Comment réguler la fraude bancaire ?

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Par Nick Hubble Publié le 24 avril 2017 à 5h00
France Banques Fraudes Europe
@shutter - © Economie Matin
99 %99 % des Français possèdent un compte en banque.

Vous souvenez-vous des tests de résistance des banques européennes dont les médias avaient l’habitude de nous abreuver régulièrement ?

En ayant eu assez de sauver de la faillite les grandes institutions financières et leurs actionnaires fortunés, les gouvernements imposent à présent aux banquiers de mener leurs affaires avec plus de prudence. Pour cela, ils exigent des banques qu’elles se soumettent régulièrement à des tests de respect des normes financières. Ces tests sont comparables à la version financière d’un jeu de guerre. Ensuite, les médias nous font croire que les banques sont sûres et ne risquent pas de couler en cas de nouvelle crise… ce qui est un paradoxe flagrant puisque les crises proviennent généralement des banques elles-mêmes. La définition de la sécurité est arbitraire. Les banques sont contrôlées sur le niveau de leurs réserves de liquidités et de fonds propres. Elles doivent respecter les ratios fixés par les accords de Bâle. Malheureusement, il s’est avéré que cette approche était une erreur. La façon dont les gouvernements ont cherché à sécuriser les activités des banques n’a pas permis de véritablement réduire le risque systémique du secteur bancaire. C’est ce qui ressort d’une nouvelle étude publiée par quatre chercheurs du Bureau National Américain de Recherche Economique [American National Bureau of Economic Research NDLR].

Le ratio de fonds propres n’est pas un indicateur de risque pertinent

La synthèse de l’étude est vraiment intéressante et limpide. Je l’ai décomposée en plusieurs parties afin que nous puissions analyser les informations qu’elle contient qui sont importantes pour vous :

« Le durcissement des normes prudentielles en matière de ratios de fonds propres ne va probablement pas empêcher une nouvelle crise financière. Ceci est une réalité démontrée empiriquement par l’histoire économique des pays industrialisés entre 1870 et 2013 ainsi que durant toute la période suivant la Seconde Guerre mondiale. Nous sommes arrivés à cette conclusion surprenante grâce à de nouvelles données collectées concernant la structure du passif des banques dans 17 pays. Le fait est que le ratio de fonds propres, utilisé comme indicateur de solvabilité bancaire, n’a aucune valeur prédictive des crises qui se sont déroulées. »

En d’autres termes, tous ces tests de résistance des banques, réglementations et voyages à Bâle pour se mettre d’accord sur les normes financières étaient absolument inutiles. L’histoire montre que les banques peuvent faire faillite même lorsqu’elles sont correctement capitalisées. En théorie tout comme en pratique, l’idée que le niveau des fonds propres est la clef qui permet à une banque de survivre en cas de crise est l’une des règles fondamentales de la gestion financière. Mais c’est faux historiquement (tout comme la plupart des pratiques et théories dans les domaines économiques et financiers). Cela n’a rien de nouveau. Avant la crise de 2008, les régulateurs s’appuyaient sur la notion de value at risk (VaR) pour contrôler les risques pris par les banques d’affaires. Ce fut un échec total. Quand les marchés financiers se sont totalement détraqués en 2008, le secteur tout entier a implosé étant donné que les acteurs s’appuyaient tous sur cette même contrainte de value at risk. Pour en revenir aux banques, comment est-il possible de se tromper à ce point ?

L’activité bancaire moderne est intrinsèquement frauduleuse

Les activités bancaires sont par nature frauduleuses. Lorsque vous déposez de l’argent dans une banque, la banque l’utilise pour réaliser des prêts. Ainsi l’argent est enregistré comptablement à deux endroits en même temps : sur votre compte et sur celui de l’emprunteur. Vous pourriez en théorie tous les deux – vous déposant et l’autre emprunteur – dépenser cet argent en même temps… sauf si vous essayez de le faire réellement. Si les épargnants devaient demander à retirer leurs économies, ou si les emprunteurs étaient incapables de rembourser tout ou partie des fonds, alors la fraude serait révélée. Le niveau de fonds propres de la banque n’a pas d’importance, une fraude est une fraude. Si deux personnes réclament en même temps le même argent, cela ne peut que mal se terminer.

Le ratio de prêts sur dépôts est une vraie mesure du risque

L’étude confirme qu’il s’agit d’un point-clef. La probabilité d’une crise bancaire est en réalité déterminée par la proportion des dépôts qui est utilisée par l’établissement pour réaliser des prêts.

« Nous avons découvert que les indicateurs de liquidité tels que le ratio encours de crédits/dépôts et la part des sources de financement autres que les dépôts permettent de signaler un risque de fragilité financière. »

Si une banque ne prête qu’une petite partie des dépôts, alors la fraude a moins de chances d’être révélée. Habituellement les épargnants ne retirent pas tous leurs fonds en même temps. Les sources de financement autres que les dépôts sont également importantes car il s’agit de ressources stables pour la banque, contrairement aux dépôts qui peuvent être retirés immédiatement à la demande des épargnants. Les fonds ainsi mis à disposition de la banque peuvent être utilisés par l’investisseur ou par l’emprunteur, mais pas par les deux en même temps. C’est une façon honnête pour la banque de se financer. Cela ne signifie pas qu’il n’est pas possible d’en abuser. Northern Rock nous a montré comment ce type de financement peut également mener à une crise. Mais c’est une autre histoire. Restons concentrés sur le sujet des dépôts.

