Trois pistes pour enrayer le fléau du chômage

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Par Alexandre Kolow Modifié le 25 juin 2013 à 5h08

Un emploi, plus qu'un moyen de gagner sa vie, est un élément de socialisation. Etre chômeur aujourd'hui c'est en quelque sorte être en marge de la société. Or, notre pays fait face à un taux de chômage inquiétant depuis plus de vingt ans. Mon intime conviction est que le chômage est dû à trois facteurs essentiels : une fiscalité trop lourde sur le travail, une inadaptation de notre système de formation pour adultes en général et une phase de désindustrialisation qui a été trop rapide.

La flexibilité du marché du travail est sans aucun doute l'élément sur lequel l'Etat peut agir dès à présent. A l'inverse, réformer le système de formation professionnelle et ralentir la phase de désindustrialisation sont eux, plus long à réorienter. La fiscalité qui pèse sur le travail est beaucoup trop lourde. En moyenne, le coût total d'un salarié pour son patron est d'environ le double de son salaire net. Tant que notre pays n'aura pas transféré une partie de la fiscalité du travail sur le capital non créateur de richesse, le travail restera trop cher.

Les salariés doivent être formés tout au long de leur carrière pour pouvoir se reconvertir

Dans un second temps il faut s'assurer que les salariés soient formés tout au long de leur carrière professionnelle. Nous sommes aujourd'hui amenés à exercer plusieurs métiers au cours de notre vie et il faut pour cela disposer d'un bon système de formation professionnelle pour adulte. Or, dans l'état actuel des choses, l'accès à la formation professionnelle est très inégalitaire puisque ce sont généralement les plus diplômés qui en bénéficient le plus alors que la logique voudrait que les salariés les moins qualifiés soient prioritaires. De même, ce sont les salariés en C.D.I qui accèdent le plus facilement à la formation professionnelle alors que l'objectif devrait être de permettre en priorité à ceux qui sont en situation précaire de se former afin de pouvoir décrocher plus facilement un C.D.I.

Il faut également faciliter la mobilité des travailleurs en encourageant la mobilité géographique. Comment peut-on expliquer qu'il existe une disparité énorme de taux de chômage entre différents territoires si ce n'est par l'immobilisme de la population. La ville de Fourmies dans le Nord par exemple connait un taux de chômage de plus de 30% ! Ancienne terre du charbon, de la sidérurgie et du textile, le Nord est devenu l'un des départements qui comptabilisent le plus d'allocataires sociaux. Le monde change et nous n'avons pas d'autre choix que de nous adapter si nous voulons survivre. La mobilité est une nécessité absolue pour rendre le marché du travail plus fluide. Il nous faut trouver des solutions pour permettre aux propriétaires de conserver leur logement tout en bénéficiant d'aides au logement dans le cas où il serait nécessaire pour eux de se relocaliser ailleurs pour des raisons professionnelles. Il faudrait également trouver un moyen de leur permettre de revendre leur bien immobilier sans perte de valeur dans le cas où ils seraient situés dans des régions économiquement affaiblies. Dans un article du Figaro d'octobre 2010, deux économistes ont démontré qu'il existait une corrélation positive entre le taux de chômage et le statut de propriétaire occupant. Statistiquement, un propriétaire occupant connait une période de chômage supérieure de 30% à celle d'un locataire. Logique, lorsqu'on sait que la mobilité géographique est moins facile pour un propriétaire que pour un locataire. Faut-il néanmoins tendre exclusivement vers une France de locataires alors que notre pays est déjà l'un des pays Européen où la part de propriétaires occupants est l'une des plus faibles. Non. Il faut juste repenser notre modèle de société. Ce qui est certain c'est que notre modèle économique basé sur la sédentarité et la stabilité n'est plus adapté et qu'il faut harmoniser notre modèle de société avec notre modèle économique.

La désindustrialisation est inévitable, les emplois doivent être créé ailleurs

Enfin, le troisième volet sur lequel nous devons agir si nous voulons continuer à créer des emplois c'est le ralentissement de la phase de désindustrialisation que nous avons entamé dans les années 1970. Cette désindustrialisation est inévitable. Non pas à cause des délocalisations mais « à cause » ou « grâce » au progrès technique. La part de l'emploi industriel dans la population active a baissé au même rythme que la hausse de la productivité dans l'industrie (le ratio de la productivité de l'ensemble de l'économie par rapport à la productivité industrielle a diminué ce qui signifie que la productivité industrielle a augmenté plus vite que la productivité de l'ensemble de l'économie). De même, on constate que la part de l'industrie dans la demande intérieure a même augmenté. La perte d'emplois dans l'industrie est donc principalement due à la hausse de la productivité et non pas aux délocalisations comme voudraient nous le faire croire les politiques les plus « populistes ».

Ce qu'il faut, c'est donc ralentir la désindustrialisation de façon à ce que chaque emploi perdu dans l'industrie soit automatiquement recréé ailleurs et que le salarié perdant son emploi ait le temps d'être formé afin de pouvoir occuper un poste nouvellement créé dans un autre secteur de l'économie. Tout est donc question d'orchestration.


