Alors que le FMI vient d'admettre des erreurs dans la gestion de la crise grecque, il est plus que de temps de nous détacher du fétichisme des grandes théories macroéconomiques pour (re)découvrir la réalité. Les modèles ne remplaceront jamais l'expérience du terrain et la reprise ne reviendra pas en Europe par l'opération du Saint-Esprit, mais par l'action d'hommes et de femmes désireux de reprendre en main leur destin.
Les politiques publiques doivent reconnaître le rôle de l'entrepreneur dans la dynamique économique
En France plus qu'ailleurs, l'entrepreneuriat doit revenir au cœur des politiques publiques. Or, dans notre pays, les entrepreneurs sont mal vus, soit qu'ils sont dépeints comme d'avides capitalistes, soit qu'ils sont laissés dans l'oubli. Pourtant, la création de plus d'un demi-million d'entreprises en 2012 et le succès de l'auto-entrepreneuriat nous démontrent que les énergies créatrices et le goût de l'innovation ne nous manquent pas. Ce qui leur manque, c'est d'être portés par la société. Offrir des opportunités aux entrepreneurs est le premier enjeu. Sans un accès aux capitaux, aux compétences, aux marchés et aux technologies, que peut-on faire ? Il faut stabiliser le système financier européen et drainer l'épargne française et européenne vers les secteurs en croissance, développer les formations d'excellence et attirer les talents étrangers, disposer d'infrastructures logistiques de pointe et favoriser les échanges entre centres de recherche et entreprises.
Redonner le goût du risque est le deuxième enjeu. Du principe de précaution, devenu alibi de l'immobilisme, au calvaire qui attend un entrepreneur qui a échoué, la France multiplie les dispositifs légaux et culturels pour faire de la prise de risque une sorte de roulette russe. Reconnaître le rôle de l'entrepreneur dans la dynamique économique, c'est apprendre à distinguer son patrimoine personnel des capitaux investis, c'est accompagner le changement en compensant les perdants, c'est encore favoriser la prise de risque au sein même des administrations et des grandes entreprises sous la forme de l'intrapreneuriat.
La France a déjà connu le repli, elle doit poser les bases d'un nouveau modèle économique
Enfin, ces incitations ne sont rien sans le temps pour les utiliser, c'est le troisième enjeu. Pour retrouver la maîtrise du temps long, il faut une stabilité fiscale et législative permettant aux entreprises de planifier leurs investissements, il faut des actionnaires et des créanciers qui s'engagent aux côtés des entreprises dans le long terme. Il est également important d'être à l'écoute des mouvements du monde et de tâcher, collectivement, de les anticiper et d'être en position de leadership. Il faut se donner les moyens d'avoir une stratégie patiente, tout autant qu'une réactivité tactique.
La France s'est déjà trouvée à un tel tournant à la fin du XIXe siècle : paralysée par la crise internationale, le pays se repliait sur lui-même et il a fallu l'effort constant et patient de visionnaires pour poser les bases d'un nouveau modèle économique : création des universités, généralisation de l'enseignement public, développement des réseaux bancaires régionaux, industrialisation des nouvelles technologies électriques et automobiles, etc. La France a les moyens du sursaut, mais les énergies publiques, syndicales et patronales doivent s'unir pour le concrétiser.
Nous devons placer l'entrepreneuriat au cœur de notre pays, c'est-à-dire se donner les moyens de reprendre notre avenir en main.
Avec Laurent Daniel, polytechnicien.
Franck Lirzin et Laurent Daniel sont les auteurs de "Comment (re)faire de la France un pays entreprenant ?", aux éditions L'Harmattan.