Une fraude qui devient légale avec une licence bancaire

La fraude que constitue le système bancaire de réserves fractionnaires n’est autorisée qu’avec de l’argent et à la condition d’avoir une licence bancaire délivrée par le gouvernement. Si vous déposez vos meubles de jardin dans un entrepôt de stockage, l’entrepôt ne sera pas autorisé à les prêter. Si vous confiez votre épargne à une société qui ne possède pas de licence bancaire, il serait illégal pour cette société de prêter cet argent. En revanche, si une société possède une licence bancaire, alors elle cela devient légal. Etant donné que notre système financier est basé sur une fraude, nous ne devrions pas être surpris qu’il traverse des crises à répétition. Les accords de Bâle sur les ratios de fonds propres n’y changeront rien.

Rappelez-vous, si le problème provient d’un système frauduleux, alors c’est l’importance du niveau de la fraude qui détermine la probabilité qu’elle soit découverte. Si la banque conserve en sécurité la majorité de vos dépôts et n’en prête qu’une petite partie, il est peu probable que vous vous rendiez compte de la supercherie. En effet, la plupart des déposants conservent leur argent dans le système bancaire. Et si la banque se finance à l’aide d’autres ressources que les dépôts, le risque se réduit encore davantage.

Une croissance rapide du crédit est un indicateur prédictif de crise

Alors comment prévoir l’arrivée d’une crise ? Selon cette étude, la croissance du crédit est un indicateur qui possède une excellente valeur prédictive. Cela s’explique par le fait qu’une croissance soudaine du volume de crédits a généralement lieu au prix d’une augmentation des créances douteuses. Si un boom soudain se produit, c’est probablement que nous sommes en présence d’une bulle, ou que les banques ont abaissé leurs critères d’octroi de prêts (comme par exemple durant la crise des subprime).

Quand la bulle explose, les crédits responsables de la bulle ne peuvent pas être remboursés. La banque se trouve en défaut lorsque les déposants souhaitent récupérer leur argent alors que certains emprunteurs ont dépensé cet argent et son à présent incapables de le rembourser. Comme l’étude le démontre, c’est « l’augmentation des créances à l’actif du bilan » qu’il faut surveiller pour prédire une crise bancaire. Et c’est la mauvaise qualité des créances qui représente l’élément déclencheur de la crise. Cependant, si les banques sont correctement capitalisées, alors elles pourront reprendre leurs opérations frauduleuses rapidement après la crise :

« Néanmoins, un niveau de fonds propres important représente un avantage en termes de stabilité macroéconomique : la reprise économique après une crise financière est beaucoup plus rapide lorsque les banques possèdent un niveau plus élevé de fonds propres ».

Les ratios de fonds propres ne sont donc pas complètement inutiles finalement…du moins si vous voulez voir se répéter encore une fois la même escroquerie.

Le cas alarmant de l’Europe

Supposons que cette l’analyse de cette étude soit correcte. Dans quelle situation se trouve l’Europe ? La croissance du crédit est revenue au même niveau qu’au moment de la précédente crise européenne de la dette. Le président de l’Autorité bancaire européenne [EBA, European Banking Authority, NDLR] s’inquiète tellement du niveau des créances douteuses en Europe qu’il souhaite que les gouvernements se lancent dans un programme de rachat de ces créances à hauteur d’environ 1 000 Mds€. L’idée est de restaurer la confiance dans le système bancaire. Si les banques ont la possibilité d’obtenir des liquidités en échange de leurs crédits douteux, au moins le problème sera confiné.

5,4% de créances douteuses dont un tiers en Italie

Dans le cas contraire, le président de l’EBA pense que l’Europe risque de connaitre une décennie perdue, comme le Japon dans les années 1990. Les Japonais sont connus pour refuser d’admettre l’existence de créances douteuses. Ils se contentent simplement de continuer à travailler d’arrache-pied comme si tout allait bien. Le problème est que les créances douteuses représentent en Europe 5,4% du volume total de crédits. C’est trois fois le niveau du Japon et autant qu’aux Etats-Unis. L’Italie concentre à elle seule le tiers de ces créances douteuses. Mais pas de panique, les banques italiennes sont particulièrement bien capitalisées… Attenez une minute… ne vient-on pas de voir que les fonds propres ne permettent pas d’éviter une crise ? C’est une question de qualité des créances et de sources de financement des banques. Les banques italiennes, de même que les banques espagnoles et brésiliennes, sont connues pour être fortement dépendantes des dépôts. Et comme je l’ai mentionné plus tôt, les banques italiennes ont un problème de créances douteuses, connues sous le nom de sofferenze, que l’on peut traduire par souffrance, malheur, et douleur.

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Diplômé de la prestigieuse université Bond en Finance, Economie et Droit, Nick Hubble est aujourd'hui chroniqueur pour différentes publications financières en ligne telles que "The Daily Reckoning Australia" et "The Money Life Letter".

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