Malgré des difficultés certaines qui persistent, le Royaume-Uni connaît une reprise économique particulièrement encourageante. Les bonnes performances économiques du pays s'expliquent essentiellement par la mise en place d'une politique économique axée notamment sur la stimulation fiscale et réglementaire, l'orthodoxie budgétaire, l'activisme monétaire, le soutien à l'économie, et enfin le recours à l'exploitation des gaz de schiste.
Une reprise économique claire et forte
L'analyse des performances économiques indique une reprise économique réelle. En effet, au troisième trimestre 2013, la croissance économique du Royaume-Uni s'élève à +0,8%, contre seulement +0,4% (estimation) en moyenne dans les 17 pays de la Zone Euro. En rythme annualisé, cela correspond à une croissance du PIB de +3,2% au Royaume-Uni, contre +1,6% en Zone Euro. Dès lors, ces chiffres soulignent l'écart significatif qui s'accroît entre ce pays et l'Europe continentale. Le décalage est de plus en plus évident entre la réussite économique du Royaume-Uni et les performances d'une Zone Euro dont la reprise est moins marquée et encore fortement conditionnée.
L'ensemble des indicateurs intermédiaires indiquent la même dynamique positive. A ce titre, l'analyse des différents indices PMI est très instructive. En effet, les indices PMI ("Purchasing Manager Index" en anglais) reflètent l'expansion ou la dégradation de l'activité économique d'un secteur d'activité donné. La lecture de cet indicateur est la suivante : un indice PMI au-dessus de 50 indique une amélioration de la situation, alors qu'un indicateur en-dessous de 50 indique une dégradation. Dans le cas du Royaume-Uni, tous les indices PMI de l'ensemble des secteurs d'activités (manufacturiers, services...) évoluent positivement. Ils sont tous au-dessus de 50, indiquant ainsi une expansion généralisée de l'activité. L'indice PMI Composite, qui regroupe l'ensemble des différents indices PMI particuliers, dépasse quant à lui les 57 et son évolution est la plus marquée depuis plus de 20 ans au Royaume-Uni.
Des résultats positifs liés à une politique économique clairement identifiée
Le pays récolte les fruits d'une politique économique audacieuse. Les quatre axes principaux de la politique économique menée au Royaume-Uni au cours des dernières années ont été (1) l'orthodoxie budgétaire, généralement qualifiée de politique d'austérité, (2) la compétitivité fiscale et réglementaire, (3) l'activisme monétaire, et enfin (4) des mesures parallèles de soutien à l'économie :
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En substance, l'idée de cette politique budgétaire dite "orthodoxe" est de diminuer les dépenses publiques (notamment sociales) et de réduire le périmètre de l'Etat (taille des administrations et rôle de l'Etat dans la vie économique). L'objectif est d'opérer une gestion raisonnée des deniers publics dans une optique d'optimisation.
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Le deuxième aspect est lié à la fiscalité et à la réglementation. En effet, le pays a voulu stimuler les activités créatrices de richesses et de croissance, et donc d'emploi, notamment par le biais des entreprises. Pour ce faire, le pays a mis en place une politique fiscale, qui se voulait incitative, mais aussi attractive pour les investisseurs internationaux afin que ces derniers viennent développer leur potentiel de croissance au Royaume-Uni et non à l'étranger. Plusieurs mesures ont été prises dans ce sens : diminution du taux d'imposition sur les tranches supérieures de l'impôt sur le revenu, exemption de cotisations patronales, baisse du taux d'imposition sur les sociétés, etc.
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Le troisième aspect, et probablement un des plus efficaces à court terme, c'est la politique monétaire très accommodante menée par la banque centrale du pays, la Bank of England (BoE). A l'instar de la Federal Reserve (FED), qui est la banque centrale des Etats-Unis, la BoE a injecté énormément de liquidité dans l'économie et a maintenu des taux d'intérêts très faible afin, d'une part, de soutenir la consommation et, d'autre part, de soutenir les exportations en affaiblissant la valeur de la Livre Sterling. Les données de cette politique monétaire sont très proches de celles présentes aux Etats-Unis.
