2020 a marqué un tournant dans l’essor du télétravail en France. Alors que les entreprises françaises ne recouraient au télétravail que de manière exceptionnelle (seulement 29% des salariés avaient télétravaillé en 2018, un an après les ordonnances Macron), se butant à des réticences managériales, le premier confinement a imposé le télétravail par la force des choses, le rendant obligatoire, avec des contraintes personnelles parfois peu compatibles avec la plus grande efficacité.
Après avoir résolu les obstacles technologiques et logistiques, le télétravail s’est imposé pour plus de 40% des travailleurs français au plus fort de la crise et a remporté les suffrages des salariés les plus sceptiques. Ainsi, une étude CSA pour Malakoff Humanis réalisée en mai 2020 montrait que 84% des télétravailleurs souhaitaient vouloir continuer à télétravailler à l’issue du confinement.
Pourtant, le télétravail imposé semble avoir entamé la satisfaction des salariés pour ce mode de fonctionnement . De leurs côtés les managers évoquent les risques sur la cohésion d’équipe, de pertes de compétences...
Si des accords ont été conclus avec les syndicats pour encadrer au mieux la pratique du télétravail, comment faire en sorte que le télétravail soit une source d’épanouissement, pour l’ensemble des équipes ? Quels sont les défis des responsables ressources humaines dans le domaine? Quels devront être les modèles à mettre en place?
L’accompagnement des salariés: les nouveaux défis des RH
Imposé ou choisi le télétravail fait résolument partie d’une nouvelle organisation du travail. Au-delà de ses avantages, Il ne faut pas ignorer ou minorer les risques du travail en distanciel (anxiété, troubles musculo-squelettiques , sédentarité, isolement…) pour mieux les prendre en compte et apporter des solutions adéquates. Le premier confinement a mis en lumière les bénéfices que chaque salarié pourrait tirer d’un ou plusieurs jours en télétravail pour retrouver son équilibre entre vie professionnelle et personnelle (réduction du temps de transport, organisation du temps de travail plus souple…).
Ainsi, l’un des défis majeurs des responsables RH consiste alors à proposer à chaque salarié un accompagnement personnalisé, en restant vigilant sur les situations personnelles pour offrir la flexibilité nécessaire, dans les horaires, les missions et développer tout ce qui peut aider le salarié à gérer un contexte personnel tout en maintenant son activité.
De même, rester proche de ses équipes permet de déceler les situations de détresse qui peuvent se dessiner au fil du temps. Garder un lien visuel, via la visioconférence par exemple, est indispensable pour percevoir si une personne est en difficulté, et de lui proposer un accompagnement psychologique, voire médical, adapté. Heureusement, en 2020, les infrastructures, les outils technologiques et les réseaux de télécommunication permettent de rester interconnecté grâce à des messageries d’entreprise de plus en plus ergonomiques, complètes (visioconférence, transfert de fichiers, messagerie instantanée) et, c’est un nouveau défi, sécurisées.
En tout état de cause, confiance, flexibilité et adaptabilité restent les piliers de la relation. En cela, nous avons beaucoup à apprendre des modèles d’entreprises dites libérées ou responsabilisantes, où le sens re-donné au travail fédère les équipes autour d’un projet.
Le Flex-Office, une nouvelle norme?
Une autre révolution en cours dans le monde de l’entreprise induite par le passage à un mode de travail hybride est l’aménagement des locaux et de l’équipement technologique des bureaux. Les salariés doivent pouvoir être joints et joignables de n’importe quel poste et avoir accès à tous les documents de travail dont ils ont besoin de manière sécurisée. La Direction des Services Informatiques doit relever deux défis : entendre les besoins des utilisateurs finaux, qui travaillent au quotidien avec de nouveaux outils pensés par et pour eux, mais également trouver des solutions sécurisées pour limiter les risques de cybermenace et conserver des données souveraines de l’entreprise.
