Les mystérieuses cités d’or du Brésil

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Par Christopher Dembik Modifié le 29 novembre 2022 à 10h09

Le Brésil est souvent présenté comme l'une des meilleures opportunités de croissance pour les entreprises étrangères. C'est là où il faut être. Depuis près de 20 ans, la hausse des IDE entrants dans le pays n'a cessé de croître, soulignant l'intérêt des milieux économiques pour cette nouvelle frontière de l'investissement. Cependant, les déboires de plusieurs entreprises, parmi lesquelles Wal-Mart et Lenovo, pour s'implanter dans le pays montrent qu'il existe également un revers à la médaille.

L'eldorado des investisseurs

Parmi les pays émergents, le Brésil présente un panorama économique attractif. C'est une économie diversifiée qui a réussi à se spécialiser sur certains secteurs innovants, comme l'énergie, l'aérospatial, et les biotechnologies, et où la classe moyenne constitue un peu plus de 50% de la population totale.

C'est donc sans surprise que le Brésil est l'une des principales destinations mondiales des flux d'IDE entrants avec un montant de 64 milliards de dollars en 2013, soit la septième place mondiale.

Cependant, cette attractivité économique brésilienne n'aurait certainement pas été possible sans le plan real lancé en 1995 par Fernando Henrique Cardoso. C'est à partir de cette stabilisation de l'économie que les IDE entrants ont commencé à s'étoffer significativement, ceux-ci étant jusque-là anémiques du fait de la crise.

Ce rétablissement économique, les opportunités présentes, et l'illusion que le Brésil puisse faire office de relais de croissance en période de difficultés pour les pays développés ont conduit de nombreuses entreprises étrangères à tenter l'aventure brésilienne.

Cependant, elles ont souvent rapidement déchantées face à ce qu'on appelle le « custo brasil » (littéralement le « coût Brésil ») qui renvoie à l'ensemble des coûts supplémentaires cachés pour faire des affaires au Brésil. A savoir, notamment, des infrastructures déficientes, une taxation élevée, des coûts logistiques conséquents ou encore une bureaucratie très lourde.

C'est ce qui explique que le Brésil ne pointe qu'à la 116ème place sur 189 économies dans l'enquête mensuelle Doing Business de la Banque Mondiale. Principale lacune du pays : la taxation. Le montant total imposé s'élève à près de 70% des bénéfices, parmi les records mondiaux. La jungle fiscale est telle qu'il faut en moyenne 2600 heures par an pour accomplir l'essentiel des démarches. Une rigidité propre à de nombreuses économies émergentes qui a un impact direct sur les IDE et les possibilités de croissance.

L'art du jeitinho brasileiro

La conséquence directe de ces rigidités au Brésil, c'est qu'y faire des affaires peut parfois se traduire par un véritable choc culturel pour les entreprises étrangères.

A l'ère de la mondialisation, beaucoup d'entre elles ont la tentation d'avoir une approche commerciale et managériale standardisée qui ne prend pas suffisamment en compte les spécificités locales. C'est particulièrement le cas avec le Brésil qui est présenté comme un pays très ouvert aux influences occidentales. A tort. Les échecs d'entreprises étrangères dans le pays s'expliquent souvent par l'incapacité à intégrer la manière de faire brésilienne, le jeitinho brasileiro. Cette expression renvoie au talent des brésiliens pour contourner systématiquement, et dans une ampleur qui n'est en aucune façon observable en France, les obstacles afin d'atteindre leurs objectifs en dépit des lois et des règles.

Les implications du jeitinho brasileiro sont évidentes : importance du réseau et propension élevée à la corruption.

Là où les Américains et les Européens n'y voient que des formalités vaines, les brésiliens attachent une importance cruciale à cultiver les liens personnels afin qu'une relation de confiance s'établisse. Dans un pays où la défaillance du système légal rend hasardeux tout règlement judiciaire d'un conflit commercial, une telle approche fait sens.

Tisser des liens personnels ténus est également une nécessité pour mettre en oeuvre les indispensables stratégies de contournement du système. Ainsi, la corruption, qui est monnaie courante à tous les échelons de la société et des institutions, va jusqu'à représenter 2.3% du PIB brésilien en valeur relative selon la Fédération de l'Industrie de l'Etat de Sao Paulo.

Si les entreprises étrangères ne maîtrisent pas l'art du jeitinho brasileiro et ses subtilités, elles courent le risque de la méprise culturelle et de l'échec financier.

Le maillage économique français au Brésil

Le succès des entreprises françaises au Brésil s'explique justement par leur capacité d'adaptation au contexte local et à apprendre des errements de leurs concurrents. Bien que partenaire mineur avec une part de marché de seulement 2.7% en 2013, la France est parvenue à créer un maillage économique dense dans tous les secteurs clés, avec parfois même des sociétés qui se sont imposées comme leader, à l'instar de Carrefour et de Casino dans la grande distribution.

La crise mondiale commencée en 2007 n'a d'ailleurs pas arrêté l'expansion française au Brésil puisque, selon les chiffres du service économique régional de Brasilia, le nombre de filiales françaises dans le pays est passé de 343 en 2007 à 600 en 2013.

Pour s'implanter dans l'agroalimentaire, l'industrie ou encore les services, les compagnies françaises se sont appuyées, au moins dans un premier temps, sur des joint-ventures et / ou l'aide d'un despachante, c'est-à-dire un intermédiaire local qui doit faciliter l'immersion des investisseurs étrangers et permettre de naviguer dans l'ubuesque bureaucratie nationale.

Suivant l'exemple des grandes sociétés françaises, beaucoup de PME et d'ETI se sont engouffrées dans la brèche. Mais avec réalisme. Le Brésil est une
belle opportunité d'investissement, plus souvent un complément de croissance qu'un réel relais de croissance. Les entreprises qui ont cru y trouver de
nouvelles cités d'or ont, en effet, été rapidement déçues lorsqu'elles ont été confrontées à la réalité brésilienne.

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Christopher Dembik est économiste chez SaxoBank.

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