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Parallèlement à ces mesures, le Royaume-Uni a injecté environ 1% de sa richesse nationale (le PIB), soit près de 17 milliards de Livres pour soutenir la construction d'infrastructures, de logement, etc. Une partie de cette somme a été utilisée pour financer le plan appelé "Help to buy" (littéralement "aide à l'achat" en français) qui est un programme de soutien au financement de l'immobilier pour soutenir les transactions immobilières. L'effet a été très rapide et significatif avec un redressement des constructions neuves et des prix de l'immobilier après plusieurs trimestres de baisse. Dès lors, les ménages britanniques ont bénéficié d'un effet de richesse avec la revalorisation de la valeur de leur patrimoine via leurs biens immobiliers, aidant ainsi à la reprise de la consommation.
En plus des quatre points précédents, il convient également de souligner le rôle de l'exploitation des gaz de schiste. En effet, au même titre que l'affaiblissement de la livre sterling a permis de soutenir les exportations (même si ces dernières restent encore inférieures aux importations, induisant ainsi un déficit extérieur), l'exploitation des gaz de schiste a permis de diminuer les coûts de production, accroissant ainsi de fait la compétitivité de l'industrie du Royaume-Uni, notamment au niveau européen.
Conséquences politiques, risques économiques persistants et décalage avec la France
Les performances économiques de l'équipe dirigeante actuelle entraînent des considérations politiques. En effet, le retour de la croissance prive la gauche britannique (le Parti Travailliste), actuellement dans l'opposition, de son principal argument contre le gouvernement en place. Le Parti Travailliste a fortement critiqué la politique économique menée par le gouvernement en la qualifiant d'économie d'austérité ayant des impacts négatifs et contre-productifs. Or, les faits donnent tort à cette vision. Par conséquent, l'opposition doit revoir son corpus idéologique, passant d'une politique économique traditionnelle à gauche axée sur la demande (stimulation de la consommation), vers une politique axée sur l'offre (stimulation de la production) dont la droite est la tenante historique. Cette considération est d'autant plus importante qu'elle intervient à l'approche des prochaines grandes échéances électorales du pays en 2015.
Malgré des résultats positifs, les difficultés et les risques persistent. En effet, le chômage a certes diminué à 7,7% de la population active lors du deuxième trimestre 2012 (contre près de 11% en France) mais ce résultat n'est pas assuré dans le temps. Le secteur bancaire présente toujours un certain nombre de faiblesses non résolues. De plus, malgré une compétitivité qui s'améliore, le pays reste toujours insuffisamment compétitif au niveau international. Ensuite, les effets positifs actuels de l'immobilier sur l'activité vont progressivement s'estomper, avec un risque parallèle d'apparition d'une bulle immobilière. Egalement, la politique monétaire actuelle crée les conditions de la réapparition de l'inflation à moyen terme. Enfin et surtout, malgré la reprise de la production de biens et de services, cela tarde à se matérialiser dans l'évolution des finances publiques qui restent encore fortement déséquilibrées.
La performance du Royaume-Uni est particulièrement positive en comparaison avec la France. Plusieurs raisons principales à cela peuvent être identifiées :
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La France souffre d'un profond problème de compétitivitéqui empêche (entre autres) que ses exportations jouent un rôle moteur dans la reprise de l'activité ;
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De plus, la France est plus dépendante que le Royaume-Uni des pays du Sud de l'Europe (notamment Italie, Espagne et Portugal) où la conjoncture est moins bonne ;
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Ensuite, le marché du travail français est particulièrement rigide. Or, toutes les phases de reprise économique sont fondées sur la réallocation rapide de la force de travail vers les nouveaux secteurs porteurs d'activité. En France, la rigidité du marché du travailfreine cette réallocation, et donc cela freine plus largement le rythme de la reprise.
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Enfin, il convient également de citer la lourdeur des finances publiques. Alors que les Etats-Unis, le Royaume-Unis ont significativement diminué leurs dépenses publiques, ou que l'Allemagne les maîtrise, la France n'a pas su faire ces efforts, bridant ainsi son potentiel de croissance.
Retrouvez d'autres décryptages économiques écritas par Sylvain Fontan sur son site : www.leconomiste.eu