La compétitivité est l’une des grandes passions françaises du moment. Sans compétitivité, pas de croissance, nous dit-on, et sans réforme du marché du travail, pas de compétitivité. L’idée est régulièrement martelée: la France vend mal ses produits, parce que ses salariés coûtent trop cher. Remède miracle: baisser le coût du travail, qui est trop cher par rapport aux concurrents allemands.
Ces slogans sont d’autant plus faciles à comprendre qu’ils se sont largement répandus dans l’opinion. Ils méritent pourtant d’être fortement corrigés, car ils reposent implicitement sur l’idée que l’essentiel du coût d’un produit provient du salaire versé au producteur. En baissant le coût du producteur, on baisse automatiquement le prix du produit. Malheureusement, la réalité est plus compliquée.
Prenons l’exemple des voitures françaises et des voitures allemandes. La DS3 de Citroën, par exemple, est produite à Poissy. Selon les chiffres donnés par le groupe dans son bilan annuel de 2007, la masse salariale en France représente moins de 17% des coûts globaux de l’entreprise. En acceptant une marge globale d’erreur, plaçons ce chiffre à 20%: lorsque Citroën vend une DS 3 à 20.000 euros, le coût du travail pour la fabrication du véhicule ne dépasse pas les 4.000 euros. En baissant le coût du travail de 10%, Citroën pourra vendre sa DS3 à 19.600 euros (400 euros d’économie), au lieu de 20.000 euros. Cette baisse suffira-t-elle à écraser la concurrence des Audi ou des Mini qui sont placées sur le même créneau de marché?
C’est ici que nous touchons aux limites de la notion de compétitivité. Car, même à 20.000 euros, une DS3 est moins chère que ses concurrentes allemandes. Celles-ci se vendent bien, malgré un prix élevé, pour des raisons que les économistes appellent la compétitivité hors-prix.
Le prix n’est pas le seul élément de la compétitivité, ne l’oublions pas. Il est même assez souvent un élément marginal. D’autres facteurs jouent: la qualité, l’attrait, le désir, l’utilité, l’originalité, etc. Dans le cas des voitures allemandes, l’exemple est probant. Acheter une voiture allemand ne dépend pas du prix, mais d’une certaine image de la voiture qu’on achète.
Pour cette raison, la baisse du coût du travail ne produira pas d’effet majeur sur les exportations françaises, en tout cas sur les secteurs industriels où nous sommes en concurrence avec l’Allemagne. La France devrait plutôt mettre le paquet sur son avantage possible: l’imagination, l’audace, la beauté des formes. Bref, sur l’innovation.