Complémentaires santé : le scandale de l’intervention des pouvoirs publics

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Par Frédéric Bizard Modifié le 8 novembre 2013 à 2h12

Nous sommes aujourd'hui à un tournant historique en matière de protection sociale, où le secteur privé de l'assurance santé cherche à se voir confier un rôle structurant dans le fonctionnement de notre système de santé.

Dès lors la question se pose : est ce que cette évolution est réellement dans l'intérêt général en matière de couverture du risqué santé et d'égalité d'accès à des soins de qualité pour tous ? Dans les conditions actuelles du marché, la réponse est clairement négative.

Quotidiennement dans leur pratique, les médecins sont interrogés par leurs patients sur la prise en charge des frais médicaux dont le maquis des offres de contrats leur est indéchiffrable. La liberté de choix de sa complémentaire santé exige du citoyen qu'il comprenne mieux au préalable le secteur des organismes complémentaires, ses acteurs, son fonctionnement...

La liberté de choix de mutuelle menacée

L'article 45 du PLFSS 2014 prévoit pour les contrats responsables (98% du marché) de plafonner le remboursement des lunettes et des compléments d'honoraires des médecins spécialistes. On peut se demander ce que viennent faire les pouvoirs publics dans le plafonnement de remboursement de contrats privés.

- Cotisations en hausse et remboursements en baisse: les complémentaires 100% gagnantes, les assurés 100% perdants. Alors que les cotisations vont augmenter d'un milliard€ en 2014 (+3%), les assurés vont voir leurs dépenses d'optiques et de médecins spécialistes moins bien remboursés.

- Une des raisons de confier ce marché de l'assurance au secteur privé est de faire jouer la concurrence pour obtenir un optimum coût/qualité/prix. Déjà que la concurrence est minimale du fait de l'opacité du marché (cf le livre), cet article 45 réduit encore plus la concurrence en plafonnant les remboursements. Cet article est le ferment de la disparition à terme des complémentaires santé (autant mettre une complémentaire publique identique pour tout le monde et moins chère)

La qualité de la couverture santé va baisser

- C'est la garantie d'une baisse de qualité des produits et services de santé: si les opticiens et médecins spécialistes doivent baisser leurs prix, ils baisseront la qualité de ces mêmes produits (les lunettes) et services (réduction du temps de consultation pour voir plus de patients, entre autres);

- C'est enfin et surtout le creusement des inégalités puisque le seul moyen pour l'assuré de conserver la qualité des soins sera de payer soit directement (out of the pocket) soit en souscrivant une sur-complémentaire qui sera hors de prix car taxée à 15% et non à 7% comme les contrats responsables.

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FRÉDÉRIC BIZARD est Économiste de la santé et Maître de conférences à Sciences Po Paris, il travaille depuis plus de quinze ans dans le secteur de la santé aux États-Unis et en Europe et en est aujourd'hui un expert reconnu. Il dirige une société de conseil spécialisée dans la santé. Il est l'auteur d'un livre intitulé Une ordonnance pour la France : 10 pistes de réforme pour une santé plus juste, plus efficace et plus économe (Éditions Thierry Souccar, 2012).

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