Durant la campagne présidentielle de 2012, nous avons entendu beaucoup de dirigeants politiques nous parler « d'acheter Français ». Ils débarquaient d'où ?! Lors d'une réunion publique à Morestel (Isère) en novembre 2011, j'ai posé la question suivante au ministre du travail Xavier Bertrand : « puisqu'on nous rabâche les oreilles depuis quelques semaines sur le produire Français je vous demande donc de me dire si pour être un « bon » citoyen il est préférable d'acheter une Toyota faite à Valenciennes ou une Peugeot faite en Slovaquie ? ». Il n'a pas répondu clairement à la question. En revanche, c'est le Président de la République de l'époque qui m'a « répondu » (coïncidence ou pas ?) par médias interposés quelques jours plus tard au journal de 20h de France 2 lors de son passage chez Rossignol en Haute-Savoie. Il a dit « sans citer de nom, je préfère qu'on achète une voiture étrangère fabriquée en France plutôt qu'une voiture Française fabriquée à l'étranger ». Merci Monsieur Sarkozy pour cette réponse claire et précise.

La France ne produit pas suffisamment de technologies de pointes

Certes, en voulant consommer toujours moins chers, nous, consommateurs, avons contribué à la fermeture d'usines sur notre territoire. Mais sommes- nous les seuls fautifs ? Lorsqu'on voit une entreprise qui génère des bénéfices se délocaliser parce que ses actionnaires exigent toujours plus de rentabilité, sommes-nous les fautifs ? Dans l'affaire des délocalisations, nous avons tous notre part de responsabilité. Les politiques en premier lieu. Lorsqu'ils ont le pouvoir d'empêcher la perte définitive d'un savoir-faire, ils ne bougent pas toujours.

Le cas Sculfort dans le Nord est un exemple parmi tant d'autres. En mars 2011, l'entreprise a été officiellement déclarée en liquidation judiciaire et le mandataire de justice nommé par le juge a été chargé de vendre aux enchères les actifs de la société. Quelle a été la décision du tribunal ? Vendre les restes de Sculfort à une société Chinoise alors que le concurrent direct Hegenscheidt (société Allemande présente dans le même secteur industriel que Sculfort depuis près d'un siècle) était sur les rangs du rachat également. L'offre d'Hegenscheidt était plus intéressante que l'offre Chinoise. Le tribunal a tout de même tranché en faveur du Chinois alors que les politiques ne cessent de parler de produire en France et de constitution de champions Franco-allemands. Ca me laisse sans voix !

Il nous faut donc ralentir notre phase de désindustrialisation ; pas la stopper. Dire aujourd'hui que nous devons rester pour toujours une puissance industrielle c'est un peu comme si l'on avait dit au milieu du XXème siècle que nous devions rester une économie essentiellement agricole. Nous devons évoluer parce que le monde évolue et parce que c'est en libérant de la main d'œuvre que nous pouvons innover et nous améliorer constamment. Mais cela doit être fait en tenant compte de notre capacité à former la main d'œuvre et surtout en n'asphyxiant pas le pouvoir d'achat des consommateurs. Que se passe-t-il si nous transitons trop vite de l'ère industrielle vers l'ère des nouvelles technologies ?

Nous assistons alors à une explosion du taux de chômage car nous ne formons pas assez vite la main d'œuvre et nous détruisons donc du pouvoir d'achat car bien que les prix d'un grand nombre de produits soient à la baisse notamment grâce à la hausse de la productivité mais également grâce à l'importation de produits en provenance de pays à bas coûts, une partie de la masse monétaire disponible pour la consommation est perdue à jamais. Lorsque la monnaie circule d'un secteur à l'autre de l'économie au sein d'une même nation, elle ne « disparaît » pas. En revanche, lorsque nous en arrivons à importer beaucoup trop, une grosse partie de notre pouvoir d'achat quitte le pays définitivement. Seule une toute petite partie revient soit sous la forme d'achat de produits de luxe « made in France » par la « bourgeoisie » des pays à bas coûts chez qui nous avons acheté nos produits, soit sous la forme d'achat de technologies de pointes.

Mais cela ne suffit pas puisque nous ne produisons pas suffisamment de technologies de pointes vu notre lenteur à former les « chômeurs de l'industrie » à la nouvelle ère technologique. Il faut donc harmoniser la phase de désindustrialisation avec notre capacité à former la main d'œuvre aux technologies de la nouvelle ère économique qui est en train de s'ouvrir devant nous depuis environ quinze ans. Le patriotisme économique n'est viable que pour les produits que nous pouvons continuer à fabriquer chez nous dans de meilleures conditions que nos partenaires commerciaux. Acheter chez le voisin ce qu'il ne fait pas mieux que nous ou plus vite que nous mais juste ce qu'il fait de moins cher parce qu'il exploite sa main d'œuvre n'est pas viable sur le long terme pour l'ensemble de la société. De plus, en ne privilégiant pas les circuits courts et en important en grande quantité nous avons forcément un impact négatif sur l'environnement.

Ce que nous devons donc faire si nous voulons enrayer le chômage c'est alléger le coût du travail, améliorer notre prestation de formation professionnelle et ralentir la phase de désindustrialisation.

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Alexandre Kolow est co-fondateur de la plateforme de recrutement koalajob.com. Un site de recrutement qui met l'accent sur l’évolution de carrière et sur la mobilité européenne des talents. Il donne également des cours d'économie internationale en France et en Europe.

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