Par ailleurs, si l’ensemble des salariés ne se trouve pas au même moment au bureau, faut-il passer à une organisation en Flex-Office ? Ce mode de fonctionnement peut intéresser certains secteurs ayant adopté le télétravail, quand les salariés n’ont pas de bureau attitré. Cependant, les bureaux partagés ne sauraient convenir à toutes les organisations. Dans beaucoup d’entreprises, les espaces de travail sont organisés en fonction des unités de travail et de leurs spécificités, des outils et équipements nécessaires à la réalisation de leurs missions. Cela nous conduit à nous interroger sur la possibilité pour chaque Business Unit de disposer d’un espace de travail attitré. Toutefois, une réflexion pourra être menée sur les taux d’occupation des bureaux afin d’en optimiser les coûts : là où l’on avait besoin de 10 postes, 7 ou 8 seront suffisants. La création d’espaces collaboratifs, le développement d’open-space, de zones de réflexion et de création, de box où s’isoler, de salles de réunion sera également à considérer. Ces nouveaux espaces de travail dynamiques, en permettant de sortir d’un cadre habituel, stimulent la créativité et la cohésion interne aux équipes, qui - nous l’avons vu plus haut - sera un pilier essentiel dans l’hybridation du travail.
Vers un mode de travail hybride
Pour autant, le 100 % télétravail n’est pas une fin en soi. Depuis la mise en place des ordonnances Macron à l’automne 2017, le télétravail est une réalité pour de nombreuses entreprises. Certaines avaient anticipé dès la fin des années 2000 la nécessité de faire évoluer les modes d’organisation du travail en signant très tôt avec les partenaires sociaux des accords de télétravail. L’année 2020 a facilité de manière plus importante l’accès au télétravail et a fait bouger les lignes. En effet, après avoir constaté que le télétravail fonctionne, que les tâches peuvent être accomplies à distance sans aucun problème, que la technologie offre les moyens de communication adéquats pour poursuivre l’activité sans connaître d’interruption, que le fait de ne plus se déplacer fait gagner du temps, et donc permet un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, peut-on imaginer rester à 100% en télétravail sur le long terme ?
Si les bénéfices sont à prendre en compte, ils ne sauraient toutefois effacer la nécessité du lien social, de l’humain, des échanges autour de la machine à café.... ils ouvrent cependant de nouvelles perspectives vers un mode de travail hybride, où les salariés pourront adapter leurs lieux de travail suivant les besoins de leur équipe, requérant ou non leur présence sur site, mais aussi leurs impératifs personnels.
Dans cette nouvelle normalité, le télétravail doit se structurer. C’est dans ce sens que les accords sur le télétravail passés par certaines entreprises sont importants pour imposer un cadre pour les employeurs comme les salariés.
Le travail hybride implique un management hybride : traiter de façon égalitaire les salariés en distanciel et ceux sur site, en fonction de leurs qualités mais aussi de leur accès aux outils productifs de l’entreprise; s’assurer que les compétences restent à jour pour chacun des salariés, donc proposer des formations en conséquence. La charge des managers doit évoluer pour revenir aux fondements de l’encadrement : être le garant de la gestion des projets, de l’évolution des équipes opérationnelles, de la cohésion et de la communication au sein d’une équipe .
En faisant ressortir les aspects bénéfiques mais aussi néfastes du travail à distance, une réflexion sur les bonnes pratiques et sur les améliorations nécessaires à une bonne acceptation du télétravail s’impose. La question n’est désormais pas si l’on adopte le télétravail, mais comment l’adopter tout en garantissant le bien-être de ses salariés dans le cadre de leurs missions. En effet, dans un contexte économique incertain et volatil, une entreprise dont les salariés sont épanouis dans leur travail est 43 % plus productive que la moyenne (chiffres Bloom at Work - oct 2019). Ainsi la qualité de vie au travail est une condition sine qua non à la réussite de l’entreprise. Si le télétravail est désormais largement accepté par les salariés, le management et la direction, grâce un retour d’expérience à marche forcée et à grande échelle, il reste de nombreux défis à relever pour le monde de l’entreprise comme réussir l’hybridation du travail, proposer les bons outils technologiques et managériaux pour assurer la continuité de l’activité ainsi que le bien-être de ses salariés, en temps normal ou de crise.