilisation est simple et rapide.

La France a un réseau de plus de 38 000 agences bancaires qui doit fondamentalement se réorganiser pour s'adapter à ces nouveaux enjeux comportementaux, sociétaux et financiers. Selon le cabinet de conseil Roland Berger, le nombre d'agences bancaires devrait diminuer de 2 à 4% dans les 3 ans à venir. Cette situation aura-t-elle lieu au profit de la banque en ligne ?

La banque « 100% digitale » est une alternative mais ce n'est pas la réponse. Les Français eux-mêmes se montrent plutôt frileux à l'idée d'une banque 100% en ligne. 48% des personnes interrogées (baromètre Orange/Terrafemina) se déclarent « pas intéressés » par une gestion complètement à distance de leurs comptes, même en contrepartie de frais bancaires moins élevés.

De plus, les banques directes n'ont explosé ni en clients ni en flux. Elles réalisent très peu de ventes de produits financiers : moins de 5 % du PNB des banques, contrairement à nos voisins européens tel que le Royaume-Uni notamment. On reste donc assez loin d'une banque 100 % directe.

Le client Français veut avoir le choix du canal utilisé en fonction de ses habitudes et du temps qu'il souhaite y consacrer. Il veut maîtriser le niveau d'accompagnement et le type de services bancaires proposé. La banque de détail doit envisager des réponses crédibles pour mettre en place l'agence de demain, et ainsi répondre aux attentes des clients-consommateurs désormais avertis et informés.

La révolution de l'agence bancaire passe par au moins trois nouveaux axes de développement

La révolution de l'agence bancaire passe par des changements qui pour être efficaces doivent être simples et rapidement implémentables.

Aujourd'hui, une agence bancaire gère deux grands types de services : les moyens de paiement des clients et la vente de produits financiers et d'assurance. L'évolution des besoins clients doit amener les banques à réfléchir à un nouveau modèle autour de 3 axes : le redimensionnement des agences, des nouveaux services clients et l'externalisation des métiers non stratégiques (BPO).

Tout d'abord, le redimensionnement des agences apparaît comme une obligation pour la plupart des banques françaises. Les modalités de ce redimensionnement sur le territoire pourraient être envisagées selon des critères géomarketing : population, âge, besoins, mais aussi suivant de nouveaux formats commerciaux.

En comparaison les points de vente dans la distribution se sont structurés suivant différents formats pour répondre à des besoins spécifiques : hyper, super, proximité, hard discount ... Demain, on pourrait tout à fait imaginer des agences beaucoup plus segmentées : généralistes, spécialisées, jeunes, seniors, mobiles... La proximité devient un élément essentiel !

Ensuite, la banque de détail se doit de trouver de nouveaux services et des outils pour rester «indispensables » au client sans pour autant être envahissants. C'est là que le concept « d'agence connectée » prend tout son sens avec, par exemple, un accès wifi gratuit et socialisant « le social hot spot », des murs digitaux, des tablettes, de la visioconférence, des services de restauration, de livraison de colis en tant que tiers de confiance... et de replacer le conseiller spécialisé au cœur de la relation client.

Cela doit passer par une revalorisation de son métier car il s'adresse désormais à des clients déjà très informés qui souhaitent s'entretenir avec des experts. Avoir le même niveau d'informations que son client n'est certainement plus suffisant....

Le client souhaite bénéficier d'un parcours de client-consommateur enrichi de conseil et d'accompagnement sans perte de son temps, sinon il passera son chemin !

Enfin, le fonctionnement de l'agence doit être fortement optimisé. Premier exemple, La Banque de France souhaite externaliser le recyclage des espèces à des opérateurs privés. Le recyclage des billets permettrait la remise en circulation de l'argent sans passer par les centres forts et les bureaux de la BDF. Certains automates bancaires permettent de recycler et de faire baisser de 20 à 30% les coûts de gestion et du transport habituellement incompressible. En Allemagne, le recyclage est un procédé aujourd'hui très répandu contrairement à la France.

Les coûts de l'agence peuvent être encore rationnalisés lorsqu'elle externalise la gestion des technologies auprès de partenaires. En effet, la complexité croissante des services IT retardent les ouvertures d'agences, créent des dilutions de responsabilité ou des dépassements de budget. Il convient aujourd'hui de savoir manager le cycle de vie complet de l'agence bancaire. Plusieurs acteurs ont à ce titre développé des offres globales qui intègrent l'ensemble des étapes stratégiques de la vie de ce type de site : ouverture, exploitation, rénovation avec toutes les dimensions que cela peut comporter jusqu'au stade du déménagement ou de la fermeture.

En résumé, le modèle de la banque de détail mixant présence physique et digitale ne suffira pas. La transformation devra se faire sur la totalité des canaux en même temps :

1. Le réseau d'agences devra radicalement se transformer un réseau de vente et de conseil avec une augmentation de la productivité

2. Les canaux digitaux devront créer une expérience enrichissante et unique afin d'augmenter la vente adaptée des produits financiers

3. Les centres d'appels des banques devront être un canal profitable avec l'utilisation massive de la vidéo pour en faire un canal efficace de type service après-vente.

4. La banque gèrera ces canaux de manière complètement intégrée et sans couture afin de de fournir une expérience utilisateur-consommateur de bout en bout à leurs clients.

Ces pistes de réflexion peuvent constituer un premier plan de route pour la transformation nécessaire du métier d'agence bancaire, qui a tout à gagner à embrasser cette révolution digitale afin de recréer les liens qui l'unissent à ses clients, qui ne demandent qu'une chose : avoir une banque pragmatique, qui sache les comprendre en toutes circonstances et qui évolue avec eux.

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General Manager Banking France de Wincor Nixdorf

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