CIO : Des arrangements, de la finance, de la géopolitique… et un peu de sport

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Par Mathieu Sauvajot Modifié le 9 avril 2021 à 9h08
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@shutter - © Economie Matin
7 MILLIARDS €Les JO de Tokyo de 2020-2021 auront coûté 7 milliards d'euros.

Fin mars 2021, Thomas Bach a été réélu à la tête du Comité International Olympique. Une victoire à la fois écrasante et prévisible, qui doit davantage aux arrangements entre amis et à la géopolitique qu’aux intérêts purement sportifs.

La nouvelle n’est pas anodine dans la mesure où les Jeux auront lieu d’ici quelques mois, mais pourtant, beaucoup n’ont probablement pas remarqué que l’élection du président du Comité International Olympique avait eu lieu il y a de cela quelques semaines. Il faut bien admettre que si la cérémonie à distance – coronavirus oblige – méritait le coup d’œil tant celle-ci était particulière, les élections en elles-mêmes n’étaient pas placées sous le signe du suspense.

Thomas Bach s’est succédé à lui-même en tant que président du CIO, avec 93 votes sur 98. Il faut bien admettre qu’aucun débat n’était possible en la matière, en poste depuis 2013, qui aurait pu sérieusement le concurrencer ? N’ayant commis aucuns impairs significatifs durant ces huit dernières années, il était peu probable que la donne change, à plus forte raison quand on sait que celui-ci n’a fait, en somme, que perpétuer une tradition bien ancrée depuis environ un siècle.

Vous avez dit « arrangements » ?

Depuis la fin du XIXème siècle, le CIO brille par son immobilisme, avec une succession de présidents réunissant tous, ou presque, certaines caractéristiques : une nationalité européenne, une personnalité forte parfois à la limite de l’autoritarisme, et la capacité à asseoir leur présence sur le long terme.

Bien entendu, l’idée n’est pas de réaliser un plaidoyer contre ce que l’on pourrait qualifier de monarchie olympique, voire d’ethnocentrisme européen, mais davantage de souligner combien le domaine semble être encore une chasse gardée européenne, peut-être même la dernière institution internationale de grande ampleur où l’Europe pèse encore réellement.

De plus, cet immobilisme n’est pas sans conséquences, dans la mesure où l’on sait que les arrangements entre amis et le fait de favoriser les intérêts économiques sont à peines occultés, et priment sur les préoccupations sportives.

On peut notamment citer le fait que Brisbane soit à l’heure actuelle la seule ville déclarée candidate aux Jeux Olympiques de 2032. Un choix qui peut surprendre, si l’on se regarde le coût de l’organisation : environ 7,5 milliards d’euros pour Tokyo 2020 (devenu 2021), un peu moins de 7 milliards pour Paris 2024 sauf imprévus, et une hausse colossale de la commission prélevée par le CIO sur les droits TV (70% en 2016, contre 4% dans les années 90). En somme, si les plus grandes capitales au monde peinent à amortir de tels coûts, comment une ville australienne d’environ 2 millions d’habitants pourrait-elle y parvenir ? A l’image de l’élection de Thomas Bach, inutile de maintenir le suspense : tout s’est joué en haut lieu.

Le 24 février, un dialogue des plus opaques a eu lieu entre Brisbane (ainsi que sa province du Queensland) et la commission du CIO. Un choix de ville proposé par John Coates, vice-président du CIO, président du comité olympique australien, président du tribunal arbitral du sport, mais surtout, proche et soutien de poids de Thomas Bach lors de sa réélection.

L’Australien est également bien connu pour ses talents de négociateurs, comme en 1999 où plusieurs milliers de dollars avaient été promis à des électeurs africains la veille du vote visant à déterminer quelle ville serait l’hôte des Jeux Olympiques de 2000, dont la gagnante fut bien entendu Sydney.

De l’olympisme à la finance, il n’y a qu’un pas

Bien entendu, le choix des villes hôtes n’est pas uniquement une question d’arrangements : il repose aussi sur des critères économiques.

Si l’on observe de près le coût des Jeux Olympiques au fil des décennies, on peut constater que non seulement ceux-ci ne cessent d’augmenter, mais que les villes hôtes ne sont plus bénéficiaires depuis bien longtemps, la dernière en date y étant réellement parvenu fut Los Angeles en 1984. Depuis, la course au gigantisme est telle qu’aucun profit ne semble réalisable :

L’augmentation des coûts par rapport au budget initial serait de l’ordre de 174% en moyenne, comme l’a récemment déclaré Armand de Rendinger, spécialiste de la question; bien assez pour refroidir la plupart des candidats. Les jeux de 2002 en furent un parfait exemple dans la mesure où l’on est rapidement passé de 9 candidats à 2. Même constat pour les Jeux de 2024, qui sont passés de 7 candidatures à 2.

Que peut-on espérer en la matière durant ces prochaines années ? Probablement toujours plus de gigantisme, toujours plus d’arrangements, mais probablement aussi un nouveau mode d’organisation. Comme le souligne Jean-Baptiste Guégan, les Jeux Olympiques à venir pourraient dépendre non pas d’une ville, mais d’une zone entière afin de répartir les coûts, à l’image de la région du Queensland, pour les Jeux de Brisbane en 2032.

Ainsi, si Pierre de Coubertin rêvait de Jeux Olympiques où tous chercheraient à aller toujours « plus vite, plus haut, plus fort », il semble que la réalité ait pris une toute autre tournure.

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Msauvajot

Titulaire d’un Master de la Sorbonne, spécialisé dans les questions relatives à l’Amérique latine, Mathieu Sauvajot a d’abord rédigé des articles traitant de la géopolitique et de l’économie de ce continent, avant de se tourner vers le domaine du sport.  

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