Ne pas oublier la dette
Tout le monde commence à comprendre ce qu’est une bulle. Le prix d’un actif augmente, augmente, augmente, de façon déconnectée avec la réalité économique. Puis la bulle se dégonfle (baisse lente du prix de l’actif en question) ou éclate (chute brutale du prix).
Tout ceci, à première vue, est bien inoffensif. Si le prix de votre maison s’envole puis s’écroule, ça ne change pas fondamentalement votre vie. Vous habitez toujours la même maison, et elle vous protège toujours aussi bien de la pluie quel que soit son prix. Le problème central de l’histoire, c’est la dette.
Prenons l’exemple de l’immobilier. Pour que le prix des maisons s’envole, il faut qu’un grand nombre de personnes achètent des maisons. Mais sur tous ces gens, beaucoup n’ont pas les moyens, là, maintenant, d’acheter une maison. Ils empruntent l’argent. Dit autrement, dans un emballement spéculatif, on s’endette pour spéculer. La maison qu’on achète, on ne pense pas l’habiter un jour, seulement la revendre plus chère, rembourser la banque, et se garder une jolie marge dans la poche.
Et c’est là que le ver entre dans le fruit. Car, si le prix des maisons s’effondre, les spéculateurs surendettés ne peuvent plus rembourser les banques. Et, si les banques ont prêté les yeux fermés, elles se retrouvent la tête sous l’eau. Donc rationnement des crédits à l’économie car les banques ne sont plus en mesure de prêter, asphyxie de l’investissement et de la consommation, crise et chômage. Plus un joli effet boule de neige : les chômeurs n’achètent plus de maison, voire vendent la leur, et les prix de l’immobilier chutent encore plus. Le chômage, la chute de la consommation conduisent les entreprises à la faillite, qui ne peuvent plus rembourser les éventuels emprunts contractés auprès des banques, ce qui les plonge encore un peu plus dans le rouge, et ainsi de suite.
L’État peut essayer de venir assainir tout ça, aider les banques et soutenir l’économie. Mais ça coûte très cher, et l’endettement public peut devenir tel qu’on se met à douter de la solvabilité de l’État. C’est ce qu’on a vu se produire par exemple en Irlande ou en Espagne suite à l’éclatement de bulles immobilières en 2008-2009.
Moralité : sans dette, les bulles ne sont pas bien méchantes. Mais sans dette aussi, les bulles ne peuvent pas gonfler de façon vertigineuse. La dette est bien au centre du gonflement des bulles… et des dégâts créés quand elles explosent.
Bulles et investissements
Une bulle en elle-même, c’est-à-dire une hausse vertigineuse puis l’effondrement du prix d’un actif, est bien souvent la partie immergée d’un iceberg beaucoup plus gros. Si on considère l’exemple de la bulle immobilière qui a éclaté en Espagne en 2008, le cœur du problème n’était pas tant la variation du prix des maisons que la variation de l’investissement immobilier (l’achat d’une maison par un particulier est considéré comme un investissement).
Quand le prix des maisons montait, on en construisait à tour de bras, et l’investissement immobilier tirait la croissance. Puis, quand les prix ont dégringolé, plus personne ne construisait de maisons car on en avait déjà construit beaucoup trop pendant la bulle. Le secteur de la construction, qui avait grossi jusqu’à l’obésité, s’est retrouvé plongé dans une crise brutale, d’où licenciement des maçons et plongeon de la croissance. Pour bien comprendre les dommages qu’a causés la bulle immobilière espagnole, il ne faut pas regarder que le prix de l’immobilier, mais surtout le secteur de la construction, les deux étant évidemment liés.
Ceci est un extrait du livre « Promenade au pays de l'économie » écrit par Sylvain Bersinger paru aux Éditions Ellipses (ISBN-10 : 2340023998, ISBN-13 : 978-2340023994). Prix : 18,50 euros.
Reproduit ici grâce à l'aimable autorisation de l'auteur et des Éditions Ellipses.